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Hubert Falco : « i have a dicrim ! »
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dimanche 12 décembre 2004

par Léon Gicquel

Toujours prompte à communiquer sur l’éclat du futur complexe sportif, ou présenter ses excuses aux automobilistes pour les désagréments induits par les splendides travaux afférents, la mairie toulonnaise se fait beaucoup plus discrète dès qu’il s’agit d’expliquer aux riverains les risques relatifs à l’activité industrielle de l’arsenal. Elle vient pourtant, avec l’aide de la préfecture et du CYPRES [1], de publier le DICRIM, Dossier d’Information Communal sur les RIsques Majeurs.

u début de l’année 1995, le Préfet du Var adressait un courrier à tous les maires du département : « la loi n°87-165 du 22 juillet 1987 relative à l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs précise, en son article 21 : "les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles." [...] Le Ministre de l’Environnement a donc demandé aux préfets d’établir la liste des communes principalement concernées en vue de l’information de tous les citoyens dans un délai de cinq ans. »
Dix ans, deux maires et une poignée de préfets plus tard, les citoyens toulonnais disposent enfin de la fameuse information, ou presque.

Chapitre un. Soeur Anne, ne vois tu rien venir ?
Il faut dire que le cas toulonnais pose problème. Déjà, l’arsenal militaire échappe en partie aux normes industrielles. Ses activités pyrotechniques ne peuvent pas être recensées au titre de la directive Seveso [2]. On l’a aussi dispensé des réglementations imposées aux traditionnels INB (Instituts Nucléaires de Base, comme les centrales), pour le soumettre à une autorité et une surveillance particulière. Enfin, la situation géographique de Toulon, coincée entre mer et montagne et ne disposant plus d’espace pour se développer, incite les élus à urbaniser des zones sensibles, sensibilité sur laquelle ils rechignent évidemment à communiquer.
En octobre 2004, Cuverville envoyait une lettre au premier magistrat de la ville à propos de la construction du palais omnisports Jauréguiberry. Une lettre qui rappelait d’abord l’emplacement du chantier à l’embouchure du lit majeur du Las et dans un des trois "cercles d’urgence nucléaire" de l’arsenal. Qui demandait ensuite au maire où en était sa réflexion sur la réhabilitation des remparts Vauban situés à Malbousquet, dans le proche voisinage du polygone d’isolement de la pyrotechnie, et s’il comptait toujours les rendre accessibles au public. Qui demandait enfin les intentions de la Ville concernant l’information préventive des riverains et futurs usagers de la zone.
D’autres lettres associées interpellaient quelques élus UMP susceptibles d’être intéressés : le Président du Conseil général (Lanfranchi), qui participe au financement de l’ouvrage, les deux députés toulonnais (Vitel et Levy), l’adjoint à l’urbanisme (Sans), un autre adjoint ayant bossé pour la DDE (Bruère), le conseiller général du premier canton (Fogacci) et même celui du deuxième, le socialiste Maranzana : depuis son QG de la Beaucaire il n’est pas loin des premières loges en cas d’accident industriel d’envergure.
Comme il fallait s’y attendre, aucun d’entre eux n’a daigné répondre. Les plans de communication n’intègrent pas le sujet. Il faut dire que la majorité UMP a développé et soutenu le programme Jauréguiberry, et que l’opposition est toute absorbée par le comptage des palmiers de la place de la Liberté. Le dossier a même été envoyé au conseiller municipal vert Marfaing qui, visiblement préoccupé, a levé le sourcil un instant. Puis il est retombé, et l’élu est retourné compter les palmiers avec les copains.

L’impression dominante reste pourtant que la majorité des édiles méconnaissent la problématique. A l’image des Toulonnais qu’ils représentent, ils donnent l’impression de n’avoir qu’une vague notion des risques auxquels ils sont exposés. Comme cette élue UMP qui nous avouait récemment son ignorance, malgré sa double casquette de conseillère municipale et générale. De là à conclure qu’elle et ses collègues lèvent la main, quand on leur demande, sans rien entraver au contenu des dossiers qu’ils ont sous le nez, il y a un pas que nous n’oserions franchir car nous avons le vertige.

