QUE dire sur Philippe Vitel que nous ne sachions d�j� ?
Homme de droite inscrit dans la tradition m�diterran�enne, il d�buta sa carri�re d’�lu en 1996 � l’occasion d’une cantonale partielle sur Toulon. En battant le candidat FN qui l’avait devanc� au premier tour, gr�ce au report des voix de gauche et � la mobilisation des abstentionnistes, il assimila tr�s t�t cette notion d’ouverture politique d�fendue ces jours-ci par Nicolas Sarkozy (Blum par ci, Jaur�s par l�). « Tous les �lecteurs du Front ne sont pas extr�mistes ou x�nophobes », dit-il en 2006. « Ils reviennent vers nous car ils se sentent mieux compris et �cout�s. Nous avons pris en consid�ration des questions importantes : la s�curit�, la lutte contre la d�linquance, les anciens combattants, les rapatri�s » [1]. Ouverture ? Ah oui, d’accord.
Postulant au Palais Bourbon, il emporta en 2002 la deuxi�me circonscription toulonnaise au d�triment du socialiste Robert Ga�a. Il est r�investi par l’UMP pour les l�gislatives de juin 2007.
F�ru de m�dias, il doit le leitmotiv du mandat qui s’ach�ve, la « Nouvelle Proximit� », au savoir-faire d’une bo�te de com’ parisienne. CPIM productions [2] vendit entre 2003 et 2005 des supports promotionnels aux parlementaires UMP int�ress�s par le concept. Du M�doc au Var, en passant par la Corr�ze et les Bouches du Rh�ne (Maryse Joissains, maire d’Aix-en-Provence, y a aussi go�t�), une dizaine se sont laiss�s tent�s par le relookage de leur propagande. A priori, toujours la m�me �quipe r�dactionnelle. Partout la m�me strat�gie : saturer une revue haute en couleurs de photographies de l’�lu (et de publicit�s pour att�nuer les co�ts d’�dition), monter des reportages monomaniaques � diffuser en streaming sur Internet.
Mais tout �a, c’est du pass�. La Xii�me l�gislature est enterr�e et la Nouvelle Proximit� sent le sapin. L’heure est au bilan.
Que dire sur Philippe Vitel que nous ne sachions d�j� ?
Un article publi� dans nos colonnes en 2004 pr�sente l’artiste. On y �voque d�j� l’obsession m�diatique, la d�magogie alg�rianiste, le patriarche Jean dont l’h�ritier perp�tue le souvenir et l’oeuvre.
Depuis plus de deux ans, il n’a pas ch�m�. Dans une des vid�os estampill�es "Nouvelle Proximit�" toujours accessibles depuis son site en f�vrier 2007, il explique : « mon calendrier est suivi. J’ai l’habitude de planifier mes actions [...] Je savais que j’�tais �lu pour cinq ans. Je savais qu’il me fallait du temps pour int�grer les m�canismes de fonctionnement, � la fois du parlement et des minist�res, je rentre dans la phase op�rationnelle. [...] On rentre en phase de moisson ». Phase de moisson ! En f�vrier 2007, on rentre surtout en phase �lectorale. Mais bon : Vitel savait qu’il �tait �lu pour cinq ans, c’est d�j� pas mal.
Depuis 2004, il a continu� de caresser les rapatri�s dans le sens du poil, comme certains en ont tr�s bien rendu compte par ailleurs.
Il a aussi sign� une ribambelle de textes progressistes, stigmatisant � peine la racaille communautariste qui refuse de travailler plus pour gagner plus (vu qu’elle ne travaille m�me pas) : "Proposition de loi visant � r�tablir la suspension des allocations familiales en cas d’absent�isme scolaire" ; "Proposition de loi visant � instaurer un d�lai entre la sanction de fin de droit au revenu minimum d’insertion et la possibilit� de se r�inscrire aupr�s d’un organisme charg� de recevoir la demande" ; "Proposition de loi visant � la d�ch�ance de la nationalit� fran�aise" ; "Proposition de r�solution tendant � la cr�ation d’une commission d’enqu�te sur les conditions d’attribution et de versement des minima sociaux".
Voil� quelques mois, un �v�nement a failli sceller la r�conciliation nationale comme en 1998. Mais la France-football pleura quand Zizou prit sa retraite anticip�e. Quelques chanceux ( ?) ont pu faire le d�placement jusqu’en Allemagne pour assister au coup de boule de l’apocalypse.
Souvenons-nous : nous sommes en juin. En septembre, les d�put�s devront se prononcer sur la fusion Suez-GDF. Ceux de l’opposition y sont oppos�s et ceux de la majorit� n’y sont pas tous favorables. Alors les directions commerciales de Suez et GDF multiplient les op�rations s�duction. Comment convaincre un parlementaire ? En lui offrant un abonnement � vie, eau et gaz � tous les �tages ? Non : trop anecdotique. Une pute ? Non : trop vulgaire. Une place en finale de la coupe du monde de football ? Ah oui ! �a c’est bien ! Selon les sources, entre dix et vingt d�put�s UMP — dont Philippe Vitel — accepteront les tickets g�n�reusement offerts par Suez (parrain des Bleus jusqu’en 2009).
