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LETTRE D'INFORMATION |

Falco et la num�rologie

jeudi 26 octobre 2006
par Saint-Just
Notre bel Hubert a le sang chaud. Mais son coeur ? Il semble vouloir se le r�chauffer de temps � autre, histoire de trouver un sommeil que la m�galomanie aurait tendance � perturber. Il a donc en juin dernier command� un sondage pour mesurer tout l’amour que ses administr�s lui portent. Toulon Magazine nous en fait le compte-rendu dans son num�ro d’octobre-novembre.

PREMI�RE satisfaction : Hubert c’est comme Marius, Falco c’est comme Escartefigue, les bonnes opinions � son encontre sont partag�es droite/gauche. Notre Tartarin de Pignans r�ussit � cultiver l’authentique � Toulon malgr� ses divagations parisiennes et ses acoquinements avec un coup Chirac, un coup Sarko... Les Toulonnais socialisants ne tiendraient pas rigueur des complicit�s d’Hubert avec l’ex�cutif national... A ce propos, c’est qui la t�te de file de la gauche � Toulon ?... La quoi ? La gauche, ah oui. A droite en tout cas on n’attend pas l’ouverture de la campagne officielle pour pousser plus avant le Comit� d’action pour la majorit�.

Les mauvais comptes font les bons amis

L’Institut Arsh-Opinion a interrog� 500 Toulonnais "�g�s de 18 ans et plus" inscrits sur les listes �lectorales et repr�sentatifs de la population de la ville de Toulon en termes de sexe, d’�ge et de cat�gories socioprofessionnelles. Les r�sultats sont tout de m�me donn�s avec la mention : « les Toulonnais estiment... ». Or « la pr�cision du sondage d�pend du nombre de personnes interrog�es et pratiquement pas du taux de sondage (pourcentage de personnes interrog�es) [...] en g�n�ral, en dessous de 1000 personnes, un �chantillon ne garantit pas des r�sultats fiables » [1]. De m�me, les questions ne doivent pas induire la r�ponse par une formulation trop orient�e. « Une bonne question doit �tre simple, ais�ment compr�hensible, univoque ; elle doit �tre neutre, ne pas induire une r�ponse n�gative ou positive » [1]. Enfin, « un sondage fournit non une certitude, mais une probabilit� » [1].

Bref, pour reprendre feu Bourdieu, l’opinion publique des sondages est « un artefact pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l’�tat de l’opinion � un moment donn� du temps est un syst�me de forces, de tensions et qu’il n’est rien de plus inad�quat pour repr�senter l’�tat de l’opinion qu’un pourcentage ». On en conclut que l’institut de sondage Arsh-opinion est plut�t sp�cialis� dans la coloscopie.

Mais bon, comme le r�p�tent les slogans publicitaires municipaux, « Toulon bouge, Toulon avance », et on commence � entendre dans les �coles primaires r�nov�es monter un chant : « ï¿½ Falco, nous voil�, nous tes gars... ».
En 2004, 77% des 500 personnes interrog�es estimaient que Toulon �tait en progression. En 2006 ils sont 82%. Ce qui nous fait, selon Toulon Magazine, une progression de 5%. A�e !
En 2004, 56% des Toulonnais estimaient que la ville �tait bien g�r�e. Deux ans plus tard, ils sont 76%. Toulon Magazine annonce une augmentation de 20%. A�e a�e !
Petite le�on de statistique dispens�e en lyc�e aux classes de seconde g�n�rale option SES mais apparemment pas aux experts de l’Institut de sondage mandat� par la municipalit� : une �volution entre deux pourcentages se d�crit en points d’indice avec pour indice de d�part le pourcentage de 2004. Le vrai taux de variation est donc obtenu par le calcul suivant : (valeur d’arriv�e - valeur de d�part) / valeur de d�part x 100. Et toc.

Sachant que la ville commande chaque ann�e le m�me sondage � l’Institut Arsh-Opinion et que les comptes-rendus sont erron�s, quel est l’�ge du capitaine ?

Se poser la question c’est d�j� y r�pondre

Nos pauvres sond�s ont d� se farcir des questions fort difficiles, des questions pour lesquelles les oppositions ne pouvaient �tre que frontales. 95% des Toulonnais (sic) sont plut�t favorables � la r�habilitation des rues et places de Toulon, 93% � la r�habilitation du coeur de ville et la zone franche, 91% � la construction du nouvel h�pital de Sainte-Musse, 90% au second tube de la travers�e souterraine. Le plus mauvais chiffre concerne la cr�ation d’un nouveau th��tre municipal place de la Libert� puisque 62% des Toulonnais seulement se prononcent comme "plut�t favorables".

Pour l’an prochain, imaginons une autre batterie de tests � plus de 80% d’opinions favorables. « Pourriez-vous dire si vous �tes vous-m�me plut�t favorable ou plut�t oppos� � l’entretien des espaces verts ? Au nettoyage des rues ? Au ramassage des ordures ? � la propret� des plages ? � la remont�e en Top14 du RCT ? � la baisse du ch�mage ? � la baisse des imp�ts ? � la paix dans le monde » ?

