Toulon  Var agglomération Qualité France Média Economie 5. Culture Justice et injustices Cuverville sans frontière Cuverweb pratique
Maison fondée à Toulon en 1995

LETTRE D'INFORMATION |

Yvan Meschi : le Moccot qu’a dit

vendredi 2 mai 2003
par Saint-Just
Seul en sc�ne, se dresse Yvan Meschi. La Salle Mozart est pleine � craquer d’une petite vingtaine de personnes �g�es. Les yeux fix�s sur le ma�tre, elles attendent impatiemment de conna�tre les secrets de la R�volution � Toulon. Le cours promettait d’�tre int�ressant ; le r�sultat d�passera l’esp�rance [1].

Y. Meschi d�bute son expos� par quelques anecdotes sur Toulon, histoire de chauffer une salle qui pourrait bien contenir un ou deux non convertis. Accent propret, petit rire pour signaler � l’assistance la ponctuation de fin de phrase, on sent de suite que l’homme sait manier le verbe et jouer la corde sensible d’un auditoire ratatin�. De la nostalgie, m�ssieur, du pass�, o�i, du « c’�tait mieux avant ».

En ce temps-l� fourmillaient des « railles » dans les quartiers de Toulon. Elles s’affrontaient de correcte fa�on sur le haut des remparts. « On n’allait pas voler les sacs de vieille ! », fait remarquer l’orateur. Et les auditeurs acquiescent d’un hochement de t�te et du murmure sourd de confirmation de ce qu’on pensait d�j�. « On n’avait pas le temps parce qu’il n’y avait pas la scolarit� obligatoire et on travaillait », poursuit Yvan. Une bonne journ�e � suer � l’arsenal, presque la mine quoi, c’�tait le bon vieux temps. « La scolarit� obligatoire, c’est une erreur fondamentale parce qu’� 12-13 ans, �a cale ! Y en a � qui �a pla�t et d’autres non. Quoiqu’on recevait des coups de pieds au cul et des gifles... » alors, effectivement, tu calais pas. Ah ! ces coups de pied au cul de notre enfance ; on les pr�f�rait presque aux bonbecs acidul�s.

L�, chers lecteurs ind�pendantistes de Toulon, vous vous dites avoir trouv� le ministre de l’�ducation Nationale qui manquait � la ville pour obtenir haut la main son autonomie et faire de l’ombre � Luc Ferry. D�trompez-vous, malheureux ! Yvan Meschi respecte trop le c�l�bre a�eul : Jules, « le barbu » comme il dit. C’est pas comme ces tchadors, n’est-ce pas ?

�a y est : la salle est chauff�e � blanc, le cours d’histoire peut commencer.

« Il est frais mon bouquin ! »

Le pr�cheur sur son estrade conte alors les d�buts de la R�volution. Comme sur TF1, mais en onde locale pour l’occasion, il �num�re les meurtres commis par la foule des r�volutionnaires sanguinaires, en faisant fi des causes et des cons�quences pour ne pas endormir la salle qui, par son �ge certain, est � tout moment susceptible de piquer du nez. Les dates varient au gr� des mots : « un gros commer�ant tu� » par-ci, « un bourgeois la t�te coup�e mais pendu � la lanterne » par-l� ; 89, 92, 93, 94 peu importe. Des meurtres atroces et des autorit�s implacables, voil� ce qu’�tait la R�volution de notre bonne cit�.

Le clou du spectacle, c’est le docteur Guillotin et sa Louison (la veuve). � Toulon, la guillotine arriva fin 92, et un certain Figon (« un rigolo qui a command� des moutons pour faire des d�monstrations aux Toulonnais » [2]) s’empressa... de finir sur l’�chafaud (effectivement, le premier guillotin� de la ville). D�s lors, ce furent « huit t�tes � l’heure » qui tomb�rent sous le couperet � Toulon. Huit t�tes � l’heure ! Ca vous en bouche un coin [3]. Comble de l’horreur, une femme enceinte emprisonn�e dut assister � la mise � mort de ses co-d�tenues pour �tre amnisti�e, ce qui eut pour effet de la faire accoucher d’un bossu. La R�volution a donc eu ses martyrs et ses fils de martyrs.

