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LETTRE D'INFORMATION |

Sarkozy : laissez venir � moi les �lecteurs du FN

Meeting UMP � Toulon (2/2)
dimanche 7 mars 2004
par Saint-Just
Le meeting de Renaud Muselier � Toulon est l’occasion, pour le ministre de l’Int�rieur, d’exposer clairement sa strat�gie politique visant � r�cup�rer les votes Front National. C’est la moindre des choses, dans cette ville qui fut le laboratoire du parti d’extr�me droite.
Avec Sarko, tu n’auras plus honte d’�tre facho.

LES comiques locaux viennent de terminer leur tour de chant, la salle n’attend plus que le Ministre de l’Int�rieur. Il s’avance vers le pupitre sous un tonnerre d’applaudissements, une vedette en rade de Toulon. C’est par une question subtile que le petit Nicolas ouvre son discours : « pourquoi �lire des socialistes, alors qu’il y a deux ans on ne les a pas reconduits ? » C’est � peu pr�s la m�me question que s’�tait pos� Louis-Napol�on Bonaparte en 1851 alors qu’il devait quitter la pr�sidence de la R�publique : pourquoi partir alors que les Fran�ais m’ont �lu il y a � peine plus de deux ans ? Petits par la taille, les deux hommes le sont �galement dans leur fa�on de penser la d�mocratie.

Little Big Brother

Son domaine de pr�dilection, c’est l’ins�curit�. Pompier pyromane, Sarkozy souffle sur les braises des sentiments les plus bas. Il ne s’en tient pas � une attaque en r�gle du PS qui a ferm� les yeux sur l’ins�curit� et a pr�f�r� « inventer le sentiment d’ins�curit� » pour se d�douaner de ses responsabilit�s. Le bon �l�ve de Charles Pasqua, lui, n’invente rien. Il aime les lois s�v�res et l’application s�v�re, pensant dur comme fer que la d�linquance s’�teindra sous les coups de matraque. Nicolas avait d�clar� au quotidien El Pais qu’il r�tablirait l’ordre d’abord et discuterait ensuite [1]. Chirac se marre. Et les Mariani et Estrosi de tous poils jouent � la surench�re s�curitaire en m�diatisant les op�rations « ok corral », afin de masquer l’indigence de leurs analyses concernant la soci�t� fran�aise [2].

Pour faire chavirer son auditoire, Sarko glisse calmement les poncifs sur les bons et les m�chants pauvres. Revoici le sempiternel coup du d�linquant paradant au volant d’une Merco que le brave travailleur ne pourra jamais se payer. Comme si l’achat d’une berline allemande devait �tre le but ultime d’une vie d’ouvrier pass�e au turbin. Revoil� les gens du voyage qui ne respectent pas le droit de propri�t� alors que la R�publique g�n�reuse est toute dispos�e � les accueillir sur son territoire, pour peu que ces manouches comprennent enfin que la Loi est la m�me pour tous.
Au fait, petit Nicolas, as-tu d�j� entendu parler des dispositions de la loi, justement, dite « loi Besson II » ? En juillet 2000, elle imposait aux �lus et administrations de r�aliser sous 18 mois des sch�mas d�partementaux d’accueil et d’habitat des gens du voyage, puis la r�alisation avant fin 2003 des aires de stationnement pr�vues. On comptait, � la fin 2002, moins de 3000 places conformes face � un besoin estim� � plus de 40000. Dans le Var, deux sch�mas successifs ont �t� �labor�s avec une diminution importante du nombre de places pr�vues de l’un � l’autre : 250 sur les 480 initialement vis�es.

Pench� sur sa tribune, relax, le ministre en vient � sa volont� de mettre en place un « fichier des empreintes digitales pour les visas de tourisme » afin de lutter contre les sans-papiers « qui perdent toujours leur visa au bout de trois mois en France ». On rit jaune � cette douteuse adaptation du sketch de Coluche. Le fichier permettrait d’accro�tre consid�rablement le nombre d’expulsions de sans-papiers : 44 en 2002, 113 en 2003, Sarko pr�voit de doubler le chiffre en 2004. Ce que ne sait peut-�tre pas notre ministre d’origine hongroise, c’est que de nombreux migrants qui cherchent refuge en France, fuyant guerres et mis�re, ont suivi de longues �tudes et m�me acquis un niveau de qualification �lev� [3]. Au lieu de permettre � ces personnes de participer � l’activit� nationale, il pr�f�re stigmatiser la simple absence de papiers, et criminaliser les individus et les associations qui accueillent, aident et informent les �trangers sur leurs droits (il est � noter que Sarkozy s’est fait une sp�cialit� du fichage).

Fachos, votez utile : votez Sarko !

