Les pollutions nocturnes d’Hubert Soleil Falco (2/2)

CHAQUE mois de d�cembre donne l’occasion aux autorit�s incomp�tentes de l�gitimer leur incoh�rence. Quand ce n’est pas dans le journal municipal, c’est dans Var Matin, et quand Var Matin ne prend pas l’initiative, les journalistes sont convoqu�s � une conf�rence de presse par les institutions publiques. Toulon Magazine remet encore cette ann�e une couche sur les fabuleuses illuminations de No�l en m�me temps qu’il met en avant le fameux plan lumi�re destin� � « valoriser le patrimoine ». Pendant ce temps, les usagers sont appel�s � la mod�ration.

C’est beau, �a brille : c’est No�l bling bling !

D�but d�cembre, R�seau de Transport d’Electricit� agite la menace d’une panne totale du r�seau �lectrique. Rem�de avanc� : des coupures d’�lectricit� entre 17h et 20h, c’est-�-dire au moment de pointe de consommation. RTE demande alors aux usagers de faire preuve de civisme. Cette fameuse citoyennet� r�sum�e une fois de plus � l’ob�issance b�ate des individus devant les aberrations du syst�me. Le sifflet du toutou se mat�rialise par une alerte « ï¿½lectricit� » du m�me type que les alertes s�cheresse. Soit. RTE donne �galement quelques conseils afin d’�viter la surchauffe :

 pour les particuliers, �teindre la lumi�re dans les espaces inoccup�s ; pour les collectivit�s, mod�rer les illuminations et l’�clairage public ;

 diminuer le chauffage ;

 ï¿½teindre les appareils inutilis�s.

Or, au m�me moment, Hubert Falco se lance plein tube dans la gabegie �lectrique. La ville de Toulon comptait 500 motifs d’illuminations de No�l en 2001, 700 en 2002, 850 en 2003 (plus 15km de guirlandes et 45.000 ampoules), 950 en 2004. Aujourd’hui, notre maire soleil se gargarise de ses 600 arbres illumin�s, des 80.000 ampoules, des 35km de guirlandes et des 1200 motifs qui font de Toulon « une ville lumi�re ».

Mieux encore, les habitants toulonnais sont pouss�s � la schizophr�nie gr�ce au d�sormais traditionnel concours d’illuminations de fa�ades. Lisons ce que nous promet le bulletin municipal : « Compte tenu du nombre croissant de participants et de l’engouement suscit�, les Toulonnaises et les Toulonnais sont � nouveau convi�s � participer au concours organis� par la Ville. Il s’agit comme pour les �ditions pr�c�dentes d’illuminer fen�tres, balcons, jardins, vitrines et immeubles collectifs... les d�corations devant �tre visibles de la rue. Les r�alisations remarqu�es par le jury seront �videmment r�compens�es... Et d’avance un grand coup de chapeau � tous pour leur lumineuse participation � l’embellissement de la ville ! » On appr�ciera cet encouragement � la surconsommation d’�nergie dans le droit fil du Grenelle de l’environnement.

L’id�ologie des lumi�res toulonnaises

Ni raisonn�, ni raisonnable, le plan lumi�re de la Ville de Toulon refl�te une politique archa�que. Toulon Provence M�diterran�e est, avec Marseille, l’agglom�ration fran�aise la plus r�tive � la notion de d�veloppement durable. C’est m�me la seule � avoir refus� de r�pondre au questionnaire que lui avait adress� Alternatives Economiques [1] dans le cadre d’une �tude comparative sur le sujet. Que nous dit ce magazine ?

Que si « Toulon dispose d’un potentiel important » en �nergies alternatives, il est « tr�s peu exploit� ». L’utilisation de l’�nergie photovolta�que pourrait permettre d’�conomiser jusqu’� 70% des besoins en chauffage et eau chaude des habitations et �quipements publics (contre 30% � 50% � Strasbourg par exemple) de par une disponibilit� exceptionnelle (Toulon compte 300 jours d’ensoleillement par an). Si l’on compare l’�nergie photovolta�que avec l’�nergie nucl�aire, son utilisation pr�sente une bonne fiabilit� de fonctionnement (donc un risque bien moins �lev� au pr�sent comme au futur), une autonomie de plus en plus accrue, une bonne r�sistance aux conditions naturelles, le tout pour une maintenance l�g�re.

En pays de mistral, l’�nergie �olienne pourrait �galement �tre valoris�e, mais elle est n�glig�e. Tout comme les « fili�res bois-�nergie et g�othermie ». Et nous ne parlons pas de possibilit�s offertes par la mer.

L’argument de la s�curit� revient sans cesse dans la l�gitimation du gaspillage �lectrique. Di Giorgio, c’est un peu le soleil d’Austerlitz de la d�linquance. Face � son rayonnement, les troupes d�linquantes d�guerpissent.

Ce leitmotiv cache des lacunes dans de nombreux domaines. Il est plus ais� d’illuminer l’op�ra municipal que de fournir un �clairage digne de ce nom (c’est-�-dire total) aux expositions du Mus�e des Arts Asiatiques. Ce mus�e, qui certes ne brille pas toujours par la mise en avant de sa collection, ne dispose pas de l’�clairage suffisant pour permettre au visiteur d’appr�cier le contenu de toutes les vitrines. La sympathique ouvreuse compatit � la douleur du curieux mais r�p�te inlassablement que c’est parce que ce mus�e est gratuit. Passons.

L’�clairage public permet de souligner aussi l’ancrage id�ologique de la municipalit�. L’Alg�rie � Toulon est Fran�aise, et rien d’autre. Ne nous attardons pas.

Enfin, cet hiver � Toulon, l’�lectricit� a �t� coup�e � une bonne quarantaine de familles. Ces ancrages droitiers sont d�cid�ment pour Toulon de tristes naufrages.

Lire aussi : les pollutions nocturnes d’Hubert Soleil Falco, premi�re partie.

[1] Alternatives Economiques, Hors-s�rie pratique n°29, mai 2007.