Toulon  Var agglomération Qualité France Média Economie Culture Justice et injustices Cuverville sans frontière Cuverweb pratique
Maison fondée à Toulon en 1995

LETTRE D'INFORMATION |

Carrefour et la pub : puis-je vous prendre pour des cons ?

La d�fense du sommateur
mercredi 11 juillet 2007
par Pierre Robert

Les enseignes qui se partagent le g�teau de la grande distribution d�veloppent la m�me strat�gie publicitaire autour du « mieux consommer », selon laquelle on s’engage � baisser les prix et on vous rembourse la diff�rence si vous trouvez moins cher ailleurs. Carrefour sait tr�s bien communiquer sur le sujet, � grand renfort de num�ro vert et d’affiches placard�es tous les trois m�tres dans ses magasins. Alors Cuverville a profit� du fait que son frigo �tait vide pour comparer les prix des trois hypermarch�s concurrents de l’aire toulonnaise. Le r�sultat d�passe nos plus folles esp�rances.

AVANT d’aborder le vif du sujet qui int�ressera celles et ceux qui se sont un jour coltin�s les courses, un peu d’histoire locale.

Les premi�res tr�s grandes surfaces commerciales de l’aire toulonnaise se d�velopp�rent � l’Est. L’enseigne Euromarch� s’installa en t�te de gondole du centre "Grand Var" de la Valette d�s la fin des ann�es soixante-dix. Les abords Ouest furent plus longs � se laisser envahir, ils rest�rent agricoles jusqu’� ce que le groupe Promodes r�ussisse enfin � convaincre les exploitants de c�der leurs terres : un hypermarch� Continent n’ouvrit ses portes � Ollioules qu’en 1989. Puis la municipalit� Trucy trouva judicieux d’importer le concept au coeur m�me de Toulon. Le centre commercial "Mayol" fut inaugur� avec le premier Carrefour de l’agglom�ration en 1990.

En 1991, le groupe Carrefour avale Euromarch�. En 1999, il fusionne avec Promodes. Bilan : les trois hypermarch�s de Toulon, � l’Est, au centre et � l’Ouest, sont depuis le d�but du si�cle des hypermarch�s Carrefour. Voil� pour la saine concurrence.

Vu des strat�ges de l’enseigne, le plan de la ville pourrait se r�sumer � ceci :

Revenons � nos moutons. Sur la m�thodologie : nous avons dress� une liste de 37 produits, de l’alimentaire, de l’hygi�ne et du vrac, en nous servant d’une ossature d�finie � d’autres occasions par des personnes plus imaginatives que nous. Quelques r�f�rences sont venues compl�ter la liste (des couches et des capotes, par exemple). Puis nous avons compar� les prix dans les trois hypermarch�s.

On ne pourra certainement pas se servir de nos r�sultats � des fins statistiques. Il s’agit juste de mettre en �vidence les �carts, loin — tr�s loin — des effets d’annonce dont abuse Carrefour.

Le panier de la m�nag�re

La liste des produits se trouve dans le fichier pdf ci-dessus. Les prix ont �t� relev�s � moins de 24 heures d’intervalle, lundi 2 juillet 2007 en d�but de soir�e � Ollioules, mardi 3 juillet matin au centre Mayol de Toulon, le m�me jour en d�but d’apr�s midi � la Valette ("Grand Var").

JPEG - 67.5 ko
Slogans trouv�s sur le site de Carrefour. Taille inchang�e.

Sur les 37 produits, il appara�t que seuls 3 ont des prix communs aux 3 magasins. 10 autres ont le m�me prix dans 2 magasins (aucune r�gle apparente en la mati�re). Pour les 24 restants, c’est le grand n’importe quoi.

