Le groupe de presse Nice-matin pète la forme, nous dit le journal Nice-matin  Toulon, port colonial 2004  Bronzo - Di Giorgio : l?amour propre, très propre  1944/2004 : j?y étais !  Cuverville sans frontière, une nouvelle rubrique  Huit ans de solitude au Parquet de Toulon  Joann Sfar, entretien  AMAP - Association pour le maintien d?une agriculture paysanne 

 

 


.:: ECONOMIE ::.

 

 

 

 

 

Radi� des listes de l’ANPE pour incontinence ?
Version imprimable Envoyer à un(e) ami(e)

APERÇUS DE LA GALÈRE
dimanche 11 avril 2004

par areuh

Peut-on �tre effac� des statistiques � cause d’une urgente envie d’uriner ? se demande Monsieur R. en ressortant pr�cipitamment de l’agence ANPE Port Marchand de Toulon.

l �tait venu l� dans le but de r�cup�rer un dossier ACRE [1] pour l’aider � cr�er lui-m�me son travail. C’est l’�poque du kit, on dispose de tas de trucs � monter soi-m�me comme le M�cano dans le temps. Quand tu veux construire ton job, ACRE est le mode d’emploi.
Et il se retrouve dans la ruelle longeant l’ANPE, � la recherche d’un endroit cach� du regard des autres. Super, une camionnette de location. Il sort son robinet et commence � se soulager. Interminable. Un filet alors qu’il souhaiterait un torrent. La rue, d�serte dix secondes auparavant, est soudain encombr�e de ch�meurs convoqu�s. Pire, une voiture de la Police Nationale ralentit sur le boulevard perpendiculaire. Avec empressement, il range son engin de destruction massive (« pipi-pirate »), et rejoint sa place dans la salle d’attente o� il avait d�j� pass� une heure avant sa sortie peu glorieuse. Comment en est-il arriv� l� ?

Il s’est point� � 14h30, la fille brune de l’accueil lui a remis le num�ro 25. Le tableau � cristaux liquides affichait le 23. Au bout d’une demi-heure, la situation du tableau n’avait pas �volu�, au contraire de celle de Monsieur R. : une forte envie lui comprimait l’abdomen. Il connaissait l’endroit et situait les lieux d’aisance. Arriv� devant la porte, il constata qu’elle �tait ferm�e � clef. La jouxtant, un bureau ouvert o� une employ�e ANPE tapotait son clavier. Il lui demanda, apr�s s’�tre excus� de l’interrompre dans sa t�che, s’il fallait une clef pour entrer � c�t� et si oui, comment l’obtenir. Froiss�e d’�tre confondue avec une vulgaire dame pipi, elle lui r�pondit s�chement : « c’est ferm� � cause du plan Vigipirate ! Vous n’avez qu’� lire l’affiche ! »


Il repartit vers l’accueil et la fille brune coiff�e � la gar�onne ann�es 60, une frange un peu gonfl�e sur le dessus de la t�te, v�tue de noir, gilet et pantalon fuseau, chauss�e de bottines � talons carr�s. Quand elle se d�place �a fait tac-tac sur le sol. On suit ses pas et la cadence des tacs nous indique sa vitesse. Il lui expliqua son probl�me, elle lui r�pondit que ce n’�tait pas un probl�me et, tac-tac-tac-tac, l’accompagna devant la porte ferm�e. Sa coll�gue du bureau voisin lui renvoya la m�me r�ponse que pr�c�demment : « Vigipirate ! Point barre ! » Une troisi�me employ�e passait dans le couloir : « Vigipirate ! ». Il eut beau expliquer qu’il n’avait aucun paquet sur lui, rien de tr�s dangereux � abandonner dans les toilettes, rien � faire. Et elles, elles font o� ? demanda-t-il. Ce n’est pas pareil ! Elles travaillent ! Et ont autre chose � faire qu’indiquer trois fois � la m�me personne des consignes affich�es noir sur blanc pour leur �viter justement cette besogne.
De tac en tac, il suivit la brune � l’accueil. Peut-�tre que touch�e par son air attrist�, elle lui indiquerait une solution miracle. Non, sinc�rement d�sol�e. Elle lui conseilla d’essayer le bar situ� au rez-de-chauss�e de l’agence. Il lui r�torqua que ce n’�tait pas un bon plan vu qu’il faudrait consommer, donc se re-remplir et en plus payer. Il lui demanda si elle touchait un pourcentage du patron du bistrot, puis se rassit et tint encore un quart d’heure. Comment font les autres demandeurs d’emplois qui attendent leur tour ? Myst�re, quoique quelques visages crisp�s... Peut-�tre �taient-ils au courant pour Vigipirate et se sont-ils abstenus de boire durant les deux heures pr�c�dant leur rendez-vous ? Faudra qu’il y pense la prochaine fois. Lui ne tient plus, putain c’est pas un terroriste ! Juste un ch�meur, qui part illico se vider sur la roue d’une camionnette.

Les gouttes s�chent lentement sur sa chaussure, il est 15h50, sa vessie lui fiche enfin la paix. Mais le tableau affiche toujours 23. Des personnes arriv�es bien avant lui sont d�j� reparties chez elles, lass�es d’attendre. Seulement deux conseillers pour recevoir la quinzaine de ch�meurs qui persistent. Dans le lot, il reconna�t une vieille amie et lui explique qu’il est l� depuis une heure et demi pour retirer des imprim�s. Elle vient pour l’actualisation de sa situation, c’est urgent. Il lui donne son ticket. Ils discutent un peu, elle approche l’oreille, sans doute parle-t-il trop bas, il lui embrasse le lobe avant de partir, il lui t�l�phonera. Et il reviendra demain pour l’ACRE.

Sur le trajet du retour, Monsieur R. se demande s’il est possible que des ch�meurs incontinents se fassent virer des listes pour ne pas avoir pu honorer leur rendez-vous devant les conseillers ANPE. Ces derniers ne connaissent pas leur bonheur de pouvoir, entre chaque client, aller pisser en paix.


[1] Aide aux Ch�meurs Cr�ateurs ou Repreneurs d’Entreprise, entra�nant une exon�ration de charges sociales pendant un an.