La salle ne tient plus, la voil� au fa�te de son attention. Yvan en profite alors pour marquer une page de pub (comme sur TF1 toujours) pour son dernier bouquin, paru � compte d’auteur, et qui est en vente dans toutes les bonnes librairies. Yvan, il est terrible.

Reprise et diversion

L’entracte permet au tribun de divaguer un peu, se d�tendre la langue, d’�voquer le lazaret [4] de Saint-Mandrier qu’on ferait bien de r�tablir avec cette « chose de Chine », et de proclamer que « le trou de l’ozone, c’est n’importe quoi », un simple changement de climat qui se produit tous les sept ans.

Il s’agit maintenant de reprendre en main la foule. Lecture de son ouvrage en avant-premi�re et p�rip�ties de l’histoire r�volutionnaire. On en redemande. Quoi de plus normal, d’ailleurs. Yvan le conc�de lui-m�me : « Je parle comme Victor Hugo », rien que �a. Un tel personnage ne peut se cantonner � la seule R�volution fran�aise, et puis il n’a vraiment lu qu’un livre dessus, celui de Z�non Pons, M�moire pour servir � l’histoire de Toulon [5], alors...

Notre pr�dicateur pr�f�r� jongle de Dumont d’Urville (qui donna le nom de sa femme, une Toulonnaise, � un bout d’Antarctique), � la V�nus de Milo (qui passa d’abord � Toulon avant de monter � Paris). Il raconte les bombardements de la guerre de 40 � Toulon, � c�t� de quoi « le Kosovo, c’est rien », qu’il a boss� sur Europe2, RTL pour finir � Radio Vatican. Bref, pas grand-chose � voir avec le sujet de d�part, mais rien n’est trop beau lorsqu’il s’agit de d�fendre notre patrimoine. M. Meschi ne s’embarrasse pas non plus de politique : la pr�servation du patrimoine passe avant toute consid�ration. « Trucy, Le Chevallier, oh vous savez, je fais pas de diff�rence, le tout, c’est qu’on s’int�resse aux choses de chez nous ». C’est s�r. On le voit bien lorsque dans la derni�re demi-heure notre homme s’appesantit sur la tradition de la Belle de mai, une tradition celto-ligure tr�s pris�e par une certaine madame Leuch, qui appara�t sur une diapo, ses belles gambettes �blouissant les premiers rangs, aux c�t�s des laur�ates d’un concours que M. Meschi avoue truqu�.

Histoire d’en rire

Il indique � l’auditoire, d�cid�ment ravi de voir qu’un homme si savant d�fende avec une telle ferveur une culture attaqu�e de toutes parts, que la mairie de Toulon actuelle ne souhaite pas s’enticher de ses talents. Consternation. « Vous comprenez : l’adjoint veut des universitaires ».

Pourtant, lorsqu’on se penche sur le cas Meschi, on se rend tout de suite compte qu’il pourrait �tre d’une utilit� certaine. Fataliste (« on a chacun sa destin�e ») mais quand m�me opportuniste au cas o�, il saurait parfaitement accommoder son a�oli pour quelques lignes dans le journal municipal [6], refaire l’histoire fa�on folklore surann� et un peu con. « Nos traditions, c’est pas le patin � glace sur la place de la Libert� », c’est la Belle de mai, la bataille de fleurs sur l’Avenue de la R�publique, la targo (les combats de joute), la course aux canards dans le port. � ce propos, il fait judicieusement remarquer qu’aujourd’hui cette course entra�nerait les protestations des protecteurs des animaux, alors que l’a�d-el-k�bir, �a, « ï¿½a se fait tranquillement ». C’est comme cette superbe statue de Raimu que la mairie a enlev� de la place de l’op�ra, il manquerait plus qu’on la remplace par celle d’Abd El-Kader [7] ! Ah, o� va Toulon ?

Sans se pencher plus, force est de constater que l’histoire de M. Meschi est on ne peut plus universitaire : « Bonaparte a combattu les Musulmans en �gypte », « on a r�tabli la royaut� � la mort de Napol�on en 1821 », « 1833, R�publique oblige » (� propos du c�notaphe d’Armand Vall�). Non, vraiment, on ne comprend pas pourquoi Yvan Meschi est tant boud� par les membres du Coll�ge de France. La ville pourrait faire le forcing pour lui ouvrir une chaire d’histoire � l’universit� de Toulon et du Var.