Entre solidarit� et r�pression aveugle, le futur candidat aux pr�sidentielles a choisi. Puisque « c’est l’immobilisme qui, depuis vingt-deux ans, a permis � Le Pen de dire des choses fausses », le Sarko a d�cid� de dire lui aussi des choses fausses. Sous le pr�texte d’« appeler un chat un chat », il oublie d’expliquer � quelle esp�ce de chat on a affaire, et que la nuit, malheureusement, tous les chats sont gris.
Il est d�sormais loin le temps o� les socialistes se r�unissaient dans « un colloque avec des sociologues » lorsqu’un bus �tait caillass�, et finissaient la s�ance en se demandant « pourquoi le bus ? ». Rires de l’assistance. Anti-intellectualisme mondain digne du Club Dialogue et Initiative. Car Sarko n’aime particuli�rement pas les sociologues. Peut-�tre parce que « la sociologie est (...), sans qu’elle ait besoin de le vouloir, une science critique, par le simple fait qu’elle met � jour des m�canismes sociaux cach�s, qui ne fonctionnent jamais aussi bien que pr�cis�ment parce qu’ils sont cach�s » [4]. Mais la vision politique du ministre de l’Int�rieur ne doit pas s’embarrasser de r�flexions pour �tre efficace en surfant sur les pr�jug�s de chacun. « Nos grandes vertus finissent par nous lasser. L’intelligence nous donne honte et nous imaginons parfois quelque heureuse barbarie o� la v�rit� serait sans effort », d�plorait Albert Camus [5]. La d�marche du ministre ne le r�conforterait certainement pas : c’est du brut de d�coffrage. « ï¿½ vouloir expliquer l’inexplicable, on excuse l’inexcusable », temp�te Sarko. Par contre, il excuse le vote FN. « Faire des reproches � ces �lecteurs ne sert � rien, il faut les entendre ». Ils « doivent savoir qu’aujourd’hui, continuer � voter pour [Le Pen] �a ne sert � rien, �a ne changera ni n’am�liorera rien ». En effet « Le Pen, c’est un homme qui ne peut tenir aucune promesse parce qu’il ne propose aucune solution cr�dible », alors que Sarko, lui, d�tient la solution vraie. Fortement inspir�e de celle du breton de Saint Cloud.

Puis le ministre-candidat s’empare du cas de Sangatte, embl�matique de la fr�n�sie m�diatique s�curitaire qui entourait la campagne pr�sidentielle et le d�but de ses propres aventures en place Beauvau. Monsieur s’y est rendu par quatre fois et a fini par fermer le centre avec la b�n�diction de la Croix-Rouge fran�aise. Le probl�me est selon lui r�gl� ; comme s’il suffisait de fermer un centre de r�fugi�s pour qu’il n’y en ait plus. Rendre invisible ne rend pas inexistant, malgr� tout ce que peuvent dire les autruches politiques. Dans la r�gion, le centre de r�tention d’Arenc � Marseille est class� par le Conseil de l’Europe comme celui aux conditions les plus sordides. « PACA r�gion num�ro 1 » : c’est inscrit sur le programme de Muzo.
Sarkozy prend l’exemple de Sangatte pour justifier les 33% qu’y a fait le FN aux derni�res pr�sidentielles. Pourrait-il expliquer les 27% r�alis�s par Le Pen � Toulon le m�me soir, alors que les toulonnais avaient jet�, un an plus t�t, Le Chevallier d�s le premier tour des municipales ? Rejet de l’homme mais pas des id�es, et le sc�nario poup�es russes de M. Sarkozy concernant la r�ponse s�curitaire agit telle une sp�culation dramatique. « Il n’est pas question de faire des reproches � ces �lecteurs », mart�le-t-il, « si ces gens l� votent comme ils votent, c’est parce qu’ils souffrent, on ne va pas le leur reprocher, ni les diaboliser ». Il avance m�me que « la R�publique est pr�te � entendre leur d�sesp�rance et � y apporter des r�ponses ».

Objectif : injustice

Nicolas Sarkozy pr�tend que « Le Pen ne pourra jamais �tre efficace parce qu’il n’est pas juste ». Mais qu’est la Justice selon Sarko ? Gagner plus lorsqu’on travaille plus que les autres, et donner � chacun selon son m�rite ; c’est bannir l’assistanat parce qu’ « on ne peut pas aider tout le monde sinon on n’aide personne » ; c’est r�compenser les fonctionnaires au m�rite (fr�tillements de joie chez les poujadistes dispers�s dans la salle) ; c’est dire « aux jeunes des cit�s que s’ils prennent le bon chemin, on les aidera plus que les autres ». La justice n’est pas ici appr�hend�e comme une vertu. Pour notre ministre de l’Int�rieur, la justice, c’est simplement une organisation g�n�rale de la vie sociale, et cette organisation passe par le boulot. Le boulot, « valeur d’�mancipation » tandis que le « ch�mage est une valeur d’ali�nation ». Il n’a sans doute pas vu « Attention danger travail ! » ni lu Dominique M�da [6], mais il assume.

« La politique est l’engagement d’une vie. On n’y entre pas parce qu’on y a vu de la lumi�re », termine enfin Sarkozy.
Une chose est s�re. En ce mercredi 25 f�vrier 2004, on est entr� au Palais Neptune pour �couter les t�nors locaux et le bulldozer national, mais on n’y a pas vu de lumi�res.

« Parce que vous avez fait de votre d�sespoir une ivresse, parce que vous vous en �tes d�livr� en l’�rigeant en principe, vous avez accept� de d�truire les oeuvres de l’homme et de lutter contre lui pour achever sa mis�re essentielle. Et moi, refusant d’admettre ce d�sespoir et ce monde tortur�, je voulais seulement que les hommes retrouvent leur solidarit� pour entrer en lutte contre leur destin r�voltant. [...] vous avez choisi l’injustice, vous vous �tes mis avec les dieux. Votre logique n’�tait qu’apparente » [5].

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[1] El Pa�s, mercredi 21 janvier 2004.

[2] Pour se familiariser un peu plus avec Th. Mariani : un article de CQFD.

[3] Voir les derni�res �tudes de l’Institut National des Etudes D�mographiques (Ined), rapport�es par la LDH.

[4] Patrick Champagne, La Sociologie, Editions Milan, 1998.

[5] Lettres � un ami allemand, 1943-1944.

[6] Le travail, une valeur en voie de disparition, Aubier, 1995.

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