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1944/2004 : j’y �tais !

Journal de campagne comm�morative
lundi 16 août 2004
par Olivier Vermert
La France et quelques pays amis f�tent le d�barquement de Provence : revue navale et voltiges a�riennes en rade de Toulon.
Un riverain raconte son week-end du 15 ao�t.

Jeudi soir. R�P�TITION du ballet dans la rade, bruits d’avions et d’h�licopt�res en sus. Vrombissements r�p�titifs et mena�ants. La ronde semble s’accentuer avec le silence de la nuit : l’illusion est totale. Ne manquent que les sifflements de bombes et on se croirait effectivement revenus une soixantaine d’ann�es en arri�re. Chapeau aux organisateurs. (Image JPEG)

Les sucettes municipales annoncent la gratuit� des parkings pour la journ�e de dimanche. Au cours du dernier conseil municipal, Falco aurait parl� de trois millions de visiteurs attendus. O� �a ? Sur la c�te azur�enne le long de laquelle vont parader les navires de guerre ? Dans l’ensemble des villes du d�partement o� sont pr�vues les festivit�s ? Ou � Toulon intra-muros, capitale du Var dont le dernier recensement a �valu� la population � 160000 habitants ?

Vendredi matin. Partis nous faire rissoler � Magaud. Pour ceux qui l’ignorent, c’est une plage de r�ve comme on voit sur les cartes postales. L’eau scintille sous le soleil encore bas, les baigneurs sont tranquilles et souriants. Un peu plus tard dans la journ�e, le mistral chassera les ultimes bandes cotonneuses, reliquat de nuages qui semblaient hier annoncer l’orage.
Soudain, une image improbable : deux soldats en treillis et mitraillette nous passent sous les yeux. On a bien vu, ce ne sont pas des vendeurs de chouchous fuyant les UV. Semblent contr�ler les acc�s � la plage des quelques propri�t�s qui la surplombent. C’est vaguement inqui�tant, plut�t ridicule.
Une indiscr�tion a �voqu� les Pins Pench�s pour assurer la restauration trois �toiles de certaines huiles (alors que l’essentiel du raout doit se tenir sur le Charles de Gaulle). Les Pins Pench�s sont juste au-dessus de l’anse M�jean, derri�re Magaud. Ceci explique peut-�tre cela. En tout cas on rigole, et on engage la conversation entre rabanes voisines. Ca change des mots fl�ch�s de Var matin.

Var matin, d’ailleurs, a sorti la grosse artillerie. Un suppl�ment sp�cial D�barquement avec t�moignages d’acteurs de l’�poque. "M�moires de la libert�", pas mal. Plus une pub pleine page pour les c�r�monies organis�es par la Ville, avec un �dito de monsieur le maire ministre d�l�gu� : c’�tait il y a 60 ans, le 15 ao�t 1944. Les soldats lib�rateurs d�barquaient sur les plages du midi pour combattre l’occupant. Ailleurs : infographie de l’assaut franco-am�ricain. Ailleurs encore : la gu�rilla contre l’ennemi. Malaise. Quel ennemi ? Il faut lire entre les lignes pour entrevoir la dualit� de la France de l’�poque, une France qui ne se limitait pas aux valeureux soldats venus d’Afrique. L’autre France sous les bombes anglo-am�ricaines. L’autre France qui agite des petits drapeaux au passage de P�tain. L’autre arm�e fran�aise respectueusement acquise � la cause mar�chaliste, qui pr�f�re saborder ses navires dans la rade plut�t que s’enfuir vers de Gaulle et les anglais avant que les allemands ne prennent possession de la c�te. Un d�tail de l’Histoire ? 21 b�timents fran�ais d�fileront dimanche devant les plages. Environ 90 dorment au fond de l’eau depuis le 27 novembre 1942.

La ville sera interdite � la circulation entre le Port marchand et le cap Brun. Vaste p�rim�tre.

