Certaines commémorations nous rappellent que la région PACA, c’est un peu le Texas français, et que Toulon n’a rien à envier à une vraie ville de bons vieux rednecks.
LES journées du patrimoine sont toujours une bonne occasion pour inaugurer une multitude d’expositions et de lieux rénovés. À La Seyne, samedi 15 au matin, on coupait le ruban et découvrait des camions poubelles tout bien astiqués.
Pendant ce temps-là, à la chapelle du cap Falcon, Sieur Falco astiquait son électorat nostalgique de l’Algérie française. Le soleil brillait (aussi) sur les cheveux blancs des grands-mères et le crâne dégarni des grands-pères. Les porte-drapeaux avaient, quant à eux, prévu le coup : un bon béret rouge de para et des gants blancs pour prévenir les éventuelles ampoules provoquées par les va-et-vient sur le manche. C’est au milieu de cette engeance que notre maire adoré avait l’honneur de présider la cérémonie inaugurale de réhabilitation de la chapelle "Notre Dame du Cap Falcon".
Ce fut l’occasion de mélanger un peu tous les genres.
Ainsi Mme Ghislaine Ruvira n’était pas présente à la cérémonie en tant que Maire-adjointe, mais comme présidente du Cercle Algérianiste de Toulon, présidente de l’UAVFROM (Union des Amicales Varoises des Français Rapatriés d’Outre-Mer). Cette charmante dame, au beau brushing qui nous rappelle quelques adjointes au maire des temps passés, avait déjà organisé, les deux casquettes sur la tête, l’anniversaire des 45 ans de l’arrivée des rapatriés d’Algérie en juin dernier. « Il s’agit de la transmission aux futures générations de ce qu’a été l’œuvre civilisatrice et humanitaire de la France en Algérie. », affirmait-elle en 2002. En cinq ans, les sentiments n’ont pas changé. Samedi, qu’est-ce qu’on était bien dans ce petit coin d’Algérie, sans tous les Arabes. Et dimanche, tandis que les jeunes générations se prélassaient sur les plages de Méjean, les nostalgiques faisaient bombance entre deux paso doble.
Deuxième mélange des genres : la collaboration de la Marine nationale. Le big band à pompons était lui aussi de la partie, comme il l’est à chaque fois que le pacha serre les paluches aux anciens de l’Algérie française (voir ci-dessous une photo prise sur le site de la Tour Royale en juin dernier). Une Algérie si chère à la Marine. Que de souvenirs ensemble ! Depuis que nos marins portent la cravate noire de Trafalgar, c’est comme s’ils préféraient s’y pendre que larguer les amarres de la modernité. Un refus de rejoindre les Anglais et hop : Mers-el-Kébir ! Un nouveau refus et hop : le sabordage dans la rade de Toulon ! Qu’est-ce qu’on s’éclate, dis donc ! Il paraît tout de même que le préfet maritime n’aime pas trop la grosse caisse de la clique : il sursaute à chaque coup, vivant intuitivement l’explosion d’un cuirassé. Le cap Falcon se situe juste en dessous de sa résidence, chemin de la Batterie basse. Heureusement, une fois les larmes versées, il peut s’en retourner siroter son anisette et admirer les boys arpenter son court de tennis.
Qui dit Marine à Toulon, dit Église. Monseigneur Rey, évêque de Fréjus-Toulon, badigeonna la chapelle restaurée de son sceptre oint d’une huile d’olive première pression à froid made in Alger. Le goupillon n’allait pas se priver de jeter sa bénédiction sur ce lieu à la fois religieux et communautaire, comme un signe d’acceptation in fine de la loi de séparation des Eglises et de l’État.
Le trio maire-amiral-évêque reconstitué nous rappelle ces belles heures du petit marquisat, quand Toulon fleurait bon le pétainisme. Mais si vous posez la question au bel Hub’ de savoir s’il faut accepter les jeunes filles voilées à l’école, il répondra à coup sûr par la négative, "par pur respect de la tradition républicaine de notre belle France laïque".