Chapitre deux. Les aventures de la plaquette d’information.
Automne 2004, le dossier d’information communal est enfin disponible. En introduction, Hubert y va franco : « Ne soyons pas pessimistes, les catastrophes sont extrêmement rares, les risques ont toujours existé, et les risques technologiques sont gérés par des hommes responsables. Malheureusement, il arrive que certaines personnes soient victimes parce qu’elles s’exposent inutilement, sans conscience du danger. » Un peu comme les amateurs de sport qui viendront à Jauréguiberry ?

Le document, disponible en mairie, liste les différents risques (nucléaire, industriel, inondation, rupture de barrage, feu de forêt, mouvement de terrain, transport de matières) en présentant systématiquement un plan de la commune et les zones concernées, ainsi que la procédure à suivre en cas de pépin. Sauf le risque nucléaire, qui n’a pas droit à l’étude topographique. Vous ne verrez donc pas les fameux trois cercles d’urgence en forme de tâches. « Pour plus d’information, consultez la plaquette d’information réalisée par la Marine Nationale sur le port militaire de Toulon », dit la brochure.
D’accord. procurons-nous cette plaquette. Au rez-de-chaussée de l’Hôtel de Ville, la dame de l’accueil nous en trouve une bien poussiéreuse sous le comptoir. « Elle n’a pas été rééditée par la préfecture », explique-t-elle.

En fait, la plaquette intitulée la maîtrise de la sécurité dans le port militaire de Toulon, coéditée par la préfecture et la Marine nationale en 2000 et tirée à plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, devait être massivement distribuée aux Toulonnais. Le Préfet et le vice Amiral d’Escadre introduisaient le document : « Madame, Monsieur, vous vivez dans le voisinage du port militaire de Toulon dans lequel sont stationnés et entretenus des bâtiments à propulsion nucléaire. Le ministère de la défense, comme tout exploitant d’installation nucléaire, respecte les dispositions techniques et réglementaires destinées à prévenir en toutes circonstances les risques pour la population et l’environnement. Mais aussi peu probable que soit un accident, les services de l’Etat ont défini un Plan Particulier d’Intervention destiné à organiser les secours et les mesures de protection de la population. Le but de cette plaquette est de vous informer et de vous préciser le meilleur comportement à adopter en cas d’incident nucléaire. Pour votre sécurité, prenez le temps de lire ce document, conservez-le dans votre habitation et en lieu connu de tous, la connaissance et le respect des consignes simples qu’il contient constituent une protection importante. ».
Pour le conserver, encore faudrait-il pouvoir en disposer. Un responsable associatif nous rapporte son histoire : « la plaquette est sortie en 2001 à l’occasion d’une édifiante exposition sur le nucléaire organisée par la préfecture. Elle devait être distribuée mais ne voyant rien venir, nous nous somme proposés de la diffuser à la place des services de l’Etat. Nos bénévoles sont donc allés chercher une palette de plaquettes. Le responsable des stocks de la préfecture, un peu gêné, nous informa que la palette restante venait de partir pour être brûlée au Sittomat [3] ! Nous y sommes allés, mais c’était trop tard... Seuls quelques spécimens ont pu être récupérés ».

Bon. A défaut de prodiguer les conseils de la plaquette (une prochaine fois peut-être, pour en finir avec l’atome), Cuverville vous propose une nouvelle vue des cercles d’urgence. Chers lecteurs, vous avez déjà apprécié le périmètre sous d’autres angles à l’occasion d’articles précédents, mais quand on aime on ne se lasse pas. Cartographie disponible sur le site du Comité Départemental d’Information Géographique. Rectangle bleu (ajouté par le service infographique de votre webjournal préféré) : le chantier du futur palais omnisports.


[1] Centre d’information du public pour la prévention des risques industriels et la protection de l’environnement, association loi 1901 créée en 1991 par le ministère de l’environnement.

[2] Vous découvrirez sur le site du CYPRES que le seul site Seveso seuil haut du Var se trouve sur la commune de la Garde, il s’agit de l’entreprise Pétrogarde.

[3] Syndicat Intercommunal de Transport et Traitement des Ordures ménagères de l’aire Toulonnaise. Ici : son incinérateur.