« ï¿½tre le moins cher pour tout le monde, c’est �tre le moins cher dans tous ses magasins »

Le paquet de lessive, par exemple, vaut presque 3 euros de plus � Ollioules qu’� Toulon (20 balles pour les vieux cons qui r�fl�chissent toujours en francs). Le moins cher co�tant 8 euros, voyez ce que �a repr�sente. 8 articles sur 37 affichent un �cart de prix de plus de 20% entre deux magasins. Quand vous prenez le pot de confiture � 1,82 euro � Grand Var, vous ne le payez que 52 centimes de plus qu’� Ollioules. Rien, une broutille, qui signifie toutefois que vous le payez 40% plus cher.
Un des trois magasins annonce la bouteille d’eau en « promo ». Elle co�te un centime de plus que dans les deux autres.
� Mayol, le paquet de caf� arbore un autocollant destin� � �tre enlev� au passage en caisse, il indique « 30 centimes de r�duction imm�diate ». Mais apr�s la r�duction imm�diate, le prix du caf� reste quelques centimes plus �lev� que dans les deux autres hypermarch�s.

La rumeur pr�tend que le caddie est plus �conomique � Mayol qu’� Grand Var. Nos r�sultats vont dans ce sens, en tout cas pour les produits alimentaires. Mais encore une fois, aucune g�n�ralisation n’est possible avec ces m�me pas quarante r�f�rences choisies au hasard Balthazar. Les diff�rences — parfois anecdotiques, parfois outranci�res — �tant la norme, nous pouvons toutefois conclure que lorsque le monsieur de Carrefour pr�tend ajuster les prix dans ses magasins de l’Hexagone, il plaisante.

� ce stade de l’enqu�te nous appelons « gratuitement d’un poste fixe » le num�ro 3235, celui par lequel n’importe quel citoyen peut redresser les torts de son hypermarch�.

Petite musique, puis une voix enregistr�e : « Bienvenue chez Carrefour. Si vous connaissez le nom du service auquel vous voulez acc�der, prononcez le maintenant ». L�, il faut crier « Alerte prix ! » dans le combin� pour que la machine entende. C’est ridicule ? Oui, c’est fait expr�s.

« Pour toujours am�liorer le service, cette conversation peut �tre enregistr�e », dit encore la machine. Nous la soup�onnons d’avoir suivi ses �tudes chez les J�suites parce qu’en r�alit�, voil� le message : « pour surveiller nos employ�s et te mettre la pression, mon pote, cette conversation peut �tre enregistr�e ».

Au bout du fil, enfin, une vraie personne. La dame explique que pour valider l’alerte il faut noter le code-barres du produit (« — pardon ? �a veut dire que je suis oblig� de l’acheter ? — Pas du tout monsieur, il suffit que vous releviez les chiffres »). Ensuite il faudra rappeler et crier « Alerte prix ! » dans le combin�, puis on �tablira une fiche qui sera communiqu�e au magasin afin de proc�der � l’ajustement et �ventuellement au remboursement.
Ce n’est pas plus compliqu� que �a.
Juste un peu chiant.
Par exemple, le code-barres de la lessive �voqu�e plus haut s’appelle 5413149210042 dans le civil. Payer moins cher exige une certaine motivation. Du temps, un calepin, un stylo.

Les roquets sont infiniment moins nombreux que les veaux

Les campagnes publicitaires ne se limitent pas � des invitations � se rendre � tel endroit pour acheter tel produit. Elles peuvent avoir pour objet l’endormissement du chaland sur le mode de la propagande politique. Le client, abruti par ces slogans r�p�titifs qui vantent la d�marche qualit� de Carrefour, �cras� par tant de « preuves » (voir les publicit�s qui �maillent cet article), finira par se persuader plus ou moins consciemment de la bonne foi de l’enseigne et ach�tera en confiance. � peu pr�s tout le monde essaie de comparer les prix avant de remplir son chariot, mais cela se passe au sein du m�me magasin. Combien mettront les assertions des publicitaires � l’�preuve ? Combien s’amuseront � bondir de magasin en magasin, sachant que les prix sont amen�s � changer chaque jour ? Il y a tant de choses plus passionnantes dans la vie !

Carrefour joue bien s�r l�-dessus, parfaitement conscient du caract�re minoritaire de la r�clamation. Un client qui exige r�paration ne repr�sente qu’un d�g�t collat�ral parfaitement acceptable au regard des b�n�fices envisag�s avec cette campagne (aussi en terme d’image).

