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LETTRE D'INFORMATION |

Espaces verts : de la bonne gestion de l’eau en temps de crise

dimanche 7 octobre 2007
par Gilles Suchey
Comment certaines communes du littoral s’assoient sur les textes officiels imposant la restriction, afin que leurs rues restent jolies et typiques, tout en communiquant sur "l’�cocitoyennet�" et la pr�servation des ressources naturelles.

IL ne pleut pas. Ou mal [1]. Les retenues servant l’agglom�ration toulonnaise n’ont plus grand-chose � retenir. Les d�bits d’�tiage des rivi�res, dont la loi sur l’Environnement impose la conservation, ne sont plus garantis par le fermier (Veolia). Au d�but du mois d’octobre, les galets de l’Argens ont le ventre � l’air. Bref, la terre varoise est bien s�che.

Le premier arr�t� pr�fectoral « portant limitations des usages et des pr�l�vements de l’eau » pour 2007 date du 12 avril. Deux autres ont suivi, toujours plus restrictifs. L’�tat de crise est g�n�ralis� � l’ensemble du d�partement depuis ao�t. Le retour � la normale �tait pr�vu avec l’arriv�e de l’automne : la pluie se faisant toujours attendre, l’arr�t� du 9 ao�t a �t� reconduit jusqu’� fin octobre.

Les communes sont soumises comme les particuliers � l’ordonnance pr�fectorale. De quoi perturber le fonctionnement "normal" des services de voirie [2] et de quoi compromettre, surtout, la p�rennit� des espaces verts.

Oh Lord

Le document actant la crise est tr�s clair : « Pelouses : interdiction d’arrosage � toute heure. Fleurs et massifs floraux, arbres et arbustes, jardins potagers : interdiction d’arrosage de 8h � 20h ». Si les services municipaux restent assez peu concern�s par les carottes ou les courgettes, ils sont int�ress�s par tous les autres termes du texte.

Dans les ann�es quatre-vingt, quand Maurice Arreckx r�vait de multiplier les dix-huit trous pour attirer l’europ�en fortun� dans le Var, ses camarades de jeu se voyaient beaux en gentlemen farmers. Confondant mas proven�aux et cottages britanniques, Cornouailles et C�te d’Azur, ils plant�rent du gazon partout.

Aujourd’hui, l’arrosage des gros espaces verts est automatis� : parcs, pelouses des plages ou ronds-points. On a parfois install� des goutte-�-goutte tr�s �conomes en eau. On pratique l’aspersion nocturne quand l’�vaporation est moindre (c’est d’ailleurs pour cela que l’arr�t� lib�re la tranche 20h-8h).

« Au fur et � mesure, quand on peut, on remplace les pelouses et on plante des esp�ces plus adapt�es � nos climats », d�clare un responsable des Espaces verts de Toulon. Une assertion reprise par l’adjoint en charge de la Propret� et des Parcs, Jean-Guy di Giorgio, qui nous indique m�me un parterre � l’entr�e de la ville o� le gazon est artificiel. Quand viennent les grosses chaleurs, certains massifs floraux sont consign�s en « repos v�g�tatif », et on peut d�placer les arbres opportun�ment plant�s dans des bacs vers des serres o� ils attendront des jours meilleurs.

Reste ce qui ne peut �tre d�plac�, les arbustes isol�s, les innombrables touffes d�coratives et tous les espaces ne b�n�ficiant pas d’un traitement automatis�.

Le technicien des Espaces verts nous affirme que « les jardiniers n’arrosent plus pendant la journ�e », conform�ment aux directives pr�fectorales. Ah bon ? Ce n’est pourtant pas tr�s difficile de constater le contraire. Et ce n’est pas non plus ce que nous ont dit les employ�s municipaux rencontr�s il y a quelques jours alors qu’ils arrosaient � grande eau un pauvre bosquet coinc� entre deux murs. « Il y a une interdiction ? On ne savait pas. Le contrema�tre ne nous a rien dit ». Ils n’ont apparemment jamais interrompu leur tourn�e d’arrosage, chaque parterre du quartier ayant droit � son traitement hebdomadaire.
Le technicien, embarrass� : « de toute fa�on, cet arr�t� pr�fectoral est compl�tement idiot... Il suffirait que les communes s’entendent... La France ne manque pas d’eau ».

M�me son de cloche chez l’adjoint di Giorgio, qui confirme l’existence d’un « service qui arrose pendant la journ�e tout ce qui ne peut pas �tre arros� de fa�on automatique ».

Dans la commune voisine de la Valette, les jardiniers n’ont jamais cess�, eux non plus, d’arroser en plein jour. Mais ils ont pour instruction d’aller remplir leurs citernes � Valgora o� se trouve une borne de la Soci�t� du Canal de Provence. �trange consigne, dans la mesure o� l’arr�t� pr�fectoral concerne aussi l’eau de la SCP. « L’eau du Canal de Provence n’est pas in�puisable ! », temp�te la responsable du bureau de l’Environnement de la Pr�fecture [3].

Enfants g�t�s

C’est le paradoxe toulonnais : quand les voies naturelles sont �puis�es, on se raccorde au Canal de Provence [4]. Et m�me si elle est parfois plus ch�re, l’eau continue de couler � flots. Pourquoi s’emmerder avec les restrictions ? Quelles restrictions ?

Alors, � d�faut de les respecter, on interpr�te les directives pr�fectorales. � la fran�aise. On admet ce qui est facilement admissible, on jongle avec le reste.

