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LETTRE D'INFORMATION |

Un �conomiste grand comme la porte d’Aix

dimanche 7 mars 2010
par Saint-Just

En avril 2009 il d�clarait � Nice Matin que la crise �tait « d’une banalit� � pleurer et ob�it � un m�canisme on ne peut plus classique ». Il nous annon�ait, comme tout �conomiste qui se respecte, qu’apr�s la pluie viendra le beau temps. Mais les parapluies sont toujours de sortie et les parachutes aussi dor�s. Seul Jacques Marseille n’est plus. Retour sur une vie au service du capitalisme.

LE livre de Jacques Marseille, La Guerre des deux France, portait au grand public — le fameux ! — la vision manich�enne opposant une France novatrice � un pays attard�. Si Marseille se d�tachait des « modernisateurs » vitup�rant contre la France fonctionnaris�e en d�fendant le fait que la France ne d�clinait pas, il admettait volontiers qu’elle �tait frein�e par des boulets au premier rang desquels les syndicats qu’il serait bon d’asticoter un peu. Il se f�licitait de la bonne sant� d�mographique de la France avec un gain de 7 ans d’esp�rance de vie sur les trente derni�res ann�es. Mieux : la France aurait connu une augmentation de son niveau de vie ! S’appuyant sur la comparaison des SMIC � monnaie constante, il faisait remarquer que le salaire minimum �tait pass� de 684 euros en 1973 � 1.154 euros en 2002, soit une hausse de 68,7%. Une progression plus forte ces trente derni�res ann�es que lors des trente glorieuses : pour une dur�e de travail en diminution, le smicard d’aujourd’hui d�tiendrait 470 euros de plus par mois qu’il y a 30 ans alors que celui de 1973 n’en avait que 334 de plus que celui qui vivait en 1949. Ce qu’oubliait de dire Marseille, c’est que dans le m�me temps, l’�cart entre le smicard et le patron de Renault avait lui aussi augment� : le rapport �tait de 40 au d�but des ann�es 1970, il est de plus de 400 aujourd’hui. Mais tout ceci reste � son avis justifi� : le patron de Renault est � la t�te d’une multinationale, il parle on ne sait combien de langues et travaille dix fois plus que celui de la g�n�ration pr�c�dente alors que le smicard, cette feignasse qui toujours se plaint, se compla�t dans la paresse et la douce vie d’ouvrier sp�cialis�.

« Il y a bien deux France : celle qui freine et se couche avec, en face, celle qui avance et s’expose. S’il fallait employer une image, je dirais que notre pays ressemble � une voiture qui roulerait � vive allure - nos ressources sont immenses et nous avons l’un des taux de productivit� les plus �lev�s du monde -, mais avec trois freins � main serr�s � bloc : un �tat ob�se qui a oubli� ses missions essentielles, un syndicalisme du ressentiment, et un ch�mage �lev� au rang d’exception fran�aise » [1]. Trois tares donc : l’ob�sit� d’un �tat dont le ventre �craserait les initiatives individuelles si propices � la croissance ; le syndicalisme de la rancœur et du patinage artistique qui, par un double axel, se retrouve dans le camp des affameurs ; enfin, le ch�mage qui permet � des glandouilleurs de se goinfrer d’allocations que les bons p�res de famille l�vent en se retroussant les manches.

Un �l�ve mod�le, un pr�dicateur rare

Babyboomer n� en 1945, Jacques Marseille �tait agr�g� d’histoire et docteur �s lettres et sciences humaines. Il s’�tait brillamment illustr� gr�ce � une th�se qui fit l’unanimit� et reste un exemple : Empire colonial et capitalisme fran�ais, Histoire d’un divorce 1880-1960, publi�e en 1984. Cette �tude d�montrait combien l’aventure coloniale �tait un gouffre pour l’�conomie fran�aise et qu’in fine la d�colonisation avait �t� salutaire pour notre beau pays. En 1989, J. Marseille devint professeur d’histoire �conomique � l’Universit� de Paris I- Sorbonne et directeur de l’Institut d’’Histoire �conomique et sociale.

Son influence m�diatique ne se r�v�la qu’avec le nouveau mill�naire, et ce gr�ce � la fondation des �ditions Jacques Marseille en 1999, petit think tank appr�ci� des m�dias. R�guli�rement invit� � la radio ou sur les plateaux t�l�, notamment celui d’Yves Calvi, il publia le best-seller Le Grand Gaspillage, les vrais comptes de l’�tat. Cet opus que nombre d’experts en poujadisme new wave ont qualifi� d’« opportun » d�crivait avec d�lectation comment l’�tat fran�ais ne terminait pas ses autoroutes, versait des subventions � des artistes sans int�r�t, dilapidait les deniers publics en payant de mauvais profs toujours en vacances, assistait des ch�meurs qui pr�f�raient dormir plut�t que de bosser, etc. Un an plus tard, au printemps 2003, il s’emporta contre les salari�s du secteur public qui disposaient de la garantie de l’emploi et du droit � une retraite, et qui osaient manifester et faire gr�ve en d�clarant qu’� 60 ans, « on est vieux ». Un sujet toujours d’actualit�.

Jacques Marseille �tait conscient de lui-m�me : « je ne suis ni Madelin ni Seilli�re, encore moins membre du grand capital, mais simplement professeur d’histoire �conomique � la Sorbonne. Un intellectuel, suppos� �tre pond�r� et instruit » [1]. En guise d’hommage posthume, en nous souvenant de la bave qu’il crachait sur le bas peuple, rappelons-nous de la c�l�bre formule de Marc Bloch � propos de Albert Rivaud, membre de l’Institut, professeur � la Sorbonne et � l’�cole libre des Sciences Politiques, collaborateur du Capital et de La Revue des Deux Mondes : « un homme, une t�te, une doctrine ! » [2] Oui, bien ch�res sœurs et bien chers fr�res, Jacques Marseille, professeur � la Sorbonne et directeur de l’Institut d’’Histoire �conomique et sociale, �tait tout cela : un homme, une doctrine, une t�te ! Mais elle est tomb�e.

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[1] Le Figaro Magazine, 7 f�vrier 2004.

[2] Les Cahiers politiques, organe clandestin du Comit� g�n�ral d’�tudes de la R�sistance.

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