Toulon  Var agglomération Qualité France Média Economie Culture Justice et injustices Cuverville sans frontière Cuverweb pratique
Maison fondée à Toulon en 1995

LETTRE D'INFORMATION |

Risques majeurs : un pavillon orange pour anesth�sier les consciences

Jusqu’ici, tout va de mieux en mieux
mardi 2 juin 2009
par Olivier Vermert

Un "Haut Comit� Fran�ais pour la D�fense Civile" vient de labelliser Toulon pour ses efforts en « termes de sauvegarde et de protection des populations face aux risques et menaces majeures ».
Divine surprise ? Pas vraiment. Pour obtenir le "Pavillon Orange", il faut se porter candidat. La proc�dure d’attribution est automatis�e et payante, les r�sultats n’engagent pas la responsabilit� du Haut Comit�. Cette rigueur force le respect. Autant dire que la populasse peut continuer de dormir tranquille.

LE 25 mai dernier, le Haut Comit� Fran�ais pour la D�fense Civile remettait « aux premi�res communes labellis�es le fanion et le dipl�me du Pavillon Orange� ».
Objet : r�compenser « les communes qui r�pondent � un certain nombre de crit�res en termes de sauvegarde et de protection des populations face aux risques et menaces majeures, et qui ont notamment r�alis� un Plan Communal de Sauvegarde » [1].

Une semaine plus tard, Var matin c�l�bre l’�v�nement : «  Un label pour prot�ger les habitants et pr�venir les catastrophes [...] [Les] efforts [de la Ville] sont aujourd’hui r�compens�s [...] Pour ce label, Toulon a obtenu une note maximum que savoure le maire Hubert Falco : 94,50% ».

Var matin, 31 mai 2009

Pourtant, Toulon est parmi les villes les plus dangereuses de France. Pas au regard de l’ins�curit� dans les cours d’�cole (celle qui pr�occupe notre gouvernement � tel point que, bient�t, on enverra le GIGN dans les haltes-garderies pour des exp�ditions punitives). Non, le danger dont il est ici question est bien relatif aux risques majeurs, li�s pour l’essentiel � l’activit� militaro-industrielle.

Le pire n’est jamais s�r

L’arsenal de Toulon a d�j� vu l’explosion de sa poudri�re en 1899. Une soixantaine de morts, des blocs de roche retrouv�s deux kilom�tres plus loin, une d�flagration ressentie jusque dans le Haut Var. Cent dix ans plus tard, le site de Lagoubran est toujours d�di� aux activit�s pyrotechniques et au stockage des armes, il y a juste un peu plus d’habitants alentour [2].

Toulon, c’est aussi cette ville qui se d�veloppa, � l’Ouest, dans le lit majeur d’une rivi�re d�tourn�e par Vauban. Depuis 1913, ann�e de sa construction, la vall�e du Las est menac�e par la rupture du barrage du Revest. Au fil des ans, on y a pourtant install� des �tablissements scolaires, l’entr�e d’une travers�e souterraine r�put�e non inondable, un complexe sportif de 5000 places, et l’int�gralit� de l’activit� nucl�aire locale.

� ce propos, justement. Il n’y a pas beaucoup de villes en France, et encore moins d’agglom�rations de 500.000 habitants, qui peuvent s’enorgueillir d’une activit� nucl�aire en leur centre. La "piscine" [3], les embarcad�res des 6 SNA [4] et celui du Charles de Gaulle [5] sont situ�s � quelques centaines de m�tres de l’H�tel de ville o� flotte d�sormais le sympatoche "Pavillon Orange�".

Ici, quand on veut se faire peur, on pronostique l’initiative d’un terroriste qui pourrait ajuster un tir de roquette vers l’arsenal depuis les pentes du mont Faron : d�g�ts cibl�s pour une �mission radioactive maximale. Improbable ? Disons, pas plus improbable que l’appontage d’un parapente sur le porte-avions Clemenceau, pourtant r�ussi par un militant de Greenpeace en d�cembre 2005. Mais chut ! Ne donnons pas de mauvaises id�es aux vilains mal intentionn�s. N’allons pas leur indiquer que la topographie "confidentiel D�fense" de l’arsenal est accessible � tout un chacun via les photos satellites de Google maps, par exemple.

La s�curit�, c’est simple comme un clic

Toulon est donc cette ville qui se trouve aujourd’hui r�compens�e par un pavillon orange trois �toiles, avec Tours, Saint-�tienne et Gonfreville l’Orcher. Oui madame. Gonfreville l’Orcher.

