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Maison fondée à Toulon en 1995

LETTRE D'INFORMATION |

Dans la jungle associative

Panorama local non exhaustif mais quand m�me bien charg�
vendredi 14 avril 2006
par Benjamin Ullmo
Il existe trois grandes familles d’associations "loi 1901".
1- Celles dont l’objet principal consiste � demander des subventions aux collectivit�s locales, requ�te � laquelle r�pondent favorablement les �lus majoritaires pour fertiliser leur terreau �lectoral.
2- Celles qui se fondent par esprit de clocher contre une initiative publique, et qu’utilisent les �lus de l’opposition pour alimenter la gu�rilla anti-majoritaire.
3- Les autres.

LE maire de Toulon se lamente : « il n’y a pas un permis de construire qui ne soit attaqu� sur la ville par une association » (en Conseil municipal, le 27 janvier 2006). On voit � peu pr�s de quel genre de clubs Hubert Falco veut parler : ceux qui se montent en urgence pour officialiser un contentieux contre l’H�tel de ville, organiser le bras de fer et le lobbying parce que telle maison frapp�e d’alignement va �tre pr�empt�e ou parce qu’on veut vider un immeuble de ses habitants avant r�habilitation. Les �lus d’opposition reprennent � leur compte « l’inqui�tude des citoyens », le maire fustige leur mauvaise foi et en appelle � l’int�r�t g�n�ral, c’est le versant gu�rilla.

Sur l’autre versant de la colline associative poussent les jolies fleurs du client�lisme, celles qu’on arrose � flux tendu. Les subventions de fonctionnement se votent tout au long de l’ann�e, chaque Conseil municipal apporte un nouveau lot de b�n�ficiaires. C’est d�lay� au fil des chapitres et donc peu spectaculaire, mais l’op�ration se r�p�te tous les mois.
A titre d’exemple toulonnais, observons l’ordre du jour du 24 f�vrier 2006. Rubrique « personnes �g�es » : 5.550 euros � partager entre des assoces sp�cialis�es dans le soutien au troisi�me �ge. Rubrique « vie des quartiers » : plus de 15.000 euros pour divers amis des chats. Rubrique « anciens combattants » : pr�s de 12.000 euros � r�partir entre trente et une associations du m�me nom [1] !
Notons qu’en terme d’arrosage, les vannes de l’agglom�ration TPM sont encore plus ouvertes que celles de la ville, taille de la collectivit� oblige.

Le jeu des un million de familles.

On taxera l’approche pr�c�dente de simpliste — surtout ceux qui se sentent vis�s —, et on aura raison. Le secteur est pl�thorique, enchev�tr�, les ramifications sont multiples, les int�r�ts contradictoires.
105 ans apr�s la promulgation de la loi �tablissant le droit d’association, la France compte environ un million de structures plus ou moins actives. 675 nouvelles associations furent d�clar�es en pr�fecture du Var au cours de l’ann�e 2005. Depuis janvier 2006, on en est d�j� � 150 [2] ! Impossible d’�tudier tout cela pr�cis�ment : on prendra donc un peu de hauteur pour isoler les tendances.

Situer l’activit� d’une association n’est pas tr�s compliqu� : il suffit d’�tudier la rubrique "objet" des statuts d�pos�s en pr�fecture.

C’est une histoire qui commence toujours par une rencontre. L’article 1 de la loi de 1901 d�finit le contrat d’association comme « la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun d’une fa�on permanente leurs connaissances ou leur activit� dans le but autre que partager des b�n�fices ». On verra qu’on peut cependant s’inscrire dans une assoce pour en tirer quelque profit. On est parfois tr�s loin de "l’utilit� publique" ch�re � Sidaction ou Jacques Crozemarie.

Politiques.

Commen�ons par les militants, les purs et durs : il y a les khmers verts, les rouges et les bleus. Ils d�fendent une cause et n’h�sitent pas � prendre en otage l’honn�te citoyen (lui m�me b�n�vole dans une amicale de collectionneurs de buvards) le temps d’une op�ration escargot. L’actualit� r�cente, notamment le d�bat sur la LGV, a raviv� des flammes qu’on croyait �teintes.

