IL �tait une fois une oliveraie communale � l’entr�e des Mayons, charmante bourgade sise sur les contreforts des Maures dans le Var. Sur cette oliveraie de plus d’un demi-si�cle vieillissait une demeure que les gens du coin appelaient le ch�teau parce qu’y a pas de raison. La mairie, faute de moyens ou faute d’envie, n’avait pas pu r�habiliter le ch�teau qui accueillait jusque-l�, de fa�on traditionnelle, des colonies de vacances. Le b�timent, pas franchement insalubre, n’�tait toutefois plus adapt� aux collectivit�s.
En 2003, le maire des Mayons signa une convention avec la pr�sidente de l’ODEL Josette Pons. L’Office D�partemental d’Education et de Loisirs du Var « est le partenaire principal du Conseil g�n�ral pour l’ensemble des actions organis�es en faveur de la jeunesse varoise » [1].
Cette convention devait satisfaire tout le monde : l’ODEL d’abord, car l’organisme d�partemental se voyait attribuer pour au moins 15 ans deux des cinq hectares de l’oliveraie ; les petits nenfants du Var ensuite, qui pourraient ainsi profiter du site � l’occasion des s�jours organis�s par l’ODEL ; mais aussi le maire des Mayons, � qui le D�partement enlevait une �pine immobili�re du pied en lui promettant de r�nover le ch�teau ; sans oublier les Mayonnais eux-m�mes, car l’ODEL s’engageait « � accorder une priorit� d’embauche », dans le cas o� son activit� g�n�rerait de l’emploi, « � qualification �quivalente, aux candidatures qui lui seront pr�sent�es par le Maire au b�n�fice des habitants de la commune » [2]. Une esp�ce de discrimination positive, en somme. Surtout, le maire des Mayons avait pr�serv� l’essentiel : « les cl�tures qui seront �difi�es par le preneur ne devront en aucune mani�re constituer une g�ne pour l’organisation annuelle du concours d�partemental de la taille de l’olivier » [2].
Pourquoi, alors, la cr�ation d’une association en opposition au projet ? Le 6 juillet dernier, l’avocat de cette association contestait le permis de construire d�pos� le 7 mai pr�c�dent pour l’am�nagement des lieux conform�ment aux objectifs de l’ODEL. En 2003 d�j�, une p�tition avait para�t-il recueilli pr�s de 340 signatures de Mayonnais hostiles (sur 550 habitants).
C’est � cause des chevaux. Car l’id�e de l’ODEL, en tant qu’antenne du centre de formation par apprentissage FUTUROSUD, serait d’installer sur le site une �cole de monitorat d’�quitation [3]. 20 chevaux � l’ann�e en zone village. Du coup, 570 habitants aux Mayons.
La convention se voulait pourtant rassurante : « le preneur s’engage � respecter l’environnement et � ne provoquer du fait de son activit� aucune nuisance, notamment olfactive, visuelle ou de nature � polluer le sol ». « Le preneur est autoris� � r�aliser sur ces terrains des structures l�g�res, d�montables et � dominante bois ». Sur le site de l’ODEL, on d�couvre la nature de ces installations l�g�res. Qu’on en juge, c’est presque du camping : un man�ge de 40 m�tres sur 20 avec une �curie attenante comprenant 12 boxes, un bureau plus une infirmerie, deux selleries, une douche pour les chevaux et une pour les cavaliers, une zone r�serv�e au pansage, un bloc sanitaire, des WC, une salle de cours de 100m� avec une partie am�nag�e pour la prise de repas, une carri�re en sable de 60 m�tres sur 25, 2 grands paddocks avec abris et plusieurs paddocks ind�pendants.
Le man�ge et la carri�re repr�sentent d�j� pr�s d’un demi-hectare. On comprend alors que les r�dacteurs de la convention aient jug� utile d’autoriser l’ODEL « � effectuer la transplantation d’oliviers qui constitueraient une g�ne pour son activit� ».
