Se loger au Bénin  Joann Sfar, entretien  Octobre rouge  Lagoubran 1899 : Boum ! Et après ?  Huit ans de solitude au Parquet de Toulon  Métropole et l’histoire de la Rotonde  Casinos à TPM : pour qui le jackpot ?  Toulon, port colonial 2004 

   



Un discours officiel � l’usage des cancres de la Marine
Version imprimable Envoyer à un(e) ami(e)

13 septembre 2004

 

.:: QUALITÉ FRANCE ::.

 



.:: RECHERCHER SUR LE SITE ::.
 

 

 

 

« El�ments de langage » est une notice �dit�e par les services gouvernementaux � la veille des c�r�monies du 15 ao�t dernier, et destin�e aux officiers de la Royale susceptibles d’�tre en contact avec les journalistes. Pour �viter toute dissonance m�diatique, on prie les galonn�s de bien apprendre la le�on.


Cela commence par deux pages de citations de grands penseurs modernes : Jacques Chirac, Mich�le Alliot-Marie (ministre de la D�fense), et Hamlaoui Mekachera (secr�taire d’Etat aux anciens combattants). Puis une s�rie de questions-r�ponses concernant l’organisation des festivit�s (dans le genre « pourquoi la France organise-t-elle des c�r�monies en 2004 ? » ou « pourquoi r�unir les pays africains le 15 ao�t ? ») introduit la partie essentielle du document : apprenons � bien r�pondre aux questions d�licates que ne manqueront pas de poser les casse-pompons de la presse.

Premier point g�nant : « que signifie la d�cristallisation ? » ; « o� en est la mise en �uvre de cette d�cristallisation des pensions ? »
Dans les ann�es soixante, le gouvernement fran�ais adressa un signe fort en forme de bras d’honneur � ses anciens loyaux serviteurs d�sormais lib�r�s de l’emprise coloniale : il gela, « cristallisa » les pensions des v�t�rans ayant par exemple combattu pour la lib�ration de l’Hexagone lors de la seconde guerre mondiale. Ce qui fait qu’� l’aube du XXI�me si�cle, les r�tributions allou�es aux ex-tirailleurs leur permettaient de s’offrir au mieux une fraise tagada par mois. Vu le grand �ge de ces personnes et l’�tat de leur dentition vous direz que c’est toujours mieux qu’un carambar, mais malgr� vos remarques cyniques, la France a finalement d�cid� de revoir sa position. En langage officiel, �a donne ceci : « l’article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 a fix� les bases juridiques de la d�cristallisation. Le d�cret n°2003-1044 du 3 novembre 2003 permet sa mise en oeuvre effective. »

Autre dossier chaud, celui des harkis : « l’Assembl�e nationale fran�aise a vot� le 11 juin 2004 le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des fran�ais rapatri�s. Quelle est la prochaine �tape ? » ; « quelles sont les principales mesures mat�rielles propos�es par le projet de loi ? »
La propagande officielle explique que l’Etat fran�ais est tr�s attentif � la situation de ceux que le pr�sident alg�rien a m�chamment qualifi�s de collabos : « il a �t� d�cid� d’augmenter tr�s fortement l’allocation de reconnaissance aux harkis, qui est attribu�e depuis le premier janvier 2003. Cette allocation sera port�e de 1370 � 2800 euros par an d�s le premier janvier 2005. » Ce chouchoutage, ent�rin� deux mois avant les c�r�monies, pr�sente l’insigne avantage de susciter au sein de la communaut� harkie, � d�faut d’une adh�sion franche et massive au militantisme UMP [1], des d�bats contradictoires permettant d’adoucir la pilule Bouteflika. Les questions-r�ponses suivantes, est-ce une co�ncidence, concernent d’ailleurs le pr�sident alg�rien.

« Quelle est la position du minist�re de la D�fense sur la pol�mique entourant la venue du pr�sident alg�rien M. Bouteflika ? » ; « Que r�pondrez vous aux harkis qui s’insurgent contre la venue du pr�sident Bouteflika ? »
Et bien on leur r�pondra qu’ « un nombre important de dirigeants d’Afrique de l’Ouest et du Maghreb ont r�pondu pr�sent � l’invitation du pr�sident de la R�publique. A travers eux et les anciens combattants pr�sents, c’est bien un hommage � la solidarit� et aux sacrifices de tous ces peuples qui sera rendu le 15 ao�t prochain � Toulon. Les Alg�riens ont � l’�vidence pleinement leur place dans cette comm�moration. Il �tait donc l�gitime que le pr�sident Bouteflika soit convi� � cette comm�moration » (mot soulign� dans le texte original). Et on leur r�pondra aussi comme on pouvait s’y attendre que « le gouvernement a marqu� toute l’importance qu’il accorde � la question des harkis et rapatri�s », alors s’il vous pla�t, faites nous le plaisir de la mettre un peu en veilleuse. « Nous ne pouvons que nous r�jouir de cet �v�nement qui t�moigne de notre volont� commune de reconstruire les liens entre l’Alg�rie et la France ». Des liens sonnants et tr�buchants.

« A l’inverse, certains, comme le pr�sident Gbagbo, s’illustrent par leur absence. Pourquoi ces r�ticences ? »
Monsieur le pr�sident de la R�publique ivoirienne est absent uniquement � cause d’un « calendrier tr�s charg� et prioritaire dans le cadre du processus de paix en C�te d’Ivoire », voil� tout.

Enfin, � la question « qu’avez-vous � dire sur la pr�sence du pr�sident Djiboutien ? » nous r�pondrons en utilisant les conseils du manuel de savoir-vivre de Nadine de Rothschild, page 856, chapitre sachons refuser un d�bat g�nant en toute courtoisie :


[1] Avant d’�tre dorlot�s par la droite, les harkis le furent (et continuent de l’�tre) par le Front national. Ce qui explique le z�le avec lequel les d�put�s UMP de l’aire toulonnaise, Genevi�ve L�vy et Philippe Vitel en t�te, montent au cr�neau pour d�fendre les droits de cet �lectorat potentiel mais mouvant.