Certaines assoces se cr�ent en fonction de projets touchant un large public, mais la fronti�re reste t�nue entre d�fense de l’int�r�t g�n�ral et corporatisme de quartier... Les "associations de lotissement" qui luttent contre le passage de l’autoroute, du tramway ou des romanichels se chiffrent par dizaines...

Les comit�s de quartiers et d’int�r�ts locaux (CIL) illustrent bien cette tentation. Morceaux d’anthologie que les assembl�es g�n�rales de ces groupements cens�s donner la parole au peuple, o� l’on invite toujours un ou deux �lus pour peser sur les d�cisions municipales. Gare au d�cideur qui n�glige l’impact des CIL ! Les comit�s alimentent les r�seaux et le bouche � oreille. Ici, la neutralit� politique n’est pas de mise m�me si rien n’est officiellement affich�. Les CIL toulonnais ont largement contribu� � la victoire du FN en 1995... C’est aujourd’hui l’UMP qui y impose sa loi. Ils forment un vivier pour la constitution des listes �lectorales. On retrouve au sein du Conseil municipal plusieurs anciens pr�sidents ou membres actifs des f�d�rations de quartier, le processus n’est pas nouveau. En coulisse, on s’esclaffe parfois sur le casting : comp�tence et efficacit� ne seraient pas les principaux crit�res de recrutement. Il s’agit plut�t de caresser les moutons dans le sens de la laine, et compter le nombre de voix qu’untel est susceptible d’apporter � la liste. Oubli�s de 2001 ou nouveaux venus, les pr�tendants � la carri�re comptent les semaines qui les s�parent des municipales de 2008. Tout est bon pour se faire remarquer et �vincer le voisin.

On parlait du FN : le syst�me frontiste ne se limite (limitait ?) pas � l’infiltration des CIL. Le Pen s’est aussi servi d’une armada d’annexes pour nouer le lien social � sa mani�re. On conna�t "Fraternit� fran�aise", qui eut son heure de gloire et une belle vitrine dans le quartier du Mourillon avec l’adjointe Eliane Guillet de la Brosse en dame patronnesse (un local d�sormais affect� � l’association des commer�ants du quartier), et tous les cercles nationaux : "cercle national des rapatri�s", "cercle national des femmes d’Europe", "cercle national des anciens combattants" [3].
Si la chute de la maison Leuch a entra�n� la mise en sommeil de ces associations, il en va de m�me pour toutes celles invent�s � partir de 1995 en r�action � l’installation du Front. Disparus, le "Rassemblement des Citoyens Toulonnais pour la D�mocratie" (RCTD), "Toulon c’est Nous Aussi" (TCNA) et autres rassemblements anti-fachos. La dissolution du RCTD a �t� publi�e au Journal Officiel le 9 f�vrier 2002. Ce machin p�tri de mauvaise conscience intellectuelle a compt� plusieurs centaines d’adh�rents lors de sa premi�re ann�e d’existence, puis faillit s’engager dans un combat �lectoral avant de sombrer. TCNA, qui naviguait aux c�t�s de SOS Racisme, a �t� contrainte de se saborder le 15 mai 2003 apr�s une tentative d’infiltration de l’extr�me droite.

D’une mani�re g�n�rale, un parti ne s’int�resse aux associations ouvertement politiques que dans la mesure o� elles peuvent servir de tremplin � leur candidat ou qu’elles agissent � l’ombre du parti. Hors de ce cadre rigoureux, il n’est question que de m�fiance, de m�pris et d’arrogance. Pour les partis de gauche, "Attac" reste un club d’enculeurs de mouche et la Ligue des Droits de l’Homme une gentille amicale d’enseignants d�soeuvr�s. Pourquoi les militants de "SOS Racisme" et ceux de "Ras l’Front" sont-ils � ce point agressifs les uns envers les autres qu’ils en viennent parfois � se taper dessus (comme lorsque fut affr�t� le "train de la Libert�" pour une manifestation anti FN � Strasbourg, le 29 mars 1997) ? Parce que SOS Racisme prosp�re sous l’aile protectrice du parti socialiste et que Ras l’front est un nid de trotskards... Incompatible !

Culturelles / cultuelles.

