Entretien avec Hubert Falco

ON a toujours l’impression que j’ai tout... Je vous le dis tr�s sinc�rement : on ne m’a rien donn�. Je suis toujours all� chercher les mandats que j’ai obtenus. Jamais dans des conditions faciles, j’ai toujours travaill�...

�a sera peut-�tre plus facile cette fois-ci...

C’est un tort de croire �a. La d�mocratie, ce n’est jamais facile. Et puis Toulon est une grande ville.

Les municipales restent-elles strictement locales, ou rel�vent-elles ici de l’enjeu national comme ce peut �tre le cas dans d’autres villes ?

On me reproche de ne pas mentionner mon �tiquette. Je suis pr�sident de l’UMP, je n’ai jamais cach� mes convictions. Mais que je sache, messieurs Collomb et Delano� [1] ne mettent pas en avant leur parti politique quand ils d�fendent leur mandat. Ils parlent de leur ville et s’adressent � tous les habitants. Je vais dans les quartiers. La particularit�, c’est que je n’attends pas l’�lection pour y aller. C’est peut-�tre pour �a qu’on dit que je suis le favori... On ne trompe pas les gens. Quand je vois les probl�mes qu’il y a dans un quartier, une �cole � refaire, des trous � boucher, des lampadaires qui ne marchent pas, des structures publiques � cr�er, on ne me demande pas si je suis UMP. Apr�s tout, vous �tes le maire de tous. C’est une �lection de proximit�, particuli�re, moins politique que les pr�sidentielles ou les l�gislatives. Les reproches qu’on me fait � Toulon, on les fait ailleurs � des maires de gauche.

Depuis 2002, l’organisation territoriale a consid�rablement �volu� avec la cr�ation de TPM. Quelle lisibilit� pour l’usager d�j� confront� � la Ville, au Conseil g�n�ral, au Conseil r�gional et � l’�tat ?

C’est en termes de comp�tences et de partenariat. L’intercommunalit� est cons�cutive d’une loi voulue par la gauche. Je trouve que c’est une bonne loi. Permettre � des communes de garder leur identit� tout en partageant leur volont� et leurs moyens pour faire avancer un territoire, c’est une bonne chose. La concurrence st�rile entre communes pouvait p�naliser le citoyen. Aujourd’hui, c’est le maire de la Valette qui se bat pour remplir la zone industrielle des Playes � Six-Fours, et ce travail-l� profite � tout le monde. Regardez Toulon : la plus grande ville du d�partement. Il y a beaucoup de charges que Toulon devait supporter par son importance et sa position centrale, comme l’Op�ra ou le stade Mayol, alors que tous les spectateurs ne sont pas toulonnais — loin de l�. En revanche, ce sont d’autres communes qui recevaient les recettes de taxe professionnelle, car les zones industrielles et artisanales ne sont pas sur Toulon. Elles sont sur La Garde, La Valette, Six-Fours. L’Agglom�ration permet d’harmoniser tout cela.

L’Agglom�ration permet aussi aux �lus de jongler avec les chiffres : quand le maire de Toulon contient la fiscalit� sur sa commune, le pr�sident de TPM cr�e parall�lement un imp�t communautaire...

Parlons-en de cet imp�t. 153 agglom�rations en France. TPM est la communaut� d’agglom�ration la moins fiscalis�e. On a cr�� un imp�t de 0,3%. Le fait d’�tre aussi peu fiscalis�s et de ne pas �tre endett�s nous donne une possibilit� de d�veloppement que d’autres agglom�rations n’ont pas. Alors on ne peut pas dire que l’imp�t qu’on n’a pas fait supporter � la ville, on le fait supporter � l’agglom�ration !

Est-ce qu’aujourd’hui vous reb�tiriez le Palais des Sports � l’endroit o� il se trouve, dans un p�rim�tre d’urgence nucl�aire ?

Oui. Je n’ai aucun regret. Ces p�rim�tres d’urgence d�finis par l’�tat — je pense aussi � la Pyrotechnie —, je me dis que peut-�tre il faudrait les revoir. Vous savez, si malheureusement on avait un incident nucl�aire, les gens seraient plus en s�curit� au Palais des sports qu’� Pignans, � Brignoles, au Faron ou ailleurs. [Moue dubitative du gratte-papier] Franchement, s’il y a un incident nucl�aire... Apr�s le Palais des sports il y a l’autoroute, apr�s l’autoroute il y a un coll�ge, des habitants � Bon Rencontre et au Pont du Las... Est-ce que les gens qui vivent l� sont moins en danger qu’au Palais des sports ? Alors il ne fallait pas le constuire ? �coutez, le Palais des sports est construit sur deux hectares. Il y avait un immense monticule de d�tritus au milieu des fortifications Vauban qu’on ne voyait plus. Aujourd’hui on a d�gag� ces fortifications, il y a une voie qui passe, c’est �clair�... Il y a 8000 gamins qui fr�quentent le palais chaque jour. Les gamins qui sont dans le palais ne sont pas plus en danger que ceux qui restent dans les �coles primaires et maternelles du Pont du Las, de Bon Rencontre, dans les coll�ges et les lyc�es, soyons s�rieux...

