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LETTRE D'INFORMATION |

Proc�s de la DCN : magouilles, mode d’emploi

mardi 11 mai 2004
par Carolus
72 personnes sont amen�es � compara�tre, en mai et juin 2004, pour le proc�s concernant les malversations au sein de la Direction des Constructions Navales (DCN). Il s’agit ici du "volet militaire", 34 pr�venus civils ayant d�j� �t� condamn�s au printemps 2001 dans un premier �pisode judiciaire. Le proc�s traitera essentiellement de la notion de "pr�t ill�gal de main d’oeuvre". On estime � une trentaine de millions d’euros les sommes d�tourn�es.
Le texte ci-dessous, initialement paru en avril 2000 [1], permet de mieux comprendre les m�canismes de la fraude.

CE n’est qu’un petit aper�u mais pour �tre complets, il aurait fallu d�dier un site internet � l’affaire. Nous n’en avons pas les moyens et nous ne connaissions personne � l’Arsenal pour le financer.

1. Une forme du plaisir solitaire : se rendre service � soi-m�me.
Vous �tes fonctionnaire de la D�fense, et vous d�tenez quelques parts dans une soci�t� qui travaille pour la Marine. En tant qu’actionnaire repr�sentant la soci�t�, vous allez �tablir des devis pour des commandes que va vous passer l’administration. En tant que fonctionnaire, vous allez contr�ler la bonne ex�cution de ces m�mes devis, ce qui vous permettra, accessoirement, de prendre un petit pourcentage en passant. Docteur Jekyll un jour, Mister Hyde l’autre, vous jonglez avec vos deux casquettes. C’est sans doute pourquoi Jo�l C., par ailleurs excellent ing�nieur en robotique, avait pr�f�r�, pour un march� d’environ 1 million de francs, ne pas lancer un appel d’offres qui aurait pu ouvrir la voie � la concurrence, alors que l’appel d’offres est obligatoire � partir de 300000 F. Sans doute gagn�s par cette euphorie, Bernard L. qui aurait accept� quelques menus cadeaux, et son subordonn� Pierre M., ont connu les d�lices du contr�le judiciaire.

2. �tre un informaticien branch�.
La formule est une variante de la pr�c�dente. La diff�rence est, qu’au lieu d’�tre seulement actionnaire, vous cr�ez carr�ment votre soci�t�, mais surtout vous n’apparaissez pas, en mettant aux avant-postes des hommes de paille. Michel R., Michel M., Pierre M., et Philippe D., ing�nieurs civils, connaissant parfaitement les besoins et les projets de l’arsenal en mati�re informatique, �taient bien copains avec un ancien de la maison, Daniel D., porteur de parts dans pas moins de cinq soci�t�s. Chaque soci�t� exer�ait dans des domaines pr�cis susceptibles d’int�resser la DCN. Et Daniel n’avait plus qu’� faire le lien.

3. Devenir un artiste de la magouille.
Philippe M. est un personnage qui aura beaucoup fait pour donner un caract�re grandiose � la corruption. Un vrai artiste. II avait m�me mis sur pied une esp�ce d’association des fournisseurs, histoire de d�velopper la convivialit�. II assume vraisemblablement la paternit� de certaines des entourloupes qui suivent. L’arsenal commandait une certaine quantit� de fournitures. Le fournisseur livrait la bonne quantit�, mais il en facturait bien plus. La diff�rence se r�partissait entre les poches de l’acheteur et du fournisseur. Ou encore, on commandait des pi�ces de remplacement pour un moteur. Elles n’�taient pas toutes chang�es, mais elles �taient toutes factur�es. Des caisses cens�es contenir du mat�riel de pointe �taient livr�es. Elles ne contenaient que de la ferraille. Pas grave, car celui qui devait les contr�ler �tait dans le coup et touchait aussi sa commission.