Peut-on s�parer l’objet "culturel" de l’objet "politique" ? Cela semble difficile. Le r�cent �pisode de l’�viction des "4 saisons du Revest" de la Maison des Comoni en t�moigne. Conflits de chapelles et courants divergents orientent l’arrosage.

La Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) toulonnaise, qui si�geait place Paul Comte dans des locaux aujourd’hui r�cup�r�s par VAD [4], n’existe plus depuis belle lurette. Dans les ann�es quatre-vingt, le « parrain du Var » Maurice Arreckx et le pr�sident de la F�d�ration des Oeuvres La�ques (FOL, proche du PS) ont scell� le sort de cet autre nid de gauchistes. Education populaire, quelle horreur ! Au passage, rappelons l’attentat manqu� contre cette MJC alors que celle-ci abritait les bureaux de SOS Racisme (ao�t 1986). Le commando de l’association "SOS France" qui devait plastiquer les locaux a merd� dans le compte � rebours, les quatre bons Fran�ais ont saut� dans leur bagnole.

C�t� cultuel, on retrouve les diff�rents courants religieux majoritaires : catholiques, musulmans, protestants, juifs. Malgr� la s�paration de l’Eglise et de l’Etat, la communaut� catholique est plus ou moins directement financ�e par la collectivit�, notamment par le biais d’associations scolaires ou sociales. Certaines structures proches des courants int�gristes sont surveill�es de pr�s par les Renseignements g�n�raux.

Sportives.

Il faut bien diff�rencier les petits clubs de quartier des structures para-municipales et professionnelles. 65% des financements de la ville de Toulon sont r�serv�s � « l’�lite » sportive. Le choix est donc fait de privil�gier l’image de la ville et les associations de supporters, plut�t que celles qui cr�ent un lien social dans les quartiers en participant � l’�ducation des minots.

Au niveau du Conseil g�n�ral, le point nodal de l’arrosage se situe � la Commission des sports, de la jeunesse et des loisirs, install�e par Maurice Arreckx apr�s la d�centralisation de 1982. Le directeur immuable de cette commission se nomme Jean-Claude Ballatore, ex-rugbyman, qui fut aussi entra�neur et pr�sident du RCT.

Arreckx a tr�s rapidement compris l’int�r�t d’arroser les pelouses et les sportifs qui s’y �battent. La loi sur la d�centralisation de 1982 lui en a donn� l’opportunit�. Il a pu cr�er cette Commission des sports pour financer toutes sortes de clubs locaux. On se souvient des grand-messes annuelles organis�es devant l’ensemble des comit�s sportifs d�partementaux, chacun venant l� pour recevoir sa pitance. A faire p�lir d’envie les associations des d�partements voisins ! Depuis, certains sont partis mais le syst�me est rod�.

Sociales.

Les associations du secteur social, particuli�rement nombreuses et souvent issues de r�seaux transversaux o� l’on retrouve des motivations politiques — voir plus haut —, religieuses ou communautaristes, travaillent sur l’insertion des personnes en difficult�, la pr�vention et l’animation. Cela repr�sente un nombre important (mais difficilement quantifiable) de salari�s sur le d�partement. Elles lorgnent en g�n�ral sur le Contrat de Ville, cette manne provenant d’un accord entre l’Etat, la R�gion, le D�partement et la Commune, qu’il n’est pas ici question de critiquer sur le fond : « l’application d’une politique de la ville volontariste s’impose pour r�duire les exclusions et conforter ou enclencher des processus d’int�gration des populations d�favoris�es », peut-on lire en introduction du Contrat de Ville toulonnais 2000-2006. Mais les fonds engag�s � la signature du contrat suscitent les vocations : 12,5 millions d’euros � distribuer aux acteurs sociaux sur la ligne "fonctionnement" pour la p�riode 2000-2006, sans parler de l’investissement. Dans cette guerre �conomique les associations ne se font pas de cadeau. On courtise l’�lu en appuyant sur la t�te du voisin : c’est sans doute le secteur associatif o� la lutte est la plus acharn�e.

Les PME du secteur associatif.

