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LETTRE D'INFORMATION |

Un certain Lieutenant Vallier

jeudi 23 août 2007
par Saint-Just

La fin du mois est marqu�e par la comm�moration de la lib�ration des villes et villages de Provence � la suite du d�barquement alli� du 15 ao�t 1944. Un certain Lieutenant Vallier participait � ces op�rations.

LES �ditions Parole ont publi� en avril 2007 Le Cahier rouge du maquis - Journal de r�sistance par Vallier/ Gleb Sivirine. Titre �trange, titre intrigant : si l’on retourne l’ouvrage apparaissent d’autres r�f�rences : "L’homme boussole, par Claude et Jean-Michel Sivirine".
Quel est donc ce livre sur lequel une photo pr�sente un jeune homme au regard d�termin�, et r�pond � celle de deux enfants souriant sous la douce chaleur du soleil ?
C’est un livre d’histoires. L’histoire aurait pu �tre unique. En un sens, elle l’est. Mais elle est aussi, et avant tout, plurielle. Parce qu’elle a cette singularit� de se prolonger dans le temps et de soulever une �me.

Prises de notes sur la R�sistance

Le Cahier rouge du maquis n’�tait au d�part pas « un livre destin� � para�tre en librairie ». Il s’agissait simplement d’ « impressions quotidiennes » sur six mois de maquis dans le Var. Mais cette trace, retranscrite d�s la fin de la guerre, devait tout de m�me perp�tuer au sein de la famille et parmi les amis proches, le plus humblement du monde, « l’atmosph�re » qu’avait partag�e un homme, Gleb Sivirine alias Vallier, avec ses compagnons maquisards.

Au fil des pages, le lecteur s’immisce dans la vie de r�sistants retir�s du monde, dans l’attente d’une op�ration militaire d’envergure pour repousser et vaincre l’ennemi nazi. Les jours se suivent et ne se ressemblent pas toujours. Le lecteur qui ouvrirait n�gligemment le cahier pourrait tomber sur un jour o� la vie du groupe se laisse aller � une apparente banalit�. Pourquoi pas ? Mais quelques �l�ments le mettraient sur la piste : les longues marches, les tours de garde, les descentes calcul�es au village, l’attente d’un ordre du patron... Bref, des indices toujours plus flagrants d’une vie de fugitifs. Car les troupes d’occupation et les agents de la collaboration traquent les maquisards.

« Interrompu hier, je comptais [...] �crire longuement cet apr�s-midi. Et ce matin, apr�s un lavage s�rieux et r�confortant dans l’eau froide de la rivi�re, je suis mont� faire un tour autour de mon poste de garde. Deux moments d’�motion en arrivant, o� le guetteur Jeannot [...] m’a dit que son co�quipier Ernest �tait parti � la rencontre d’un homme visible sur une cr�te en face et qui avait l’air d’observer le maquis. Heureusement, au bout d’un moment, j’ai reconnu Pierrot, chef de la sizaine et le spectre d’un agent guestapotiste ou vichyste s’est volatilis� » (Dimanche 27 f�vrier, 4e jour de maquis).

Le silence complice et les aides volontaires des villageois du Haut-Var r�duisent consid�rablement les accrochages mais cela ne fait pas tout. Il faut encadrer des personnes venues de tout horizon : ouvriers de l’arsenal de Toulon ou des Forges et Chantiers de La Seyne, jeunes gens de Draguignan ou de Paris, chasseurs, travailleurs agricoles, gendarme � forte t�te, ou encore petits ca�ds fiers � bras.
On se rend compte aussi � quel point le r�le d’un individu tel que le lieutenant Vallier est primordial. L� encore, cette importance n’est pas plastronn�e � chaque ligne. Nous apprenons juste que ce maquis, de moins de trente hommes � la fin de l’hiver 44, bien entra�n�, ne serait pas « assez fou pour attaquer 200 adversaires, mais jusqu’� 50 » ne se d�gonflerait pas (Lundi 13 mars, 19e jour de maquis).