Bulletin de foot et loto vote

2008 sera, qu’Hubert se rassure et nous avec lui, l’ann�e de sa cons�cration. Si la combativit� de l’opposition se mesure � l’occupation de la tribune libre dans le bulletin municipal, autant dire que monsieur le maire navigue en p�re peinard.

Mais les ann�es pr��lectorales sont ce qu’elles sont, il faut caresser les �lecteurs dans le sens du poil. Et justement, puisqu’on parle de poilus, int�ressons-nous aux tribunes de Bon Rencontre et de Mayol.

Le premier magistrat s’est transform� depuis son �lection en shampouineuse des aficionados de ballon ronds, ni carr�s, ni pointus, et ovales. « Le fonctionnement patriarcal de l’institution sportive contribue, � son �chelle, � la p�trification de l’ordre social. Et il n’est nullement besoin d’�tre un pratiquant assidu, ni m�me un joueur occasionnel pour subir l’influence de la culture sportive » [2].

Alors qu’aux derni�res nouvelles le Sporting joue dans le ventre mou du National, Toulon se pr�pare � mettre aux normes le stade de Bon Rencontre. Co�t de l’op�ration : 1,2 million d’euros. La mairie avait d�j� refait une tribune l’an dernier, allez savoir. Le but est peut-�tre de mieux recevoir les supporters ni�ois et marseillais puisque l’intelligence veut que le spectacle se d�roule en tribunes.

C’est marrant de voir que l’argent investi dans le cirque moderne sert un dessein plus brutal que le simple d�lassement des foules. Les supporters subliment leur condition par des beuglements. Ils voient dans l’�quipe perdante leur propre d�faite, leur mise au ch�mage. Ils se prennent pour des patrons, ils insultent comme ils sont insult�s, ils calculent leurs annuit�s pour la retraite avec le temps de jeu de l’avant-centre ou du d�fenseur. D’autant que « le temps de vie utile des joueurs professionnels a diminu� de moiti� au cours des vingt derni�res ann�es. La dur�e, qui �tait de douze ans, a �t� r�duite � six. Les ouvriers du football sont de plus en plus comp�titifs, mais durent de moins en moins » [3].

Rassurons-nous, ces supporters ne sont pas dupes. Voil� ce qu’on dit en Argentine : « nous, on aime le foot, [...] on aime parfois la violence, on aime que la passion nous submerge quelles qu’en soient les cons�quences : la vie est si absurde qu’il faut bien s’inventer des voyages. Tout cela est une sorte de prostitution o� on veut nous vendre Maradona pour nous faire oublier que ceux qui ont gagn� ont d�j� gagn� et que nous, nous qui avons perdu, avons perdu pour toujours ». Cette adh�sion ambigu� des supporters a fait r�fl�chir quelques maires, et il semblerait que l’ami Falco estime qu’une d�bauche de deniers publics vaille la peine. Le cas toulonnais met � terre les th�ories selon lesquelles « une ville moyenne n’a pas les moyens d’offrir une diversit� sportive et d’attirer des investisseurs nationaux. Aussi, quand le maire d’une telle cit� d�cide de subventionner une �quipe, il doit avoir une approche �conomique et g�ographique » [4].

2008 : des chiffres, une date

Au regard du concept d�velopp� par deux chercheurs du CNRS qui ont travaill� sur la position des villes moyennes � l’�gard du sport professionnel, concept qui pr�tend que la r�ussite d’un club professionnel passe par une approche d�nu�e de toute passion [5], la situation de Mayol et du eRC�T� est encore plus marrante.

2008 marquera le centenaire d’un club qui conna�t les vicissitudes de la ProD2 et les d�chirements des clans. En juin dernier, un "Arabe" prenait possession des casseroles au d�triment du duo de toujours Falco-Ballatore. Les d�penses sonnantes et surtout tr�buchantes de Boudjellal ont pu faire croire aux mordus de ballon ovale que Toulon remonterait facilement en division sup�rieure et pourrait accueillir pour ses cent ans Stades fran�ais et toulousain.

Or, avec ses 13.000 places et son architecture toute toulonnaise, Mayol n’affiche pas le standing du Stadium ou du Parc des Princes. Boudjellal a alors malicieusement gliss� l’id�e de jouer au V�lodrome. 60.000 places chez le fr�re ennemi marseillais, voil� qui en fut trop pour Hubert ! « Non seulement il n’a jamais �t� question de d�placer le stade Mayol, mais nous avons d�cid� de doter notre ville d’un stade Mayol adapt� � une cit� de quelque 170.000 habitants », avec comme objectif de porter � 20.000 places la capacit� de l’antre. « Mais avant de pouvoir �tre accueillis dans un stade tout neuf, les fans de beaux essais [sic] devront encore patienter : pour une r�alisation de ce type, il faut bien �videmment respecter les r�gles et un �ch�ancier incontournable en mati�re publique ». En communication cela signifie : je me suis fait berner par un libraire mais votez pour moi, on verra apr�s. Le chantier d�butera au mieux dans deux ans.

