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Taxifolia : un grand terrain de golf pr�s de chez vous
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samedi 1er février 2003

par Emanuel Haumant

C’est en 1984 qu’une algue nomm�e Caulerpa taxifolia, une esp�ce tropicale, est observ�e pour la premi�re fois en M�diterran�e sous les fen�tres du mus�e oc�anographique de Monaco. Cultiv�e dans ses aquariums depuis 1982 elle pr�sente des propri�t�s remarquables pour l’aquariophilie.

n 1988, contrairement � toute attente, l’algue a d�j� r�sist� � plusieurs hivers rigoureux. Un �tudiant informe le professeur Alexandre Meinesz [1] de sa pr�sence. Elle forme un tapis dense et homog�ne d’un hectare, l’algue se d�veloppe sur tous les biotopes m�diterran�ens entre 3 et 30 m�tres de profondeur. D�s sa premi�re plong�e d’observation le Pr Meinesz s’inqui�te du caract�re invasif de cette algue.

D’apr�s A. Meinesz�, LEML-UNSA
 
Le directeur du mus�e oc�anographique M. Doumenge, trouve des avantages � l’introduction de cette algue [2], elle repeuple les fonds d�sertiques ou pollu�s. En 1990 l’algue est observ�e en France, au Cap d’Ail en juillet et � Toulon en septembre. C’est le d�but d’une longue pol�mique sur l’origine de l’algue qui ne cessera vraiment qu’en 1998 lorsque M. Jousson d�montrera que l’algue vient bien d’un rejet d’aquarium dans la mer, et que des mutations g�n�tiques dues � sa culture en aquarium expliquent sa r�sistance au froid.
Entre-temps, un affrontement st�rile oppose ceux qui essaient d’expliquer scientifiquement que l’algue ne vient pas des aquariums de Monaco, qu’elle ne pr�sente aucun danger, et ceux qui ont r�alis� quel �tait le potentiel invasif de cette algue.
Aujourd’hui C. Taxifolia occupe 13000 hectares, 180 kilom�tres de c�tes et a �t� observ�e dans 6 pays. 90 % des surfaces concern�es sont situ�es entre Toulon et G�nes.

Transport�e par le courant, les filets des p�cheurs ou l’ancre des bateaux, C. Taxifolia se reproduit par bouture et se d�veloppe sur tous les types de fonds, prenant le dessus et rempla�ant toutes les autres esp�ces. De plus, elle contient plusieurs toxines, les herbivores ne peuvent donc s’en nourrir. Dans les zones envahies, la population de toutes les autres esp�ces diminue voire dispara�t. A l’heure actuelle rien ne semble arr�ter sa progression, elle pourrait � terme passer de la M�diterran�e � l’Atlantique.
En ce qui concerne son �radication, aucune technique ne s’est r�v�l�e satisfaisante. Le Pr Meneisz oriente ses recherches vers une limace de mer tropicale qui est un pr�dateur exclusif des Caulerpes et en mange en grande quantit�. Les autorit�s sont oppos�es � l’introduction intentionnelle d’une nouvelle esp�ce en M�diterran�e [3]. Ses demandes de cr�dit pour explorer cette voie sont r�guli�rement rejet�es.

En f�vrier 1991, le Pr Meineisz publie un premier article scientifique concernant l’algue et sa prolif�ration en m�diterran�e. Pensant que l’�radication de l’algue est encore possible, il contacte le minist�re de l’environnement et l’INSERM mais ne convainc personne.
A l’automne 1991, une r�union publique est organis�e pour que l’�tat prenne ses responsabilit�s dans ce dossier. Les m�dias s’emparent du sujet et vont m�me jusqu’� qualifier l’algue de tueuse. En effet l’algue contient des toxines et les interpr�tations hasardeuses sont nombreuses. Quoi qu’il en soit les autorit�s prennent le ph�nom�ne en compte, un comit� scientifique officiel est cr�� au d�but de l’ann�e 1992, toutes les parties sont repr�sent�es. Malheureusement, l’objectif principal est de calmer les esprits et de minimiser les risques, il est vrai que les �lections r�gionales approchent � grands pas. 500000 F pour �tudier l’algue sont m�me accord�s par le minist�re de l’environnement, leur versement n’interviendra que 3 ans plus tard, apr�s que se sont succ�d�s 3 ministres diff�rents.
C’est finalement de l’Union Europ�enne que viendra le financement de la recherche. Sous la pression des d�put�s verts et gr�ce � un heureux hasard, fin 1992, un programme d’un million d’euros est lanc� en coordination avec plus de vingt laboratoires de recherche.

Les hommes politiques qui se sont empar�s du sujet l’ont toujours fait de mani�re ponctuelle et par int�r�t. A la veille des �lections r�gionales de 1992, Jean Pierre Giran, d�put� maire (RPR) de Saint Cyr Les Lecques, s’�meut que la Caulerpa Taxifolia ait �t� retrouv�e sur les rivages de sa municipalit�. On le retrouve quelques mois plus tard �lu au conseil r�gional PACA, pr�sident de la commission environnement. En ce qui concerne l’algue, son action consistera surtout � promouvoir et financer une m�thode d’�radication � base de cuivre mise au point par deux de ses administr�s. Il vient d’�tre missionn� par M. Raffarin et Mme Bachelot pour actualiser le statut des parcs nationaux. Que nous conseillera-t-il pour pr�server le parc national de Port-Cros de la taxifolia ? Un arrachage b�n�vole et r�gulier par les clubs de plong�es, inquiets de pr�server une zone qu’ils aiment fr�quenter, comme ce fut le cas lors de la derni�re r�union au conseil r�gional sur le sujet ?

C. taxifolia et posidonies
photo : A. Meneisz
 
Lutter contre un tel ph�nom�ne n’est pas chose facile. A part les plongeurs, personne ne constate sa pr�sence, mais tous l’affirment, nager dans un oc�an vert fluorescent n’est gu�re r�jouissant. Contrairement � une mar�e noire qui g�n�re des petites boulettes qui collent aux serviettes des estivants, C. Taxifolia est propre, discr�te, mais fera peut-�tre � terme dispara�tre plus d’esp�ces que les naufrages de l’Erika ou du Prestige. Comme si cela ne suffisait pas, une autre Caulerpe, la racemosa, se d�veloppe de l’autre c�t� de la m�diterran�e, elle se propage encore plus vite. D�couverte en 1990 � Tripoli elle a d�j� envahi 50000 hectares...

Pour en savoir plus :

Le roman noir de l’algue "tueuse", Alexandre Meinesz, Editions Belin.

Le portail de la Caulerpa taxifolia


[1] Professeur de biologie � l’universit� de Nice-Sophia-Antipolis

[2] Ce qui est fantastique, c’est qu’� l’�poque o� l’algue fut introduite le directeur du mus�e �tait le commandant Cousteau, grand protecteur des fonds marins

[3] En revanche, la cr�ation de nouvelles vari�t�s de c�r�ales par g�nie g�n�tique ne les effraie pas, l’enjeu �conomique n’est pas le m�me