Int�ressons-nous aux fontaines toulonnaises par exemple. Elles ont fonctionn� tout l’�t�. L’arr�t� stipule pourtant que « les fontaines (avec ou sans recyclage de l’eau) devront �tre ferm�es ». Jean-Guy di Giorgio adapte le texte et invente un compromis. D�j�, il n’est pas question de couper l’eau, parce que « si on ne fait pas fonctionner le m�canisme des pompes elles se d�gradent. Cela co�te horriblement cher � la Ville et vous serez les premiers � dire qu’on dilapide l’argent du contribuable ». Comme nous n’avons pas les comp�tences techniques pour juger de la validit� d’un tel argument, nous l’admettons bien volontiers. En pr�cisant toutefois que �a tombe bien pour la mairie qui souhaite r�habiliter le centre ancien en y attirant le chaland : une dizaine de pi�ces d’eau sans eau, �a ferait un peu tristounet. Voil� comment di Giorgio s’arrange avec le texte : il fait tourner les fontaines en vase cl�t. L’interdiction vise pourtant les fontaines qui fonctionnent avec recyclage de l’eau — aussi — mais qu’importe, on est d�j� dans l’effort, on �conomise un peu. Et on en profite pour visser de jolies pancartes sur les �difices (photo ci-dessous).

Concernant la pertinence de l’arr�t�, l’adjoint est toutefois plus nuanc� que le technicien des Espaces verts. « C’est une question de solidarit� avec les communes qui doivent, elles, g�rer la p�nurie ». R�p�tons-le : Toulon ne manque pas d’eau. Et il faut bien qu’on « entretienne le patrimoine », qu’on arrose les plantes si on ne veut pas « avoir de perte ».

En plein Grenelle de l’Environnement, la Valette consacre son bulletin mensuel � « l’�cologie au quotidien » (octobre 2007). On y d�couvre que la petite ville est « ï¿½cocitoyenne ». Ce mot n’est pas dans le dictionnaire mais le lecteur comprend le message. Introduction du dossier : « un peu partout sur la plan�te, l’heure est aux �conomies. �conomiser les �nergies et les ressources pour prot�ger notre sol, notre air et notre eau [...] Nombre de ces ambitions raisonnables passent par de simples actions quotidiennes. Actions que chacun peut exercer � titre personnel et que les services de la Ville appliquent �galement avec la m�me conscience civique » ...en arrosant donc, contre les directives pr�fectorales, de pauvres espaces verd�tres � dix heures du matin, � grande eau, sur une terre tellement s�che qu’elle ne peut rien absorber (photo ci-dessous).

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L’arr�t� pr�fectoral ne dit rien sur l’arrosage du bitume, alors on peut.

Car c’est bien de p�dagogie et d’exemple dont il est ici question. Comment exiger du citoyen lambda qu’il ne lave plus sa Fiat Punto ou qu’il arrose son jardin la nuit, quand les �diles sont elles-m�mes incapables d’appliquer les consignes ?

« L’am�lioration de la gestion de l’eau et des milieux aquatiques n�cessite l’engagement du plus grand nombre, et tout particuli�rement des �lus locaux qui sont les acteurs les plus proches du terrain. C’est pourquoi ce nouveau plan d’action s�cheresse demande une grande implication de leur part », peut-on lire en introduction du plan s�cheresse 2007 pour le d�partement du Var �labor� par les services de l’�tat.

Le non-empressement des �lus � respecter les r�gles collectives, � trouver des plantes de substitution, � repenser l’organisation des tous petits espaces verts (qui sont au citadin ce que la feuille de salade est au steak de restaurant) montre qu’on ne prend pas vraiment la crise au s�rieux. Pour l’instant, puisque l’eau coule du robinet, on pr�f�re se d�clarer « ï¿½cocitoyen » parce que c’est � la mode, et on justifie sa n�gligence en arguant de la conservation d’un pseudo-patrimoine appel� de toute fa�on � dispara�tre en l’�tat (tous les �cocitoyens s’accordent � le dire : « le gazon anglais n’a pas vraiment sa place dans la tradition proven�ale » [5]).

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Sanctions pr�vues par la Pr�fecture :
« Le non-respect des mesures �dict�es au titre du plan d’action s�cheresse fait encourir au contrevenant une amende de 5�me classe (1.500 Euros). Ind�pendamment des poursuites p�nales, le Pr�fet peut mettre en demeure l’exploitant ou le propri�taire de satisfaire aux dispositions de l’arr�t�.
Ceci ne pr�juge pas des infractions qui sont susceptibles d’�tre constat�es au titre de la l�gislation sur l’eau
 ».

[1] En ao�t, sur la fa�ade m�diterran�enne et particuli�rement au niveau du delta du Rh�ne et de la r�gion ni�oise, la situation hydrologique restait fortement d�ficitaire : 75% de d�ficit par rapport aux normales de saison (source : eaufrance).

[2] Pas tant que �a en fait : l’arr�t� stipule que « le lavage des voiries � grande eau est interdit sauf imp�ratif sanitaire ». Tout est dans le sauf imp�ratif sanitaire.

[3] Quelques chiffres (sources officielles) : Toulon consomme 18 millions de m�tres cubes par an. Les r�serves constitu�es sur le Verdon (80% des ressources de la SCP) repr�sentent 250 millions de m�tres cubes. La SCP alimente � peu pr�s 170 communes situ�es entre le Vaucluse, les Bouches-du-Rh�ne, le Var et les Alpes de Haute-Provence, dont Hy�res et Aix � plus de 70%. Ne figurent pas dans cette liste les villes faisant sporadiquement appel au canal, comme Toulon par exemple.

[4] Une page du site officiel de la Ville explique tr�s bien comment tout cela fonctionne, Veolia d’un c�t�, la SCP de l’autre.

[5] Valette mag, octobre 2007.

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