Du riche pass� toulonnais, des x clubs et maisons de quartiers, ne subsistent que peu de structures vraiment ind�pendantes. Pourtant, les associations "occupationnelles" du type foyers des anciens ou amis de la boule joyeuse, plut�t insipides par leur objet, int�ressent nombre de personnes esseul�es. Ce sont parfois les derniers remparts du lien social.

Rien � voir avec les associations parapubliques sous tutelle des collectivit�s locales, administr�es par d’�minents notables quand ce ne sont pas les �lus eux-m�mes : cela va de la mission locale des jeunes Toulonnais (prez : Hubert Falco) � l’ODEL Var (prez : la d�put�e Josette Pons), en passant par la MAMI 83, pour parler d’une de ces institutions parmi les plus r�centes (tr�sori�re et secr�taire de l’assoce : deux conseill�res municipales de la ville de Toulon).

L’ODEL fut cr��e en 1974 � l’�poque d’Edouard « Lion de Draguignan » Soldani, quand le d�partement �tait socialiste — un socialisme folklorique � la sauce Arreckx. La F�d�ration des Oeuvres La�ques g�rait alors les camps et les colonies, c’est donc apr�s concertation avec cet organisme ami que l’association a vu le jour. Mais le d�partement est depuis pass� du rose au bleu et c’est maintenant Josette Pons la catholique qui coordonne les vacances des pitchouns. � l’occasion des s�ances de vote budg�taire, Josette se retire de la salle car elle ne peut, dit-elle, assister au vote. Il faut dire que madame la parlementaire est aussi vice-pr�sidente du Conseil g�n�ral du Var (canton du Beausset), et que l’institution d�partementale remplit les caisses de l’ODEL... Pour celles et ceux que le cumul d’une fonction �lective et d’un poste de responsabilit� au sein d’une association passionne, sachez que des juristes se sont pench�s sur la question (un texte � lire dans son int�gralit� sur le carrefour des collectivit�s locales), et qu’ils en concluent la chose suivante : « comme il ne sera pas toujours facile de faire le partage entre ce qui concerne l’int�r�t de la collectivit� locale et ce qui pr�sente un int�r�t personnel pour un ou plusieurs �lus, ces derniers ont donc int�r�t sinon � s’abstenir syst�matiquement de prendre part aux d�lib�rations ayant une incidence pour les associations dont ils peuvent �tre membres, tout au moins � faire preuve de la plus extr�me prudence au cas par cas, surtout s’ils exercent des fonctions de responsabilit� au sein de l’association ».

Ces instruments du pouvoir en place sont au r�seau associatif traditionnel ce que la grande distribution est � la petite �picerie de quartier. Chaque commission ou organe gestionnaire met au point sa panoplie de montages capteurs de liquidit�s. On les retrouve aux diff�rents niveaux de la d�centralisation : r�gion, d�partement, agglom�ration.

Et puis, les associations institutionnelles ont aussi un r�le � jouer en p�riode de disette �conomique. Moins il y a de boulot ailleurs, plus les collectivit�s locales et leurs annexes deviennent des affaires de famille (d’�lus). A d�faut de CPE, on y embauche le petit pour la saison estivale. La voisine, dont le mari taille mes haies, sera parfaite pour un job de secr�taire � mi-temps, etc.

(A suivre)

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[1] 31 ! L’Homme est un loup pour l’Homme et la vie un oc�an de larmes, mais quand m�me, il faut sans doute remonter � la croisade des Albigeois pour comptabiliser autant de guerres.

[2] Les chiffres indiqu�s proviennent de la Direction des Journaux Officiels.

[3] Ces clubs ne sont pas explicitement politiques. Mais quand on �pluche l’objet du cercle des rapatri�s, par exemple, on y lit que l’association vise � « r�habiliter l’histoire de la France dans les pays d’outre-mer et reconna�tre l’œuvre accomplie »... On sait d�sormais o� les d�put�s de l’UMP, aux premiers rangs desquels l’ensemble des parlementaires varois (exception faite de Jean-Pierre Giran, et encore), vont chercher leur inspiration.

[4] Var Am�nagement D�veloppement, soci�t� d’�conomie mixte charg�e de la r�habilitation du centre ancien (en aimable succession de la SEMTA).

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