Administrer une ville au cœur de laquelle la Marine nationale d�veloppe une activit� nucl�aire militaire implique donc un certain fatalisme.

Je ne suis pas fataliste, je suis responsable. Je suis all� voir, comme bon nombre d’associations invit�es, je me suis fait expliquer les risques qu’encourait la population. On m’a expliqu� que ces risques �taient pratiquement nuls. On nous a bien expliqu� comment les choses risquaient de se passer et la probabilit� infime pour que l’incident survienne.

Sur la zone franche : la sp�culation des propri�taires a d�plac� les curseurs vers le haut en mati�re de location et d’achat. Que peut la mairie pour contenir cette spirale pas vertueuse du tout ?

On a mis en place un droit de pr�emption. Si on voit qu’il y a une acquisition vraiment bas�e sur la sp�culation, on peut se mettre au milieu. C’est la premi�re zone franche en cœur de ville. Vous me parlez de la sp�culation, je vous parle de ce qu’elle a apport�. Bilan au bout d’un an : 638 emplois. Quand j’ai sign� la zone franche, Borloo m’avait dit : "ton objectif c’est 1000 emplois en cinq ans". 534 nouvelles activit�s, des commerces qui ont �t� cr��s dans bon nombre de rues, dans des secteurs difficiles. Le centre ancien, c’est certainement le dossier qui sera le plus difficile pour le maire de Toulon pour les ann�es � venir. S’il est dans cet �tat, ce n’est quand m�me pas � la municipalit� actuelle qu’on le doit. J’ai sollicit� des aides, ce n’�tait pas facile. On a sign� avec l’ANRU en 2006 [2]. On a la zone franche depuis un an. On y est, on commence � avoir des moyens de travailler. On va s’attaquer, �lot par �lot, au probl�me de cette vieille ville en tenant compte des situations, c’est vrai qu’il faut s’attaquer au probl�me du logement insalubre.

Avez-vous des moyens pour lutter contre les propri�taires qui refusent de revaloriser leur bien ?

Je commence � me donner des moyens pour lutter contre cette sp�culation et ces propri�taires-l�. Il faut savoir que dans le pass�, on a garanti des loyers � ces gens. On disait � monsieur X "achetez ce logement et vous avez le loyer garanti pendant deux ans". Les propri�taires n’�taient donc pas franchement motiv�s pour rendre les logements d�cents puisque de toute mani�re, on les prenait tels qu’ils �taient. Je sais que ce sera un dossier difficile � g�rer, mais je crois qu’on aura des r�sultats dans les ann�es � venir dans le centre ancien comme on en a eu ailleurs... Dire que la ville est frapp�e d’immobilisme [3]... J’admets toutes les critiques en cette p�riode mais �a ne fait pas tr�s s�rieux.... Et �a ne trompe pas les Toulonnaises et les Toulonnais... Quand on dit "il fait des rues et des places, il �claire, il met des arbres et du dallage"... Chaque fois que je fais une rue ou une place, on creuse, on change tous les r�seaux qui n’avaient pas �t� chang�s depuis 40 ans. Ce travail-l�, il �tait indispensable de le faire. En 2002, j’avais re�u une note du Pr�fet qui m’avait dit "Monsieur le Maire, si vous ne nous donnez pas un plan de r�habilitation de vos cantines, vous devrez les fermer". On a r�nov� 46 �coles. Ce n’est pas spectaculaire, ce n’est pas ce qui se voit le plus, mais on l’a fait. Alors oui, on a �t� immobile pendant les six ans qui on pr�c�d� 2002. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Le bilan �cologiste de la ville n’est pas exemplaire, de l’�conomie d’eau � l’�clairage urbain, en passant pas l’absence de d�veloppement des modes de transport alternatifs...

On met les fontaines en circuit ferm�... Il n’y a pas de consommation d’eau particuli�re, et l’arrosage se fait la nuit. Sur l’�clairage : aujourd’hui il y a des ampoules qui consomment beaucoup moins en �clairant davantage...

Donc on en met plus...

Mais si on en met plus et que �a consomme moins !? On fait attention � maintenir un �quilibre.