Pour le soutenir dans son action, chers lecteurs, n’oubliez pas que M. Yvan Meschi passe sur France 3 le 3 mai vers 16-17 heures.

Imprimer Imprimer

[1] « Histoires r�volutionnaires, Armand Vall�, la guillotine � Toulon. » Conf�rence du vendredi 25 avril 2003 (entr�e payante : 3 euros ; 1,5 euros pour les �tudiants).

[2] Figon �tait en fait un ouvrier de l’arsenal. Pour une documentation p�dagogique, concise et juste sur la R�volution � Toulon, se reporter � l’ouvrage d’Antoine Tramoni : Toulon, 1789-1799, consultable aux archives et � la biblioth�que municipale.

[3] L’assembl�e n’a pas relev� : 8 t�tes � l’heure, �a fait tout de m�me 192 morts par jour. Dans une ville qui comptait environ 30 000 habitants durant l’ann�e 1793 et qui en perdit la moiti� lors du d�part des Anglais en d�cembre, il est difficile d’imaginer par quels moyens miraculeux Toulon r�ussit, malgr� la guillotine, � conserver son niveau de population.

[4] B�tisse o� l’on isolait et contr�lait les arrivants d’un pays infect� par une maladie contagieuse.

[5] L’ouvrage de Z. Pons date de la Restauration, c’est-�-dire du retour de la monarchie apr�s l’Empire de Christian Clavier. C’est un ouvrage de commande dont l’objectivit� est �gale � celle d’un joueur de boules qui revendique �tre le plus pr�s du bouchon. Dans Toulon et ses rues de L. Mongin (archiviste de la ville de Toulon vers 1900), il est indiqu� que 3 personnes (dont Figon) ont �t� condamn�es � mort (dont un fusill�) au cours des six premiers mois de 1793 (municipalit� jacobine) et que les six derniers mois (p�riode f�d�raliste puis royaliste), 26 personnes ont �t� ex�cut�es (dont l’ancien maire jacobin par pendaison).

[6] Il tenait d’ailleurs une chronique dans la version FN dudit journal, intitul�e le Toulonnais (1995-2001).

[7] Emir, symbole de la r�sistance � la conqu�te de l’Alg�rie par la France. Nous laisserons de c�t� les propos tenus sur la guerre d’Alg�rie, caract�ristiques du ressentiment d’une grande partie de la population toulonnaise vis-�-vis de la « trahison » de de Gaulle.

R�pondre � ce message

  • > Yvan Meschi : le Moccot qu’a dit 22 janvier 2004, par (1 r�ponse)


Copyright | 2020 | cuverville.org
<span style='text-transform: uppercase;'>Culture</span>
Dans la m�me rubrique
Un certain Lieutenant Vallier
(23/08/2007) (1 message)
Ouvrir une librairie en 2006
(02/07/2006) (7 messages)
Luz / Lefred-Thouron : bande dessin�e et dessin de presse
(21/05/2006)
Jean-Christophe Menu, entretien
(10/05/2006)
P�tillon, entretien
(29/04/2006)
Fr�d�rik Peeters, entretien
(28/04/2006)
Lefred-Thouron, entretien
(07/04/2006)
Marjane Satrapi, entretien
(12/07/2005)
Igort, entretien
(10/07/2005)
Les Requins marteaux en t�te de gondole du supermarch� Ferraille
(05/07/2005)
Les br�ves
De l’int�r�t ou du danger d’une candidature
(13/04/2007)
Copinage : Alice l’Italienne
(16/06/2006)
Jean Sprecher nous a quitt�s
(29/04/2006) (2 messages)
Camille, ta plus mauvaise chanson
(16/03/2006) (26 messages)
Copinage : Baboite TV, la web TV d’informations culturelles varoises
(23/01/2005)
Jean-Pierre Raffarin rend hommage � Etienne Roda-Gil
(02/06/2004) (1 message)
Rad.Art : r�appropriation de l’espace public, mode d’emploi
(29/05/2003)
Un triste anniversaire
(19/12/2002) (3 messages)