Le num�ro vert ajoute une touche de relationnel et pr�vient les accusations de publicit� mensong�re : s’il est mis � disposition, c’est que Carrefour reconna�t que ses contr�les peuvent faillir. Le client, concern�, impliqu�, attentif, participe lui-m�me � l’am�lioration du service. Et s’il ne le fait pas, finalement, tant pis pour lui.

Si nous relevions les codes-barres de nos 34 articles � prix divergents et que nous les communiquions au 3635, le prix du chariot de Grand Var serait cens� baisser d’environ 7,3%. Projetons �a � l’�chelle de l’hypermarch� et nous aurons une id�e du manque � gagner pour l’enseigne. Bien s�r, cela ne se produira pas.

Impression = preuve ?

Carrefour veut donner l’impression qu’il travaille beaucoup pour que ses prix convergent. Mais on peut l�gitimement se demander pourquoi les prix divergent, dans la mesure o� le groupe dispose d’une centrale d’achat qui lui permet d’acheter en tr�s grande quantit� des dizaines de milliers de produits au meilleur co�t. Pourquoi faut-il ensuite, apr�s installation dans les rayons, que les �tiquetages partent dans tous les sens ?

Sans doute parce que chaque magasin s’adapte � son environnement, au tissu �conomique et social dans lequel il s’inscrit. Sans doute parce que la strat�gie et les produits d’appel varient selon le public, et que les vases communiquants permettent ensuite de garantir un chiffre d’affaires "convenable" : ici l’hygi�ne compense l’alimentaire, l�-bas c’est le contraire. Et partout, le chaland a l’impression de faire des �conomies.

« Nous vous garantissons les prix les plus bas. La preuve : croix de bois, croix de fer, si je mens je vais en enfer ». L’enfer est pav� de fausses intentions commerciales.

Imprimer Imprimer

R�pondre � ce message

  • On en redemande ! 11 juillet 2007, par


Copyright | 2020 | cuverville.org
<span style='text-transform: uppercase;'>Economie</span>
Dans la m�me rubrique
De la justice fiscale, et de la cha�ne du Livre dans cette gal�re
(06/12/2011) (2 messages)
Dexia : le cas de l’agglom�ration toulonnaise
(23/09/2011) (5 messages)
Un �conomiste grand comme la porte d’Aix
(07/03/2010) (1 message)
Tramway : Toulon suffoque, Toulon recule
(12/05/2009) (7 messages)
Toulon et le rugby � XIII : des cadavres dans le placage
(02/09/2008) (12 messages)
Les pollutions nocturnes d’Hubert Soleil Falco (2/2)
(31/12/2007) (3 messages)
Les pollutions nocturnes d’Hubert Soleil Falco (1/2)
(31/12/2007) (4 messages)
Elitisme et rugby : des solutions � l’aile
(08/11/2005) (2 messages)
Rugby : les pros et les anti
(20/10/2005) (7 messages)
Ces astrologues qui nous gouvernent
(20/01/2005)
Les br�ves
Hubert Falco : la taupe des temps modernes
(26/11/2011)
Crazy Squirrel : bouffer des glands rend d�cid�ment tr�s con
(27/10/2008) (1 message)
La Crau recourt aux fermiers g�n�raux
(02/03/2008)
Comment j’ai aggrav� le trou de la S�cu
(22/07/2007) (2 messages)
Un aller simple pour la capitale - en avion - � moins de 10 euros !
(05/01/2005) (2 messages)
Sarkozy, la TVA sociale et la pierre philosophale
(10/11/2004) (11 messages)
Auchan de bataille, par Jocrisse
(07/11/2004) (2 messages)
Bosch : du travail de prolos, par Jocrisse
(27/08/2004) (1 message)
Une r�forme aigre-Douste, par Jocrisse
(25/06/2004)
La canicule ou les plans sociaux !
(17/04/2004) (2 messages)