4. Avoir du sens pratique.
Alain B. �tait charg�, lorsqu’un bateau arrivait en car�nage, de quantifier le mat�riel n�cessaire pour les rechanges. Philippe F. faisait la m�me chose pour les sous-marins. II �taient, ce qui arrange bien, copains comme cochons avec des responsables des bureaux des achats, eux-m�mes aussi copains avec des fournisseurs. Donc, Alain et Philippe pouvaient surestimer lourdement les besoins en pi�ces de rechange, les fournisseurs ne livrant que le strict n�cessaire, mais facturant le tout. La diff�rence permettait des avantages variables. Henri L. y aurait gagn� sa maison, estim�e � 2,5 millions, alors qu’il percevait un salaire de 9000 F. Et on �crasera une petite larme d’attendrissement en pensant qu’Henri P. aurait, par ce moyen, financ� son mariage.

5. Savoir envoyer des vannes.
Le Foch l’a �chapp� belle. Pour propulser les avions au d�collage, le porte-avions avait besoin de vannes-vapeur. Comme leur nom l’indique � peu pr�s, il circule dans cette tuyauterie un tr�s puissant jet de vapeur, dont la temp�rature avoisine les 500 degr�s. II fait donc un peu chaud aux alentours d’un chasseur qui d�colle, de sorte que les vannes en question sont forc�ment en m�tal. L’arsenal a donc re�u et pay�, au prix du m�tal, pour 3,5 millions, des vannes en... plastique moul�. Vraisemblablement, elles n’auraient jamais �t� mont�es sur le Foch gr�ce aux contr�les techniques assez pointus, mais on ne sait jamais... Et on imagine la catastrophe qui aurait pu en r�sulter. Derri�re cette belle affaire, on retrouve le m�me Philippe M. que tout � l’heure.

6. Savoir utiliser les failles l�gales.
L’UGAP (Union des Groupements d’Achats Publics) est un organisme officiel qui permet aux collectivit�s, en toute l�galit�, de s’�quiper sans avoir recours � la proc�dure normale des march�s. C’est l’UGAP qui passe des march�s globaux pour la France enti�re, et les collectivit�s s’approvisionnent donc directement aupr�s de l’UGAP qui devient leur fournisseur. L’astuce consiste donc, pour une entreprise, � �tre dans les petits papiers de l’UGAP, pour y �tre r�f�renc�e. Gr�ce � ses bonnes relations avec les acheteurs de Toulon, et � une pratique intensive des petits cadeaux, Ange C., PDG d’une soci�t� sp�cialis�e en mat�riel de bureau, avait �t� un peu trop lourdement r�f�renc� aupr�s de l’UGAP. Et des t�tes sont tomb�es �galement � Paris, y compris celle du pr�sident de cet organisme.

7. Pratiquer le circuit ferm�.
Fabienne R. dirigeait � La Garde deux soci�t�s de communication, Focalis et Synopsis. Dans la vie, elle �tait la compagne de G�rard C., directeur commercial d’une troisi�me entreprise, SEDOC Sud. Ce G�rard n’est pas un inconnu dans les milieux patronaux, puisqu’il est � ce moment-l� membre de la commission « sous-traitants » � l’Union Patronale du Var, et pr�sident de la section varoise des Dirigeants commerciaux de France. Une belle carte de visite comme celle-l� peut favoriser bien des choses. Et notamment celle-ci : SEDOC �tablissait des fausses factures � l’encontre de Focalis et Synapsis qui, � leur tour, se remboursaient en �tablissant des fausses factures envers la DCN. On en a trouv� pour 4 millions. Et, pour la petite histoire, cette piste a conduit les enqu�teurs jusqu’en Italie. C�t� DCN, sont tomb�s pour cette affaire Fran�oise G., de la sous-direction Achats, son adjoint Andr� L., Fernand M., ing�nieur informaticien, Nicole D. (CTSN, Le Mourillon), et Lucien G., chef de projet. Ceux-l� ont particuli�rement profit� des cadeaux Martinetti et Photo-Libert� gr�ce aux surfacturations des march�s, mais aussi de voyages aux Antilles ou aux �tats-Unis, avec la complicit� d’une agence de voyages. En marge de ce micmac, notons que Yann R., fr�re de Fabienne, aurait encaiss� sur son compte personnel des ch�ques destin�s � Focalis avant de remettre le num�raire correspondant � sa soeur. On a un peu de mal � suivre, mais �a pue la combine.