Et les pistes cyclables ?

Les pistes cyclables sur Toulon, il y en avait 6 kilom�tres, il y en a 30 aujourd’hui ! Mais Toulon c’est Toulon : un entonnoir entre Faron et M�diterran�e, on a peut-�tre moins de possibilit� de faire des pistes cyclables qu’ailleurs... Par contre, il ne faut pas oublier qu’on a r�habilit� le sentier des douaniers, qu’on a rendu gratuit l’acc�s aux plages du Mourillon, qu’on s’est battu pour obtenir l’ouverture au public des plages de la Mitre...

Le tramway ?

J’assume pleinement mes choix. Lorsque je suis arriv�, le premier tube n’�tait pas termin� [4]. Je l’ai inaugur�. Je me suis battu pour avoir les cr�dits du deuxi�me tube. Ce n’�tait pas �vident. Peut-�tre n’y serais-je pas arriv� si je n’avais pas �t� au Gouvernement. Il fallait terminer ce chantier qui �tait commenc�. Il est en cours actuellement, il avance normalement avec la participation de l’�tat, de la R�gion, du D�partement et de TPM. On travaille � finir la travers�e souterraine. Lorsqu’on inaugurera le deuxi�me tube, 70.000 v�hicules passeront en sous-sol. 1800 poids-lourds qui traversent chaque jour Toulon passeront demain en sous-sol. On y verra peut-�tre plus clair en surface. Moi je dis qu’on n’a pas perdu de temps en transports. Le r�seau Mistral cr�� par TPM a �t� class� parmi les plus propres de France. On a acquis 135 bus propres, s�curis�s, �quip�s pour les personnes � mobilit� r�duite. On a cr�� le ticket unique...

...dans les embouteillages...

Il est indispensable qu’il y ait un site propre. Demain, il y aura un site propre � Toulon. La r�flexion concerne le mode. Faut-il mettre du rail ou du pneu ? J’ai pens� que mettre du rail allait sinistrer la ville avant de la redresser. Mes pr�d�cesseurs avaient acquis le mat�riel. Il a fallu que je me batte juridiquement pour faire annuler cette commande. On les aurait mis o�, ces rails ? � Saint Jean du Var ? Sur Saint Jean, un seul sens est possible. Est-Ouest, et on n’a plus de stationnement. On le fait revenir par o�, le tramway ?

Pneus ou rails, cette probl�matique semble identique !?

Il y a des technologies modernes. Regardez � Nantes, ils avaient des rails et maintenant ils se convertissent au bus. Ils disent qu’on obtient le m�me service, on transporte le m�me nombre de personnes dans le m�me d�lai avec beaucoup plus de mobilit�. Alors oui, le TCSP est indispensable, cela se fera. Mais avec la situation particuli�re de Toulon, il faudra choisir un mode qui offre une mobilit� que le rail n’offre pas. Voil�. C’est mon avis, apr�s... �tudions, la technologie �volue...

Rien n’est abouti ?

Non, on n’a pas choisi. Je n’ai pas choisi le pneu, je dis simplement que cela s’�tudie, et d’abord on termine le deuxi�me tube. Avec les travaux du deuxi�me tube — vous m’avez parl� d’embouteillage et chacun peut les voir —, vous vous rendez compte si j’avais ferm� le boulevard de Strasbourg pendant deux ans ? Parce que c’est bien ce qu’il faudra faire si on veut installer des rails ! Alors on passe par o� ?

Chacun sait qu’une ville qui engage des travaux sur le tramway est une ville sinistr�e pendant la dur�e de ces travaux, c’�tait le cas � Nice, � Marseille, c’est le cas partout...

Oui mais la diff�rence entre Marseille et Toulon, c’est que Marseille dispose de 10 avenues pour descendre sur le vieux port. Pour traverser Toulon, il n’y a que deux avenues. Moi j’ai vu ce que �a a donn� de fermer en partie l’avenue de la R�publique lorsqu’elle a �t� refaite.

Cela dit, vous avez r�organis� la circulation dans la ville cet �t� � l’occasion de la Tall ship et �a s’est bien pass�.

Un million de personnes en quatre jours ! C’est pour �a qu’on a acquis les parcs relais.

Ils pourraient �tre utilis�s pendant les travaux...

�a s’est bien pass� avec le bus, car avec le bus on peut facilement aller d’un endroit � un autre, on peut tourner, on peut descendre. Rendez-vous compte : les rails qui �taient pr�vus par nos pr�d�cesseurs ne passaient pas par la gare, ne passaient pas sur le port, ne passaient pas sur le littoral...

Pas sur le premier tron�on, mais il peut y en avoir d’autres...

