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LETTRE D'INFORMATION |

Monsieur le Secr�taire d’�tat, assumerez-vous la disparition de votre universit� ?

lundi 2 mars 2009
par Denis Collet
Hubert Falco est maire de Toulon, pr�sident d’une agglom�ration �conomiquement sinistr�e. Il sera bient�t confront� � la disparition de sa petite universit� de province, par la gr�ce de sa coll�gue de gouvernement Val�rie P�cresse. Catastrophisme malsain ? Non pas, monsieur le Secr�taire : les chiffres officiels sont t�tus.

L’Universit� du Sud Toulon-Var, qui f�tera cette ann�e son trenti�me anniversaire [1], accueille des jeunes gens issus de classes sociales tr�s moyennement favoris�es. Ceux qui ont le choix pr�f�reront les amphith��tres plus r�put�s de Marseille, Lyon ou Paris. Car en mati�re de tradition universitaire, le campus toulonnais fait figure d’avorton : que p�sent trois d�cennies devant les six si�cles d’Aix-en-Provence ou les 720 ans de Montpellier ?

Une universit� jeune, g�n�raliste et de taille modeste : 10.200 �tudiants � la rentr�e 2008/2009 quand la plus petite des trois entit�s marseillaises en revendique 22.500.
Une universit� "de proximit�" o� les droits d’inscription restent parmi les moins �lev�s de France [2], et dont la tr�s noble vocation est de permettre au plus grand nombre d’acc�der � l’enseignement sup�rieur, tout en alimentant le terreau �conomique local.

Alors oublions un temps le « statut des enseignants chercheurs » et la « mast�risation de l’enseignement » autour desquels la ministre aimerait circonscrire le trouble universitaire. �cartons les conditions de travail des fonctionnaires et des contractuels : ici comme ailleurs les mots-cl�s sont pression, compression, externalisation, pr�carisation. En toute logique gouvernementale, il n’y a aucune raison que l’enseignement sup�rieur �chappe au virus qui s’est propag� � l’ensemble de la fonction publique. Faisons comme s’il s’agissait de d�tails et int�ressons-nous � l’universit� du seul point de vue de l’usager : l’USTV comme outil de d�veloppement �conomique et de promotion sociale.

« L’enseignement sup�rieur, la recherche et l’innovation sont notre priorit� ab-so-lue » [3]

Depuis 2007, les universit�s fran�aises se pr�parent � l’autonomie selon les termes de la loi dite "P�cresse", relative aux "Libert�s et Responsabilit�s des Universit�s". La LRU, qui place l’�valuation et la performance au centre des d�bats, envisage l’autonomie budg�taire des �tablissements et leur permet de s’approprier le foncier dont ils ont l’usage ; elle d�veloppe le pouvoir des pr�sidents (nous y reviendrons un peu plus loin) et encourage le regroupement des structures en "p�les de recherche et d’enseignement sup�rieur" (PRES). On passe ainsi de l’�picerie de quartier au supermarch�, le but avou� par le minist�re �tant d’accro�tre la visibilit� de l’Excellence fran�aise � l’international, avec une place de choix dans le classement de Shanga� comme r�compense supr�me.

Certaines universit�s sont d�j� bien engag�es dans cette voie. Le PRES le plus proche de l’USTV se trouve dans les Bouches-du-Rh�ne. Il r�alise la fusion des universit�s de Provence (Aix-Marseille I), M�diterran�e (Aix-Marseille II) et Paul-C�zanne (Aix-Marseille III). D�marrage en janvier 2010. 71.000 �tudiants, 250 unit�s de recherche, 600 th�ses annuelles... � une demi-heure de Toulon.

Il fallait un outil budg�taire adapt� � la r�alisation de la LRU. On lui a trouv� un nom, "SYst�me de r�partition des Moyens � l’Activit� et � la Performance" (SYMPA), il succ�de au vieux proc�d� SAN REMO.
« Le mod�le r�partit les moyens disponibles nationalement en cr�dits et en emplois au prorata du poids des �tablissements en mati�re d’activit� et de performance », peut-on lire sur une notice accompagnant les fiches de calcul des cr�dits de fonctionnement. « Les cr�dits disponibles sont r�partis en plusieurs enveloppes dont deux enveloppes principales, activit� et performance, qui se d�composent chacune en deux sous-enveloppes enseignement et recherche. La part activit� repr�sente 80% des moyens, masse salariale comprise, et la part performance 20% ».
Si on exclut le pan recherche : « les moyens disponibles dans l’enveloppe activit�/enseignement sont r�partis au prorata du nombre d’�tudiants pr�sents aux examens, pond�r�s selon leur discipline et en tenant compte du nombre de boursiers. [...] Les moyens disponibles dans l’enveloppe performance/enseignement sont r�partis en fonction de la valeur ajout�e des �tablissements en mati�re de r�ussite en licence et du nombre de dipl�m�s en master ».
Bref, les crit�res SYMPA ent�rinent la mise en concurrence des universit�s apr�s l’explosion du cadrage national des dipl�mes [4]. Libert� et responsabilit� d’un c�t�, activit� et performance de l’autre, tout ceci est d’une coh�rence ab-so-lue. Malheur aux petites universit�s g�n�ralistes qui, comme l’USTV, ne sont pas destin�es � �marger au classement de Shanga�. Passons aux chiffres.