Le Haut Comit� Fran�ais pour la D�fense Civile, qui d�livre le label, est une association Loi 1901 « qui participe � la r�flexion sur la doctrine, l’organisation et les techniques de notre pays en mati�re de s�curit� globale et de d�fense civile. Ses activit�s visent notamment � soutenir l’�laboration d’une D�fense civile moderne, tant dans ses objectifs que dans ses capacit�s, et prenant en compte les menaces et risques actuels et futurs qui p�sent sur la s�curit� des citoyens ».
Le HCFDC est totalement ind�pendant comme il se doit, financ� par l’�tat � hauteur de 25% seulement, un autre quart des ressources provenant des cotisations de membres neutres et d�sint�ress�s parmi lesquels la DGA, EADS, Thal�s, DCNS, Sanofi, Eurosatory, Sagem s�curit�, EDF, GDF Suez, le groupe INTRA, et m�me Eurodisney. Sinon, pour ramener de la fra�che, les experts du HCFDC peuvent organiser des colloques, s�minaires et « petits d�jeuners » avec croissants croustillants et jus d’oranges fra�chement coup�es.

Entre autres troph�es de bonne conduite, le HCFDC a invent� ce "Pavillon Orange� pour la sauvegarde des populations". Son obtention est automatis�e, � d�faut d’�tre tout � fait automatique.

D’abord, la commune doit se porter candidate. Apr�s avoir rempli la fiche d’inscription sur Internet, elle devra s’auto-�valuer, toujours sur Internet, c’est-�-dire v�rifier si elle est en mesure de recevoir le pavillon. Si l’auto�valuation s’av�re positive, il suffira de payer la somme demand�e pour obtenir le label. Il en co�tera ainsi 1500 euros au contribuable toulonnais, puis 750 pour le renouvellement annuel.

Art 3 - D�livrance du label

Le Pavillon Orange� est attribu� apr�s avoir satisfait aux conditions suivantes :

1. Etre une personnalit� morale de droit public : commune ou intercommunalit� (EPCI) et s’�tre enregistr� sur le site www.pavillon-orange.org en remplissant int�gralement les informations demand�es.
2. Remplir en ligne le questionnaire correspondant et obtenir le nombre de points minima requis pour l’obtention du Pavillon Orange�. Ce nombre de points est calcul� par le logiciel du questionnaire et annonc� de mani�re transparente et gratuite.
3. S’�tre acquitt� du montant correspondant au tarif en vigueur pour l’obtention du Pavillon Orange� par paiement en ligne, mandat administratif, ou par ch�que bancaire.
4. Avoir d�clar� sinc�res et v�ritables les r�ponses et informations fournies dans le cadre du questionnaire Pavillon Orange� et engag� de ce fait la responsabilit� personnelle du signataire du questionnaire, qui doit �tre un �lu : Maire ou conseiller municipal en charge, ou un fonctionnaire territorial ayant d�l�gation de signature pour ce faire (le Pr�sident de l’EPCI ou son repr�sentant l�gal pour les intercommunalit�s).

Art 5 - Responsabilit� li�e au label

En souscrivant au Pavillon Orange�, la commune (ou intercommunalit�) et son repr�sentant l�gal s’engagent � d�clarer sinc�res et v�ritables l’ensemble des r�ponses apport�es au questionnaire rempli en ligne sur le site www. pavillon-orange.org .

La responsabilit� du HCFDC ne saurait �tre engag�e aupr�s des tiers pour une attribution du Pavillon Orange� sur des d�clarations fausses ou erron�es.

Elle ne saurait �galement �tre engag�e vis-�-vis de tiers sur l’attribution du Pavillon Orange� comme garantie d’efficacit� de la r�ponse de s�curit� civile d’une commune.

L’attribution du Pavillon Orange� ne pr�juge pas des capacit�s d’une collectivit� � faire face � des catastrophes de toutes natures.

[...]

Source

R�capitulons. Le Haut comit� ne bouge pas une oreille pendant la proc�dure, il ne peut m�me pas �tre tenu responsable dans le cas d’une attribution sur de fausses d�clarations.

�tudions le fond, maintenant qu’on sait que l’obtention du label « ne pr�juge pas des capacit�s d’une collectivit� � faire face � des catastrophes de toutes natures ».