Certains habitants des Mayons sentent donc d’une tr�s mauvaise narine ce projet, d’autant que le b�timent le plus proche du futur centre �questre est l’�cole communale. Il existe une r�glementation tr�s stricte en mati�re d’ouverture d’�tablissements de ce type. O� il est question de distances � respecter vis-�-vis des premi�res habitations. O� il est aussi question d’�vacuation des eaux r�siduaires et des liquides de d�jection. La douche et l’urine du cheval c’est pas du pipi de chat. Or la station d’�puration du village est v�tuste et pose d�j�, s’il faut en croire l’avis officiel, « des probl�mes pour l’attribution de permis de construire » [4]. Ah bon ?
Les Mayonnais auraient depuis le d�but �t� abus�s sur la v�ritable nature du projet de l’ODEL. Par exemple : la convention indique que « le preneur s’engage � limiter son activit� � l’initiation de l’�quitation et � l’organisation de stages de connaissance de la nature et de l’environnement ». Mais initiation n’est pas apprentissage. De plus, « il est pr�cis� que l’initiation � l’�quitation se d�roulera principalement dans l’enceinte du domaine du ch�teau » [2]. Mais l’ODEL se vante par ailleurs de disposer d’un terrain de 15 hectares hors site, « am�nag� pour les besoins de la formation, parcours de maniabilit�, etc ». Le seul chemin pour s’y rendre passe devant l’�cole.
Enfin, signalons que la convention pr�voit aussi la mise � disposition de deux appartements, dont un � titre gracieux. La correspondante de FUTUROSUD, vraisemblablement future directrice du centre logerait d�j� l�. Avec une piscine toute neuve � c�t�.
On peut s’interroger quant � la motivation du maire � attirer les mouches sur ses administr�s, et celle du Conseil g�n�ral � jouer les Bartabas dans les olives.
En fait, le Conseil g�n�ral adore les chevaux. Former des moniteurs d’�quitation est d�j� sympa, disposer d’un site adapt� � l’accueil des b�tes l’est peut-�tre encore plus, en attendant d’�largir des pistes cavali�res dans les massifs. Car l’estivant en tong a v�cu, place � l’estivant bott� ! Le D�partement a ainsi install� un r�seau de tourisme �questre. « La cr�ation de cette offre th�matique sur le Var s’articule autour : - d’itin�raires s�curis�s, adapt�s � la pratique �questre ; - d’un r�seau de professionnels du tourisme �questre regroup�s dans une d�marche qualit� (mise en place de chartes de qualit�) ; - d’un maillage de sites patrimoniaux � d�couvrir. 2005 verra le lancement du r�seau �questre d�partemental sur le secteur des Maures » [1]. Nous y voil�.
Il ne faut sans doute pas chercher plus loin pour trouver les motivations du maire des Mayons. Car si tu es bon avec le CG, le CG sera bon avec tes finances. « Gr�ce � l’aide financi�re du Conseil g�n�ral, la municipalit� a rachet� le terrain qui jouxte l’ancienne fabrique de bouchons
et l’a transform� en un parking de 50 places. Les trois salles de la bouchonnerie seront prochainement am�nag�es en salles de gym, en garage (pour stocker le mat�riel d’animation), et en salle permanente d’exposition. Le co�t des travaux est estim� � 450.000 euros. En bas du village, pr�s du ch�teau, le D�partement va mettre en oeuvre des
classes d’initiation � l’�quitation sur le site de l’ODEL Var, qui organise d�j� des classes vertes toute l’ann�e.
Et puis, bien s�r, il y a le terrain de foot, r�nov� � hauteur de 150.000 euros, et dont les vestiaires sont en
cours de finition » [4]. Sans compter la remise en �tat de la station d’�puration dont on parlait plus haut, qui pompe tant d’argent � la commune.
Ah, qu’il est doux le hennissement, le soir au coin de la rue ! Souvenons-nous du temps jadis o� nous nous tenions chaud entre esp�ces animales de types vari�s, dans les �tables, couch�s sur le foin ! Remarquez, moi je m’en fous, je roule en mobylette.
[1] Sur le site du CG83.
[2] Termes de la convention sign�e le 17 juin 2003 par Guy Vergari, maire des Mayons, et Josette Pons.
[3] Nom exact du dipl�me : Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l’Education Populaire et des Sports - Activit�s Equestres Mention Tourisme Equestre.
[4] In La lettre des maires n°47, janvier-f�vrier 2005, "magazine bimestriel d’informations de l’association des maires du Var".