Document PDF - 1.3 Mo
Moyens 2009 USTV

Cette fiche de « cr�dits r�partis par le syst�me d’allocation des moyens » vient directement du minist�re. Pour rendre la lecture plus agr�able, nous avons reproduit les perspectives quadriennales en couleur sur le graphique suivant.

En-t�te : « Pour information et sous r�serve des lois de finances, des �volutions du mod�le, et du poids relatif de l’universit� dans l’activit� et la performance de l’ensemble des universit�s  » (soulign� par nous).

Premi�re constatation : les services de Val�rie P�cresse envisagent une dotation � peu pr�s constante jusqu’en 2011. Chouette.
Mais la part fondamentale, celle qui correspond en gros aux cr�dits de fonctionnement "normalement" allou�s par l’�tat (en saumon sur le graphique), est diminu�e de 27% entre 2008 et 2009 (de SAN REMO � SYMPA).
Pour faire passer la pilule et conserver la dotation globale, le minist�re invente donc ce qu’il appelle un "exc�dent d’initialisation" : « toutes les universit�s dont la dotation 2008 est sup�rieure � celle que lui attribue le mod�le en 2009 se voient maintenir la diff�rence sous la forme [de cette] enveloppe particuli�re ».
H�las, le montant de l’exc�dent d’initialisation sera divis� par 20 en deux ans. Comment faire, dans ce cas, pour conserver la dotation globale ?

Si le mod�le n’�volue pas, il faudra que les cr�dits "enseignement + recherche" augmentent de 12, puis 5% ! « ... Au prorata du nombre d’�tudiants... en fonction de la valeur ajout�e de l’�tablissement... » (voir plus haut).

Une seule solution : trouver quelques �tudiants suppl�mentaires d’ici septembre 2010.
Environ 1500, et 600 de plus l’ann�e suivante. Pas de probl�me, on va les commander au p�re No�l.

Le nombre d’�tudiants de l’USTV n’augmentera pas de fa�on significative

Parce que l’universit� toulonnaise plafonne � 10.000 inscrits depuis plusieurs ann�es. Ce n’est pas l’hypoth�tique et miraculeuse installation d’une annexe de Sciences-Po en centre ville qui va fondamentalement changer la donne.

Parce que, selon une note du minist�re de l’Enseignement sup�rieur publi�e en novembre dernier, le nombre de bacheliers devrait diminuer jusqu’en 2017. Cons�quences envisag�es : -15,2% d’inscriptions � l’universit� sur le plan national.

Parce que la strat�gie de l’USTV visant l’ouverture � l’international et l’accueil massif d’�tudiants �trangers se heurte au filtrage des agences Campus France qui, pour sch�matiser, caract�risent la d�localisation de notre minist�re de l’Immigration et de l’Identit� nationale dans les ambassades de France : les universit�s de l’Hexagone ne sont pas ma�tresses de leur politique de recrutement.

Parce qu’enfin, et cela vous concerne directement monsieur le Pr�sident de l’agglom�ration TPM, les infrastructures locales ne permettent pas de d�velopper l’accueil. Mis�re du transport en commun, raret� du logement.
En novembre dernier, le pr�sident de l’USTV vous interpellait en ce sens : « la situation [du logement �tudiant] est plus que catastrophique ! » [5] Il comptait alors 4000 demandes de chambres universitaires pour seulement 800 attributions par le CROUS.

Et donc

L’USTV, si le mod�le est confirm�, devra trouver ailleurs l’argent n�cessaire � son fonctionnement. En impliquant les entreprises du cru comme l’encourage la LRU, par exemple, via la cr�ation de fondations universitaires. Le conseil d’administration de l’universit� toulonnaise s’est d’ailleurs prononc� favorablement sur la cr�ation d’un tel machin [6]. Il ne reste plus qu’� trouver les partenaires qui voudront bien c�der quelques millions d’euros — par an — � la prestigieuse enseigne universitaire du Var. C’est comme si c’�tait fait.

Plus vraisemblablement, l’USTV sera contrainte � l’�conomie. Encore et toujours plus d’�conomies. Sauf qu’on ne peut pas rationaliser un fonctionnement au del� d’une certaine limite sans compromettre les chances de survie du syst�me.
Outre les personnels, les familles et les �tudiants en feront les frais.
Diminution de l’offre sur les plans qualitatif et quantitatif avec l’augmentation du nombre d’�tudiants par groupes de travail, la r�vision des programmes � la baisse, la diminution des heures d’enseignement (ces m�canismes sont d�j� � l’œuvre aujourd’hui). De quoi sceller d�finitivement la r�putation toulonnaise.

