Le tableau de chasse du pr�fet Bisch

 

jeudi 18 septembre 2003
par Saint-Just

orti au moment o� le fringant Renaud Muselier (fils de grand-papa) annon�ait sa candidature � la pr�sidence de la r�gion PACA, le num�ro d’�t� de M�tropole [1] titrait : « D�linquance en forte baisse », avec interview du pr�fet du Var en cadeau bonux.

En ap�ritif d’un bel article, on peut lire que la d�linquance sur voie publique a chut� de 24,4% en cinq mois ! Mais si l’on se penche sur les donn�es officielles d�voil�es par le mensuel et correspondant � l’�volution 2002-2003, nulle trace du chiffre cit�, � moins qu’il ne s’agisse d’une erreur typographique dans le -20,4% cr�dit� � l’ensemble des vols.

Il faut dire que c’est compliqu�, les chiffres. C’est un peu comme la p�te � modeler : on en fait ce qu’on veut, les couleurs restent toutefois criardes.

Par exemple, les m�mes donn�es officielles �voquent le +32,7% des infractions �conomiques et financi�res, ainsi que le +105,4% d’infractions sur les stup�fiants. Et pourtant, le titre en premi�re page n’est pas D�linquance en forte hausse, allez savoir pourquoi.

Notre cher pr�fet est aux anges et jubile en expliquant qu’il dispose � cet effet (faire baisser la d�linquance, pas commanditer les articles de M�tropole, journal ind�pendant) d’une « mobilisation presque de caract�re militaire ». Les anciens de Franco et de Pinochet pourraient lui r�torquer qu’avec ce type de moyens (l’arm�e dans les rues), ils ont connu plus productif, d’autant que les maigres 20,4% ne correspondent finalement qu’� des vols.
Pire, les crimes, eux, selon le tableau publi�, n’ont baiss� que de 13,1% ! Mais bon, la culture du chiffre insuffl�e par l’omniscient Sarkozy impose l’optimisme et se propage comme un virus aux pr�fets de proximit�.

Autre raison de ne pas partager l’enthousiasme de M. Bisch et du r�dac’chef de M�tropole, Alain Perrier. On apprend dans le Canard Encha�n� du 23 juillet 2003 que la d�linquance associ�e aux crimes et d�lits, en juin de cette m�me ann�e, a augment� en France de 2% par rapport � juin 2002. Juin �tant le sixi�me mois de l’ann�e, on excusera le mensuel de la droite toulonnaise d’avoir rat� l’information, car les donn�es publi�es dans ses pages traitent des cinq premiers mois... Et au passage, on admettra que ces chiffres ne veulent absolument rien dire.

Pourquoi toujours mettre d’un c�t� les vols (ou les infractions sur les stup’) et de l’autre les crimes et d�lits, puisque les vols sont des d�lits et que les crimes sont autrement plus graves que les vols ? Certaines mauvaises langues estiment que, par ce biais, le Minist�re de l’Int�rieur met en valeur la sous-cat�gorie la plus valorisante et rel�gue au second plan les autres. Ceci expliquerait le tableau fourni par M�tropole.

Et au fait, ces statistiques en baisse sont-elles une bonne chose ?
Une diminution des faits constat�s de d�linquance sur voie publique peut r�sulter de la conjonction de plusieurs facteurs : la fameuse « peur du gendarme », une soudaine reconversion des voleurs � la tire vers des actes de bienfaisance, une manipulation des chiffres... Ou une moins bonne prise en compte des plaintes dans les commissariats. Par exemple, l’actuel Ministre pr�f�rant la police de terrain (entendez les coups de matraque) � la police de proximit�, il ne serait pas �tonnant que les gens, notamment dans les quartiers dits sensibles, aillent moins porter plainte, en �tant convaincus a priori que de toute fa�on, leur voix tombera dans l’oreille d’un sourd.

M. Bisch pourrait peut-�tre nous �clairer sur ce point.

Connaissez-vous le th�or�me de Demonque ?
« Sur une courte p�riode, les statistiques de la d�linquance varient en proportion inverse de la popularit� du ministre de l’Int�rieur aupr�s des agents charg�s du collationnement des donn�es qui les fondent ».
A ce sujet, lisez "Les faits contre les chiffres".
D’une mani�re g�n�rale, pour tout savoir de la statistique et de son mauvais usage, visitez le site indispensable de l’association P�nombre.

[1] n°65, 15 juillet - 15 septembre 2003.