Samedi. Gros mistral mais journ�e banale. Deux ou trois bateaux tra�nassent au large. (Image JPEG)
Les services municipaux pr�parent le spectacle. On a r�duit le domaine de baignade sur la premi�re anse mourillonaise pour installer les jets d’eaux qui participeront au son & lumi�res.
Chirac est � Lourdes pour la premi�re partie de son week-end sabre et goupillon. En l’occurrence, il a pr�f�r� d�buter par le goupillon. Mais Jean-Paul est un chef d’Etat comme un autre, non ?
Le Front national organise sa contre-manifestation comm�morative pr�s d’une petite chapelle que les randonneurs du sentier des douaniers et certains membres de la communaut� gay connaissent bien. Parfois, les bosquets avoisinant le promontoire sur laquelle elle se trouve, au bout du chemin de la Batterie basse, fr�missent de r�les assez peu catholiques. Si l’int�griste Bernard Antony et ses petits camarades Gollnisch et Stirbois savaient cela, ils r�pugneraient peut-�tre � venir emmerder les cigales avec leurs discours � la noix. Mais la chapelle, qui doit pouvoir accueillir cinq enfants pendant l’office � tout casser, sinon on se cogne la t�te, est dit-on un lieu symbolique pour les pied-noirs. Surtout pour ceux qui ont l’habitude des caf�s-philo organis�s par le Front. A l’issue de leur manif, un orateur r�clamera « que soit enseign�e l’histoire vraie, celle de la colonisation positive de l’Alg�rie par la France » [1].
� Ma fille, je te pr�viens : si tu ne finis pas ton melon tout de suite, Bernard Antony va venir t'enseigner l'Histoire de France !
- Maman ! Papa il dit des gros mots !!! �

Dimanche matin. Toujours aussi calme. Les organisateurs montent les rampes de lancement pour le feu d’artifice. (Image JPEG) Comme l’eau est gel�e (20 degr�s inscrits sur le panneau, une temp�rature quasi hivernale), on a tremp� un orteil avant de rebrousser chemin. Une jeep nous a coup� la route alors que nous traversions le littoral Fr�d�ric Mistral. Au volant, j’ai cr� reconna�tre un des deux soldats de vendredi. �a fait un peu r�duit, comme contingent !

Au journal de 13 heures Sur France inter, on parle du Mourillon. La journaliste d�p�ch�e sur les lieux a fait le travail d’investigation classique, c’est-�-dire qu’elle a demand� � Marcel et Josette pourquoi ils �taient l� avec leur paire de jumelles, et depuis quand, etc. Vivement 18 heures. Plus que quatre avant le d�but de la f�te. Je vais me taper un petit p�n�quet au frais en ayant une pens�e �mue pour tous ceux qui font le planton en plein cagnard. La canicule a �pargn� nos vieux, souhaitons que le D�barquement ne les ach�ve pas.

D-day, H-hour. Faisons le compte. Il semblerait que nous, spectateurs de la parade, ne soyons pas tout � fait trois millions comme escompt�s. Beaucoup de gens quand m�me. Cette histoire de blocage des rues � grande �chelle, c’�tait de l’intox pour pousser les badauds � se garer loin des plages. Les deux roues et quelques voitures circulent encore. Banalis�es, pompiers, police. (Image JPEG) Les bateaux glissent enfin devant le porte-avions sur lequel on voit bien, de loin, que des tas de types en uniforme attendent au garde � vous. Coups de canons. Une large tra�n�e jaun�tre sur l’horizon. On dirait que ces fleurons de la Marine ne disposent pas de pots catalytiques. Les minots s’emmerdent et piaillent, beaucoup d’adultes ont les yeux qui brillent comme des gosses. Ca se bouscule contre le muret de la corniche. « Ah mais monsieur si vous vouliez une meilleure place il fallait venir comme moi beaucoup plus t�t, et n’insistez pas, sinon je vais vous r�pondre vertement » dit la dame au monsieur. A sept heures quarante la patrouille de France d�bute ses volutes. Je n’avais jamais vu. C’est spectaculaire au d�but, ensuite on s’ennuie. De l’avis des gens alentour, c’�tait mieux l’ann�e derni�re. Quelle figure vont-il tracer en conclusion ? Un copain pr�tend qu’ils vont se faire un gigantesque Al Qaida pour rigoler, mais �a ne fait pas sourire le retrait� de la Royale juste � c�t� de nous. Finalement, deux avions forment un c�ur en d�gazant l’un du rouge, l’autre du bleu. C’est mieux que rien. Et puis s’en vont. Nous aussi. Nous n’attendrons pas le douzi�me feu d’artifice de l’�t�.

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[1] Propos rapport�s par Var matin le 15 ao�t.

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