Une jeune fille, un jeune homme qui part faire ses �tudes ailleurs, c’est une personne qui ne fera pas sa carri�re professionnelle � Toulon, qui ne participera pas au renouvellement des cadres dans les entreprises locales, qui ne cr�era pas sa bo�te ici.

Toujours moins d’�tudiants, toujours moins de dotation par l’�tat et au bout du compte, quoi ? L’ascenseur social s’arr�te, au d�triment de la population... et de l’activit� �conomique.

Qu’en pensent les pr�sidents d’universit� en g�n�ral, et Laroussi Oueslati en particulier ?

« Si [le mod�le SYMPA] est perp�tu� en ce sens - c’est-�-dire - sans prise en compte des charges fixes qui permettent � nos �tablissements de fonctionner, c’est purement et simplement leur disparition � cinq ans qui est sanctuaris�e ! Soyons clairs : une disparition sans nuance d’�chelle : pure et simple signifiant : pas de coll�ge universitaire [7], pas de sp�cialisations � outrance des �tablissements, rien ».
Ces mots ont �t� �crits par le pr�sident de l’universit� d’Avignon � l’intention de ses personnels, le 20 f�vrier dernier. L’�tablissement du Vaucluse fait partie avec l’USTV de la vingtaine d’universit�s "pluridisciplinaires et de petite taille" qui ont de tr�s gros soucis :

Document PDF - 12.6 ko
Motion des petites universit�s, 18 f�vrier 2009

Vous aurez sans doute remarqu� que les pr�sidents sont tr�s prompts � critiquer SYMPA mais citent assez peu la LRU. En fait, ils sont bien emb�t�s. P�cresse a tout fait pour �a. Ils souhaiteraient dissocier la philosophie (LRU) de l’outil pratique permettant sa r�alisation (SYMPA), Laroussi Oueslati comme les autres. Il n’est pas question pour eux de demander l’abrogation de la loi, tout au plus �voquent-ils des « am�nagements » sur quelques points.

...Au nombre desquels ne figurent sans doute pas l’augmentation de la prime annuelle dont il sont les heureux b�n�ficiaires, ni le pouvoir accru de conseils d’administration ramass�s o� les "personnalit�s ext�rieures" nomm�es par le pr�sident ont toujours plus de poids, etc [8]. Parce que la LRU transforme les pr�sidents d’universit� en chefs d’entreprise, augmente leur pouvoir sur les �tablissements et les personnels. Faudrait �tre un peu con pour cracher dans la soupe.

Concernant plus pr�cis�ment Laroussi Oueslati, on notera qu’il a malgr� tout sign� une motion contre la LRU. Ce n’�tait pas � Toulon (parce qu’� Toulon il est pour) mais � Marseille. Ce n’�tait pas � l’USTV mais au Conseil r�gional Provence Alpes C�te d’Azur, o� il si�ge sur les bancs de la majorit�.

Alors monsieur le secr�taire d’�tat, je vous fais une lettre...

...que vous lirez peut-�tre si vous avez le temps entre deux am�nagements du territoire � Givet (Ardennes) et Bordeaux (Gironde).

Vous en profiterez sans doute pour r�pondre � la requ�te du pr�sident Oueslati qui souhaite s’entretenir de toute urgence avec vous depuis un mois mais ne semble pas avoir �t� entendu jusqu’ici, ou alors a-t-il mal formul� sa demande.

Vous en profiterez enfin pour alerter vos coll�gues de bureau : un nombre croissant de Varois s’interrogent quant � l’avenir de leur universit� et au del�, puisque c’est le d�veloppement �conomique et social de ce d�partement qui est en jeu.
Ce d�partement que vous affectionnez tant.
Quand vous n’�tes pas en train d’am�nager le territoire � Givet (Ardennes) ou Bordeaux (Gironde).

Bien � vous,

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[1] Le "centre universitaire de Toulon et du Var" cr�� en 1970 autour des premiers d�partements d’IUT s’�mancipa en octobre 1979.

[2] L’USTV ne pratique pas les frais compl�mentaires (et ill�gaux) qui permettent � certaines universit�s de contourner l’arr�t� minist�riel.

[3] Nicolas Sarkozy, discours � l’occasion du lancement de la r�flexion pour une Strat�gie Nationale de Recherche et d’Innovation, 22 janvier 2009.

[4] Les programmes des DUT restent encore d�finis au plan national, mais leur originalit� est condamn�e par le bulldozer LRU/SYMPA.

[5] France 3, 5 novembre.

[6] CA du 3 f�vrier 2009.

[7] Un coll�ge universitaire serait une entit� sans niveau master ni recherche.

[8] Pour un aper�u des nouvelles pr�rogatives des pr�sidents d’universit�, voir l’article Wikipedia consacr� � la LRU.

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