L’�t� s’ach�ve. Tout � coup, notre ami se rend compte que le client�lisme ne garantit pas le repos de l’�me. Il se confesse et paraphe en octobre une « proposition de r�solution tendant � modifier le R�glement de l’Assembl�e nationale pour �tablir des r�gles de transparence concernant les groupes d’int�r�ts ».
Le Pacte R�publicain sera religieux ou ne sera pas
Janvier 2007 : tandis que le Ministre des Cultes lance sa campagne pr�sidentielle depuis le Mont Saint-Michel, son disciple toulonnais distribue les cartes de voeux pour l’an que v�n. Un petit quatre-pages � l’italienne o� le d�put� appara�t neuf fois en photo. La phrase manuscrite de l’ann�e, celle qui rapproche l’�lu de l’�lecteur, dit ceci : « Ce n’est pas le chemin qui est difficile, c’est le difficile qui est le chemin ». Vitel a piqu� cette citation � S�ren Kierkegaard, penseur chr�tien bien connu (mais non cr�dit�). On retrouve la dimension spirituelle de l’action politique. Souffrir pour r�ussir. Assister � la d�faite de l’�quipe de France et s’auto-flageller.
« J’ai chang� »
Qui a chang� ? Certainement pas Vitel, qui cultive toujours son �lectorat comme le faisait papa Jean : le couscous de l’amiti�, la partie de boules de l’amiti�, l’ap�ro de l’amiti� et le communiqu� de presse de l’amiti�. Il est toujours ce jeune homme qui te chantait des romances, qui t’inventait des dimanches, tu sais, ce gar�on un peu fou qui jouait au bowling.
Non, Philippe n’a pas chang� et moissonne, t�te baiss�e, pour le bien de tous.
Les vid�os promotionnelles cit�es plus haut recensent les domaines dans lesquels notre d�put� s’est investi. La sant� des vieux, l’assouplissement de la loi �vin, une remise de l�gion d’honneur, la visite de l’amiti� � un club de retrait�s, le rugby, tout y passe.
Il est membre du conseil d’administration de FIRST, un centre d’exp�rimentation marine que les Toulonnais connaissent bien parce qu’il co�ta � peu pr�s 100 millions de francs au contribuable — trois fois plus que pr�vu. � quoi sert FIRST ? Le technicien l’a expliqu� au parlementaire qui tente de le r�p�ter � la cam�ra : « Ce bassin permet de fabriquer de la houle al�atoire. C’est pour nous un des points strat�giques de la d�marche structurelle d’un site de haute technologie marine dans ce d�partement du Var ». Cette phrase n’a bien s�r aucun sens mais qu’importe, Philippe est d�j� reparti vers de nouvelles aventures.
Autre moisson : Vitel archive sur son site les documents qui parlent de lui, coupures de presse reproduisant pour la plupart les communiqu�s envoy�s par son attach� parlementaire � Var matin, et lettres de remerciements.
En f�vrier 2007, on constate qu’il n’a re�u depuis son arriv�e � l’Assembl�e nationale qu’une cinquantaine de lettres de remerciements pour son action locale. Les gens sont ingrats.
Pourquoi devrait-on le remercier ? Pour toutes ces choses qui int�ressent la population du canton. « Merci monsieur le d�put�, cher coll�gue, pour l’enveloppe "premier jour" du timbre Rouget de Lisle qui a trouv� bien naturellement sa place dans ma collection. Croyez � mes sentiments les meilleurs », s’exalte un confr�re.
Appr�cions aussi les remerciements successifs envoy�s par Daniel N�grel en sa qualit� de pr�sident de l’Union Nationale des Parachutistes - section toulonnaise, pour des histoires de pensions de retraites d’anciens de la guerre d’Alg�rie. Cuverville se souvient que Daniel N�grel fut conseiller municipal FN pendant le mandat de Jean-Marie Le Chevallier, mais un remerciement... c’est un peu comme un billet pour une finale de la coupe du monde : �a fout la patate et �a n’a pas d’odeur.
En compilant de fa�on apparemment pu�rile ces lettres, Philippe Vitel ne fait qu’exprimer une fois encore ce d�sir de rassemblement qui transcende les partis et les clivages. Et si Jean Jaur�s et L�on Blum n’ont pas encore remerci� le d�put�, c’est simplement parce que les gens sont ingrats. Surtout les socialo-communistes.
Bon. Puisque les d�put�s sont en vacances, il est temps de s’occuper de la campagne pr�sidentielle.
Grand penseur politique, Vitel, qui a d�cid�ment beaucoup appris depuis 2002, pr�dit avec gourmandise que le th�me de la campagne « sera certainement s�curitaire » [1].
Wow.
Avec un second tour entre Chirac et Jospin ?
[1] In Le Ravi n°36, d�cembre 2006.
[2] �tablissement non inscrit � l’annuaire des soci�t�s et qu’Infogreffe ne conna�t pas non plus, en tout cas pas sous cet acronyme.