Perspectives d’avenir

Ce Cahier rouge du maquis est un livre pour l’histoire : il accumule les preuves, des preuves qui doivent �tre relev�es, crois�es, mises en perspective. C’est le travail que fournit M. Jean-Marie Guillon, professeur � l’Universit� d’Aix-Marseille I. Comme � son habitude, M. Guillon d�cortique, guide le lecteur comme il guide ses �l�ves, par des notes lui permettant d’�clairer suffisamment pour donner envie d’aller plus loin. Car le d�calage �tait d�j� grand � l’�poque entre le front et l’arri�re ; il l’est encore davantage entre hier et aujourd’hui. Pensez : « Depuis 4 mois qu’on vit dans l’ill�galit� [...] nous avons fait tant de choses plus ou moins baroques [...] qu’on est devenu tout blas� et ce n’est qu’aux r�actions des �trangers qu’on se rend compte de ce que notre attitude ou nos actes peuvent avoir de pas normal par rapport � la conception de vie habituelle des gens » (Dimanche 25 juin, 126e jour de maquis).
De la trace, retourn�, le livre devient trac�. Une ligne de recul et une projection vers l’avenir. Gleb Sivirine n’est pas devenu le lieutenant Vallier du jour au lendemain et n’a pas perdu son statut une fois l’Allemagne vaincue. Plus qu’un rep�re, Vallier est devenu une boussole, travers�e par ses origines, prolong�e par ses enfants, pos�e sur la carte du temps.
Claude et Jean-Michel Sivirine rappellent que leur p�re, enfant, avait fui la r�volution russe et que sa m�re lui avait forg� une �ducation dans le but de le rendre le plus ind�pendant possible. Encore et toujours r�fl�chir par lui-m�me et �couter les autres. Mais l� encore, la famille Sivirine a ce d�licieux go�t de l’entrem�lement. Mari� � Mireille, Gleb devient l’h�ritier des insurg�s de 1851 et le lecteur privil�gi� de Norton Cru sur l’exp�rience de la guerre de 14 et ses r�cits.

« Exemple de l’esprit civique, r�publicain et d�mocratique de Vallier, lorsque peu avant la Lib�ration, un commandant, d�sign� par la hi�rarchie pour l’aider, manoeuvre pour l’�vincer de la direction du camp, il fait voter les maquisards qui le soutiennent � la quasi unanimit� (il faut remonter � la 1�re R�publique pour trouver un tel proc�d� dans une arm�e) » (Docteur Paul Raybaud, p.50).

Gleb Sivirine n’a pas h�sit� une seconde, encourag� m�me par son �pouse, � s’engager dans la R�sistance quand Louis Picoche est venu le lui demander. Pourtant il devait quitter femme et enfants. Son journal de bord mentionne � de nombreuses reprises combien l’absence des �tres aim�s lui p�se. Six mois pass�s dans le maquis avec de moins en moins de nouvelles de leur part, puis l’engagement dans les Forces Fran�aises Libres jusqu’� la capitulation de l’Allemagne. Le retour � Hy�res, chez lui, ne se fit qu’en octobre 1945. Cela fait long. Mais tous les t�moins qui l’ont c�toy�, de pr�s ou de loin, en conviennent : Vallier « a pleinement rempli sa difficile mission [...] Tous ses hommes �taient fiers de lui et lui portaient un respect affectueux » (Docteur P. Raybaud, p.51).

Aujourd’hui, ce pan de la m�moire varoise ressurgit au grand jour. Gleb Sivirine, par son action et par ses enfants, montre combien la lutte — m�me lorsqu’elle rev�t les apparences de l’ordinaire — rend la vie plus belle ou, au moins, plus supportable.

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Le Cahier rouge du maquis - Journal de r�sistance, Gleb Sivirine, coll. Biface, Parole Editions, avril 2007, 20 euros.

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  • Un certain Lieutenant Vallier 14 janvier 2012, par


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