Moi je r�clame de la mobilit�. Alors apr�s, le choix n’est pas fait, rien n’est enterr�. J’assume mes choix de priorit�.

En parlant de choses enterr�es... Sur la ligne THT N�oules-Escaillon qu’on s’appr�te � enfouir, les Verts et certains riverains d�noncent une mauvaise pr�paration de l’enqu�te publique et un d�ficit d’�tudes scientifiques quant � la nocivit� du rayonnement electromagn�tique.

Peut-�tre. Moi je suis pr�t � revoir les analyses et � donner toutes les garanties que le citoyen m�rite. J’avais initi� cette politique d’enterrement des lignes avec le Conseil g�n�ral pour aider les communes, je pense que dans un village ou dans une ville, c’est quand m�me plus sain d’avoir des lignes enterr�es que des lignes qui vous passent sur les maisons et les jardins. Maintenant, qu’on fasse des �tudes, qu’on donne les meilleures garanties au citoyen.

Quelle est la politique de subvention de la ville vis-�-vis du RCT ?

La m�me que ce qu’elle a �t� depuis des ann�es...

Le RCT, dans sa formule actuelle priv�e, ne peut pas se suffire � lui-m�me ?

On soutient les clubs sportifs de haut niveau comme on l’a toujours fait depuis 15 ans. La subvention n’a pas augment�. Le RCT a un budget de 11 ou 12 millions, je crois, et les subventions s’�l�vent � 2 millions. Hier, c’�tait 100% du budget. Vous savez, le RCT est un facteur de rassemblement. D’ailleurs personne n’en fait un d�bat �lectoral. Le RCT appartient � l’histoire, � la culture toulonnaises. C’est beau, quand il y a 12.000 personnes toutes classes confondues qui vibrent dans le stade derri�re leurs couleurs. C’est particulier, quand m�me. Il ne faut pas qu’on en fasse un enjeu politicien. Les clubs de haut niveau, si on ne les aidait pas, ils n’existeraient peut-�tre plus. La subvention ne va pas dans son int�gralit� � la soci�t� professionnelle. Il y a une grande partie qui va � l’association qui pr�pare, l’�cole de rugby, les Reichel, les cadets, les juniors, les espoirs...

Sur la LGV. Le premier ministre souhaiterait qu’on n’en parle pas avant les �lections...

Moi, j’ai toujours dit que s’il doit y avoir une ligne entre Marseille et Nice, je ne vois pas la raison pour laquelle Toulon en serait priv�e. Alors j’attends qu’on me propose des solutions. Divers trac�s ont �t� examin�s, des trac�s fantaisistes... Le trac� fantaisiste, c’est tendre un pont sur le Revest ou faire un trou dans le Coudon. �a, je suis absolument contre. J’attends de voir ce que RFF [5] va nous proposer et surtout, qui va payer.

On est toujours sur une gare � la Garde ?

On est toujours sur le projet d’une gare dans la plaine de Cuers ou dans la plaine de la Garde.

Que pensez vous, pour conclure, de ce que certains appellent « la forfaiture du Congr�s » ?

Le Congr�s est quand m�me l’�manation de la D�mocratie. Le Pr�sident de la R�publique avait cette solution. Jacques Chirac a choisi le r�f�rendum, Sarkozy a choisi le Congr�s. Le Pr�sident a pens� que le choix des Fran�ais p�nalisait la France par rapport � d’autres pays europ�ens. Est-ce qu’on n’a pas le droit d’avoir les m�mes chances que les autres ? C’est un choix.

On convoque le peuple une premi�re fois et puis, �tant donn� que le r�sultat n’est pas jug� satisfaisant, on change les modalit�s pour que �a aille dans le bon sens...

La pire des choses aurait �t� de mettre en place des modalit�s qui ne sont pas l�gales. La r�union du Congr�s est l�gale.

Votre avis personnel sur la question ?

Je pense que Jacques Chirac aurait d�j� d� le faire. Au moins il n’y aurait pas eu ce d�bat-l�. La voie du r�f�rendum n’�tait pas opportune sur ce sujet. Ou alors il aurait fallu que tous les peuples concern�s soient soumis au r�f�rendum. Mais il ne faut pas rester en marge de l’Europe.

Propos recueillis le 7 f�vrier 2008 par G. Suchey

[1] Maires socialistes de Lyon et Paris.

[2] ANRU : Agence Nationale pour la R�novation Urbaine.

[3] R�f�rence faite � un article de Lib�ration publi� la veille : Hubert Falco, le r�gne de l’immobile.

[4] Travers�e souterraine de Toulon dans le sens Ouest-Est.

[5] R�seau Ferr� de France.