8. Utiliser les relations de son mari.
Une certaine Marie-Th�r�se L. a su se d�brouiller encore mieux que Xavi�re Tiberi en mati�re d’emploi fictif. Elle a tir� parti des relations de son �poux, par ailleurs �crou� pour trafic d’influence et recel d’abus de biens sociaux. Non contente de profiter des voyages-cadeaux de son mari aux �tats-Unis, elle avait �t� embauch�e successivement par trois soci�t�s avec lesquelles celui-ci �tait en relation d’affaires pour y accomplir officiellement des t�ches relatives aux commandes et aux marches ce qui n’avait qu’un tr�s lointain rapport avec sa formation de... vendeuse de chaussures. Mais qui lui aura tout de m�me rapport� 400000 F. Et quelques ennuis par la suite.

9. Travailler en famille.
Pierre S. �tait, excusez du peu, sous-directeur de DCN Ing�nierie, officier s�ret� des affaires g�n�rales, donc militaire de haut niveau. II y avait, au 8 de la Place d’Armes, une certaine soci�t� Ameti, sp�cialis�e dans la r�alisation et la distribution ce mat�riel bureautique, avant de dispara�tre d�but 99. Cette soci�t� �tait g�r�e par une certaine demoiselle G�ralde S., fille du pr�c�dent. Il y avait, au 2 de la m�me place, une soci�t� Horizon Communication, vers�e, comme son nom l’indique, dans la communication (une de plus !). Elle fut d’une existence �ph�m�re, cr��e le 16 mai 97, et radi�e du registre du commerce le 16 ao�t 99. Tiens, comme on se retrouve, cette soci�t� �tait administr�e par le d�nomm� Guy Brunier. Celui-l� m�me qui, autrefois adjoint dans la municipalit� Trucy, s’�tait illustr� en prenant l’initiative de d�porter les clochards toulonnais jusqu’au plateau de Signes, puis de les laisser plant�s l� au bord de la route. Puis Brunier devint groupie de Jean-Charles Marchiani, ex-pr�fet du Var, candidat � plusieurs �lections locales. Et alors, quel rapport avec ce qui nous occupe ? Le rapport, c’est que les enqu�teurs ont d�couvert qu’Horizon Communication servait de « factoring », c’est-�-dire qu’elle encaissait les factures �tablies par Ameti. Bon, tout �a est compliqu�, ce qui est simple c’est que Pierre S. est soup�onn� d’avoir, dans ses attributions, favoris� la soci�t� de fifille, ce qui lui a valu une mise sous �crou.

10. Officialiser le travail clandestin.
Le must, l’affaire des affaires, qui n�cessitait la « neutralit� bienveillante » de la hi�rarchie, voire sa participation active. Qui n’a pas connu, dans la r�gion toulonnaise, au moins une employ�e de bureau qui vous disait « je suis embauch�e par l’entreprise X... mais je travaille � l’Arsenal » ? C’�tait devenu tellement institutionnalis� que plus personne n’y pr�tait attention. II s’agissait de contrebalancer les effets de la diminution des effectifs. On demandait � des entreprises de pr�ter du personnel administratif. Comme on ne pouvait les payer � la r�guli�re puisqu’aucun cr�dit de personnel ne pouvait appara�tre au budget, les entreprises fournissaient des fausses factures, et le tour �tait jou�. II faut dire que les entreprises �taient souvent dirig�es par des anciens de la DCN, d’o� une meilleure « compr�hension » r�ciproque.

(Mise � jour d’octobre 2004 : r�sultats du proc�s dans sa version "militaire" � d�couvrir ici.)

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A lire : Scandale � l’Arsenal, pour l’honneur de deux gendarmes, par Henri Calliet, Jean-Pierre Jodet, Patrick Lallemant, �ditions du Rocher 2003. R�cit des cinq ann�es de gal�re v�cues par ces enqu�teurs militaires (d�pr�ci�s par leur hi�rarchie, mut�s � Brest et � Cherbourg), dont le tort principal fut de d�rouler un peu trop de laine de la pelote qu’on leur avait confi�e.

[1] Cuverville n°46.

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