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.:: CUVERVILLE SANS FRONTIÈRE ::.

 

 

 

 

 

Se loger au B�nin
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mardi 12 octobre 2004

par Sylvestre Djouamon

Sylvestre Djouamon devient journaliste quand il n’enseigne pas le fran�ais dans un coll�ge de Cotonou. Les colonnes de Cuverville lui sont ouvertes. Aujourd’hui, il r�v�le un filon pour tous les habitants de l’Hexagone qui peinent � trouver un logement digne de ce nom � un prix encore acceptable : trouvez-vous une r�sidence au B�nin !

  vos calculatrices, s’il vous plait. Monsieur H. B., gardien de son �tat, gagne dix-sept mille francs CFA par mois [1] et paie huit mille francs pour une cabane en bambou. Combien lui reste-t-il pour s’occuper de sa femme et de ses huit enfants ?

C’est dur, tr�s dur de trouver � louer � Cotonou. Le loyer y co�te particuli�rement cher. On passe tout son temps � chercher o� habiter et lorsqu’on trouve quelque chose de bien, c’est hors de prix. Ceux qui vivent dans les logements d�cents sont des hommes d’affaires ou des fonctionnaires de cat�gorie exceptionnelle. Le salaire est bas pendant que le loyer est �lev�. Selon une �tude publi�e par la direction de l’Habitat et de l’Urbanisme, le logement urbain au B�nin et notamment dans sa capitale �conomique est en �tat de sous-�quipement et de d�labrement. Et c’est peu dire. Se loger � Cotonou est un casse-t�te et ceux qui en p�tissent le plus sont les pauvres. Ils n’ont pas droit de cit�, et en s’obstinant � vivre l� s’installent dans des conditions tr�s insalubres qui ne sont pas dignes d’�tre d�crites. M�me des porcs de race vivent mieux. Imaginez des gens s’installer dans des bas-fonds ou sur des tas d’ordures qu’ils consid�rent comme des zones s�res de squat parce qu’ils sont suppos�s n’�tre l’apanage de personne, o� on peut donc vivre sans crainte d’�tre d�log�. Les bas-fonds n’excluant pas les ordures, certains cumulent les deux dans leur demeure. Et m�me lorsque le bas-fonds tient lieu de propri�t� priv�e, la bonne affaire est d’aller n�gocier (acheter) des ordures pour le remblai avant de construire.
C’est donc la catastrophe au B�nin en mati�re de logement. Ces quartiers de baraquements de pauvres log�s dans des mar�cages sont cach�s � la vue du touriste, car les autorit�s elles-m�mes sont conscientes que ces conditions de logement font la honte de la nation et des ind�pendances.

Le logement n’est pas la priorit� des gouvernements.
Les gouvernants semblent coinc�s par la question et naviguent souvent � vue. La bonne politique qui soulagerait le peuple n’est donc pas pour demain, malgr� les nombreuses d�clarations du Minist�re de l’Environnement de l’Habitat et de l’Urbanisme. Les quelques logements sociaux ou �conomiques ne sont pas en v�rit� des HLM. Quand quelques-uns sont construits, c’est encore les hommes politiques et gros bonnets de la mouvance pr�sidentielle qui les ach�tent par des interm�diaires et qui les remettent de nouveau en location. Les HLM, construites en p�riph�rie dans les zones dortoirs, sont donc tr�s ch�res et m�me pas � la disposition des fonctionnaires de la cat�gorie A. Pour acqu�rir un appartement trois pi�ces (commun�ment appel� deux chambres � coucher un salon) de type HLM, mis en location vente � Calavi, une p�riph�rie de Cotonou, il faudra d�bourser au finish la bagatelle de quatre millions huit cent mille francs (7300 euros) avec une avance cash de deux millions. Quel fonctionnaire b�ninois peut s’offrir un tel luxe lorsque le salaire de base est de soixante-cinq mille francs CFA (100 euros) pour un bac + 4 embauch� nouvellement dans la fonction publique ?

Pour louer un appartement de deux chambres � coucher un salon avec installations sanitaires, il faut s’attendre � payer en moyenne cinquante mille francs par mois (76 euros), avec une avance allant de dix mois � un an, soit cinq cent � six cent mille sans parler de la caution d’eau et d’�lectricit�, qui n’est pas souvent simple � r�soudre avec les propri�taires v�reux. Face � une telle difficult�, les baraquements de pauvres et autres logements de grande pr�carit� ne peuvent qu’abonder.

L’affaire des d�marcheurs ambulants.
M�me quand on a l’argent en main, il n’est pas automatique de trouver un appartement de bonne facture et � son go�t. Or, c’est souvent tr�s difficile de trouver � louer tout seul sans solliciter l’aide des d�marcheurs ou des agences immobili�res.
Avant qu’un d�marcheur ne vous montre une chambre inscrite au tableau, vous devez payer deux mille francs ou, dans le meilleur des cas, mille francs. Si la premi�re visite vous d��oit, il faudra encore payer pour la deuxi�me visite, puis pour la troisi�me et ainsi de suite jusqu’� satisfaction. Et Dieu seul sait combien d’essais il vous faut avant d’�tre satisfait, surtout que la plupart des inscriptions au tableau des d�marcheurs rel�vent purement de la fantaisie. Il est de notori�t� publique que les d�marcheurs ne sont pas s�rieux. Alors la tendance en vogue est de se confier aux agences immobili�res r�guli�rement install�es. Mais l� encore la satisfaction n’est pas totale : « J’en suis d�j� � une dizaine et rien jusque-l� », d�clare, plein de d�pit, Abel B., journaliste b�ninois, propos rapport�s par la correspondante de la PANA Th�r�se Iss�ki.
Alors, si les d�marcheurs vous font tourner en rond pour mieux vous escroquer, si les agences aussi d��oivent de plus en plus et enfin, si l’Etat fuit ses responsabilit�s, que peut-on faire d’autre que d’aller gonfler la famille des laiss�s-pour-compte ?


[1] 100 francs CFA correspondent � un franc fran�ais. 17000 francs CFA font donc � peu pr�s 26 euros.