Crit�res d’attribution du Pavillon Orange�

Le Pavillon Orange� est d�cern� � toute commune qui r�pond � un certain nombre de crit�res en termes de sauvegarde des populations. On distingue :

* Les crit�res imp�ratifs :

o Avoir �tabli un Plan Communal de Sauvegarde (PCS) et un DICRIM
o Avoir approuv� le PCS par arr�t� municipal et l’avoir transmis � l’autorit� pr�fectorale
o Avoir pr�vu un poste de commandement communal en cas de sinistre
o Conna�tre, pour le Maire, ses obligations en mati�re de direction des op�rations de secours

* Les crit�res compl�mentaires comme, par exemple :

o La formation des �lus et personnels communaux � la gestion de crise
o Les exercices effectu�s et la formalisation des retours d’exp�rience
o L’implication des populations concern�es et la connaissance des gestes de sauvegarde
o Le souci de l’information du public
o L’accessibilit� aux informations sur les risques majeurs et les comportements � tenir

Source

Oui, Toulon a bien pondu un Dossier d’Information Communale sur les RIsques Majeurs. Oui, il para�t que pour la gestion des risques, Hubert Falco a un plan. Si en plus, « il conna�t ses obligations », c’est g�nial. Pr�cisons toutefois que l’�laboration du DICRIM et celle du PCS sont impos�es par la Loi [6]. Il n’y a donc aucune gloriole � en tirer, surtout quand on poursuit l’urbanisation dans des p�rim�tres de s�curit� (un complexe sportif de 5000 places, c’est pas franchement une baraque � frites).
Concernant l’implication des populations : tout baigne, puisque depuis la mise en service du premier SNA en 1983, Toulon a eu droit � un — UN — exercice engageant les civils (sans interrompre la circulation sur l’autoroute qui traverse la zone parce que tu comprends, �a fait des embouteillages).
Enfin, il ne fait aucun doute que la mairie est soucieuse d’informer le public — surtout quand elle obtient le pavillon Orange�.

Bref. On l’aura compris, ce label avec le � derri�re n’est qu’un outil de propagande suppl�mentaire � l’usage du pouvoir.

Pour vraiment organiser « la s�curit� et la protection » des Toulonnais, il n’y a pas trente-six solutions : soit on d�m�nage la pyrotechnie et l’activit� nucl�aire, soit on orchestre l’exode de quelques centaines de milliers de personnes. Entre le fatalisme et les fanfaronnades, il y a un monde. Sur le chapitre des risques majeurs, la pudeur recommanderait � la classe politique toulonnaise de faire profil bas.

Imprimer Imprimer

[1] Pr�sentation sur le site officiel.

[2] � la lecture de cette page, on apprend que l’arsenal abriterait pas moins de trois sites class�s "Seveso seuil haut", ce qui est pertinent mais �trange dans la mesure o� les domaines militaires ne semblent toujours pas l�galement concern�s par la directive. Voir aussi le recensement des �tablissements.

[3] « Bassin rempli d’eau destin� � l’entreposage, au transit, � la manipulation de mati�res et d’�quipements radioactifs, et qui assure la protection des personnes et l’�vacuation de la chaleur. Note : Si la fonction principale est l’entreposage en attente d’une d�croissance radioactive suffisante, on pr�cise qu’il s’agit d’une piscine de d�sactivation ». source : CNRS.

[4] Sous-marins Nucl�aires d’Attaque � propulsion nucl�aire : un r�acteur chacun.

[5] Deux grosses h�lices, deux r�acteurs nucl�aires.

[6] Pour toutes les villes inscrites dans le DDRM (Dossier D�partemental sur les Risques Majeurs), et soumises � un PPI (Plan Particulier d’Intervention). C’est bien s�r le cas de Toulon.

Répondre à cet article



Copyright | 2020 | cuverville.org
La m�diocrit� au service des Varois"/>
Retour vers la rubrique
Toulon Var agglom�ration"/>
Dans le m�me dossier
La m�diocrit� au service des Varois
(18/03/2010) (2 messages)
Le technop�le de la Mer sera construit en plein champ
(13/03/2010) (1 message)
Un SCOT pour rien
(07/03/2010) (1 message)
SCOT Toulonnais : le diagnostic officiel
(04/03/2010) (1 message)
Comprendre mon SCOT
(28/02/2010) (3 messages)
La nouvelle loi sur les parcs nationaux � l’�preuve : l’exemple de Port-Cros
(21/10/2009) (4 messages)
Pour Falco, la France, c’est tradition et fausses excuses
(26/09/2009)
Hubert Falco, le sp�cialiste
(03/04/2008) (6 messages)
La Crau : les fleurs n’ont pas d’odeur
(04/03/2008) (2 messages)
Mort du tramway, retour du trolleybus, merci TPM !
(24/11/2006) (27 messages)
Les br�ves
R�gionales : l’UMP perd, Falco fanfaronne
(14/03/2010) (2 messages)
Vivement le travail dominical pour sauver les Mcdo de Toulon
(10/02/2010) (1 message)
C’est la saison des amours : Mariani, Falco et Couderc l�vent le Pied-noir
(08/02/2010)