Pendant ce temps, le tram attend toujours en gare. Le grand lifting de Mayol ne serait que la partie visible des d�penses engag�es par la mairie et le d�partement pour bichonner le XV de la rade. L’an dernier, lors la mont�e (�ph�m�re) en Top14, le RCT b�n�ficiait de 6,5 millions (SAOS) et d’un million d’euros (pour l’association). Avec, dit-on, entre trois et cinq millions d’euros de subventions des collectivit�s territoriales, les joueurs deviennent quasiment des employ�s municipaux. Parall�lement, la ville subventionnait 84 autres clubs pour un montant de 1.761.740 euros (source Toulon Magazine). Le Rugby Club Toulonnais est le club le plus aid� de France par les collectivit�s locales : Mairie de Toulon, agglom�ration Toulon Provence M�diterran�e, Conseil G�n�ral du Var et m�me R�gion. Bref, une sorte de protectionnisme �conomique fa�on Reagan pour Chrysler dans les ann�es 1980.

Cette g�n�rosit� �dilitaire comporte un retour facile pour les "institutionnels" : un club qui a des r�sultats, c’est toujours du positif lors des �lections. Et si les r�sultats ne suivent pas, il y a toujours les coups de peinture pour faire croire qu’on s’en occupe. Les investissements en infrastructures ont concern� la r�fection des vestiaires (250.000 euros), la mise aux normes de s�curit� des tribunes (500.000 euros), l’am�nagement du parvis (400.000 euros) et bient�t la r�novation compl�te de la tribune Delangre (rien que le lifting : 370.000 euros). A cela s’ajoutent les frais engag�s pour le stade d’entra�nement : une pelouse � 470.000 euros, des �clairages � 48.000 euros, et divers �quipements pour 27.000 euros. Aux c�t�s des institutionnels se joignent les partenaires.

Le sponsoring local se porte plut�t bien, et cela limite les risques de blanchiment d’argent sale. Au milieu de la m�l�e de chiffres, Hubert glisse qu’il a longtemps ramass� les chasubles aux entra�nements ou qu’il a jou� � la baballe avec Manu Diaz. Il annonce des d�penses somptuaires pour le club de son coeur. Mais il compte surtout les jours qui le s�parent de sa prochaine r��lection.

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« Le sport est porteur de toutes les "valeurs" capitalistes qu’il contribue � pl�bisciter en les pr�sentant comme "naturelles", comme allant de soi et n�cessaires : lutte de tous contre tous (struggle for life), s�lection des "meilleurs" et �viction des "moins bons", transformation du corps en une force essentiellement productive, recherche du rendement maximum, de son exploitation optimale (la performance), etc [...] Le sport, parce qu’il est le plus puissant facteur de massification, un "agr�gateur" et un intercepteur de foule exceptionnel, a toujours rempli des fonctions socio-politiques essentielles pour le maintien de l’ordre, et notamment : [...]
puce l’occultation des conflits politiques et sociaux, la d�politisation et l’adh�sion � un id�al commun [...] Il est un appareil de colonisation de la vie v�cue (J�rgen Habermas) [...]
puce une compensation aux in�galit�s sociales et une justification de ces in�galit�s (avec efforts et sacrifices, il est toujours possible d’acc�der � l’�lite), un contrepoids � la grisaille du quotidien. Le spectacle sportif substitue des "satisfactions fantasmatiques" � des satisfactions r�elles agissant comme un calmant, une arme de dissuasion (Erich Fromm).
puce le sport est "un v�hicule puissant de diffusion de l’id�ologie �tablie" (Jean-Marie Brohm) qui contribue � la reproduction et � la l�gitimation de l’ordre bourgeois. »
Fr�d�ric Baillette, Les arri�re-pens�es r�actionnaires du Sport, Quasimodo - n° 1, Sport et nationalisme, octobre 1996, Montpellier, p. 19-25.

Merci � Reiser et G�b�.

[1] A. Beitone (dir.), Sciences Sociales, Sirey, 1997

[2] Fr�d�ric Baillette et Philippe Liotard, "Construction de la domination sportive", in Sport et virilisme, Montpellier, �ditions Quasimodo & Fils, 1999, p. 155-157.

[3] Eduardo Galeano, Le Monde Diplomatique, ao�t 2003.

[4] Le Monde, le 30-12-2003.

[5] Christophe Durand et Lo�c Ravenel dans Le Monde, le 30-12-2003.

R�pondre � ce message

  • Le ROI est mort. Vive le ROI ! 15 novembre 2006, par (1 r�ponse)
  • super ! 11 novembre 2006, par (1 r�ponse)
  • Stade Fran�ais 30 octobre 2006, par (2 r�ponses)
  • Falco, bis... 27 octobre 2006, par (6 r�ponses)


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