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Dexia : le cas de l’agglom�ration toulonnaise

vendredi 23 septembre 2011
par Olivier Vermert

Dans son �dition du 21 septembre 2011, le journal Lib�ration d�taille un fichier confidentiel de Dexia Credit Local (DCL) concernant quelques 5.500 collectivit�s locales et �tablissements publics fran�ais ayant souscrit des « pr�ts toxiques » aupr�s de cette banque entre 1995 et 2009.
Des communes de l’agglom�ration toulonnaise, le Conseil g�n�ral du Var et la R�gion PACA sont cit�s.

DEXIA ?

Dexia est une banque dont l’objet principal est de financer les collectivit�s locales. Dexia pr�te aux villes, aux d�partements, aux r�gions, aussi aux h�pitaux, aux organismes HLM etc. Elle n’est pas la seule, toutes les grandes enseignes jouent dans cette cour, avec ceci de particulier que leurs d�biteurs sont �lus par le peuple et n’engagent pas leur propre argent. La Soci�t� g�n�rale joue, le Cr�dit agricole joue, la Caisse d’�pargne joue etc. Il ne faudrait donc pas imaginer que le fichier r�cup�r� par Lib� pr�sente un caract�re exhaustif, d’autres banques ont pu vendre des pr�ts pourris et vous n’en saurez rien. En tant qu’ancien Cr�dit Local de France, financier historique des collectivit�s, Dexia peut toutefois rester l’option de facilit� pour les demandeurs. Du genre : on a boss� avec vous jusque-l� et m�me si je ne comprends rien � vos salades, on va continuer. « La banque accompagne les collectivit�s locales et l’ensemble des acteurs publics et parapublics dans la r�alisation de leurs projets » dit une accroche publicitaire. Alors voyons voir ce que l’ "accompagnement" � la sauce Dexia signifie (ou a signifi�).

Pr�ts toxiques ?

Ce terme qualifie des "produits structur�s" pr�sentant un risque maximum (pour le couillon d’emprunteur, essentiellement). « Les cr�dits dits structur�s ont pour vocation de r�duire les frais financiers et de minimiser le co�t de la dette » explique pourtant Dexia en 2011. Les cr�dits qui nous int�ressent s’appuient sur des taux d’int�r�t variables index�s sur des valeurs tr�s volatiles comme la parit� entre les monnaies, le cours du p�trole, l’�volution de la situation climatique ou le classement du RCT dans le top 14 [1]. �vitons les exemples pr�cis : vous �tes beaucoup trop cons pour comprendre la complexit� des m�canismes. Nous aussi, d’ailleurs. Et les directeurs financiers des communes, et les �diles ! Qui signent des documents dont ils ne comprennent pas la teneur, ah ah ! Qu’� cela ne tienne : avec l’ancien Cr�dit Local de France, la confiance est de mise.
« Il faut reconna�tre qu’un certain nombre de collectivit�s, qui ne disposaient pas des comp�tences internes suffisantes pour bien �valuer et souscrire de tels produits, se sont retrouv�es confront�es � une strat�gie marketing habile et agressive des banques auxquelles elles ont trop fait confiance, parfois tout simplement par habitude. Certes, elles auraient pu se faire aider par des conseils, mais encore fallait-il qu’elles disposent en interne d’un minimum de comp�tences dans le domaine afin de conserver un point de vue libre et distanci� sur les recommandations de ces m�mes conseils » [2].

Le contribuable vulgaire ne comprend rien, l’�lu d’�lite ne comprend rien non plus. Et la cr�me de banquier, ma�trise-t-elle vraiment les montages qu’elle propose ? On peut l�gitimement en douter : il n’y a pas que des cyniques, dans cette profession. Bref, voil� une authentique conjuration d’imb�ciles.

Contrepartie ?

Dexia agit comme courtier. Elle pr�pare ses cocktails avec des banques sp�cialis�es qui assureront la contrepartie financi�re. Tous les pr�ts dont il est question ont �t� contract�s un peu avant la crise de 2008, voire pendant, quand ce n’est pas apr�s (en consid�rant que la crise de 2008 est achev�e et qu’on est d�sormais dans la crise de 2011).

Au moment m�me o� les �tats recapitalisaient les banques affaiblies par des sp�culations hasardeuses — au premier rang desquelles Dexia —, les collectivit�s fran�aises continuaient de contracter aupr�s des m�mes �tablissements des pr�ts "structur�s" sur des sp�culations toujours aussi hasardeuses. C’est beau.

Quels sont ces organisations avec lesquelles il fait bon d’�tre en affaire ? Bank of America, recapitalis�e en 2008-2009. Royal Bank of Scotland, partiellement nationalis�e en 2008. Dexia, sauv�e par les gouvernements fran�ais, belge et luxembourgeois en 2008. Des noms connus, maintes fois cit�s dans la presse depuis trois ans. Rappelons qu’on soup�onne Goldman Sachs et JP Morgan d’avoir aid� la Gr�ce � camoufler sa dette. Les deux enseignes, avec Bank of America, sont impliqu�es dans le scandale de saisies immobili�res particuli�rement brutales aux Etats-Unis. Et allez savoir pourquoi, chaque fois qu’on �voque l’affaire Madoff, on cite aussi JP Morgan. Autre chose : on a r�cemment appris que Deutsche bank et Goldman Sachs �taient au centre « d’une enqu�te britannique visant � d�terminer si certains �tablissements financiers ont frauduleusement pr�sent� certains titres financiers � leurs clients et contreparties sous un jour trompeur » (Reuters, 5 septembre 2011). Etc.

Surco�t ?

Ces sommes parfois impressionnantes font tout le sel du document de Dexia. C’est un surco�t "attendu", �tabli « par Dexia selon une m�thodologie qui prend en compte la "valeur de march�" (le mark to market) du produit structur� ; en d’autres termes, c’est le surco�t [pour les collectivit�s] estim� par rapport aux int�r�ts calcul�s au moment de la signature initiale » (Lib�ration, 21 septembre). Dexia r�agit sans tarder en �touffant un hoquet d’indignation : « des donn�es erron�es et tronqu�es ont servi de support � cet article qui met en cause la comp�tence et l’int�grit� des collaborateurs de Dexia ainsi que des �lus et agents administratifs des collectivit�s locales, ce qui est inacceptable ». « Il est totalement infond� et irresponsable d’avancer que "des milliers de communes fran�aises sont en faillite en raison des cr�dits structur�s souscrits aupr�s de Dexia" ».

On se demandera toutefois pourquoi la banque a pris soin, en novembre 2009, d’auto-�dicter 10 engagements relatifs aux pr�ts structur�s. � la premi�re ligne, on lit que « Dexia s’engage � ne proposer � ses clients aucun nouveau cr�dit les exposant � des risques sur le capital de leurs emprunts ou sur certains indices � risque �lev� (mati�res premi�res, actions, devises, indices hors OCDE) ». Le mot important dans cette phrase est bien s�r le "nouveau" de "nouveau cr�dit". Qui tend � signifier qu’avant, pour les "anciens" cr�dits donc, c’�tait la foire � la saucisse [3].

Depuis la publication des donn�es, des maires d�noncent des erreurs d’appr�ciation visant � appuyer un discours catastrophiste. Lib�ration relativisait d�j� l’usage qu’on pouvait en faire, chaque surco�t concluant une analyse pr�visionnelle, une estimation de ce que la collectivit� aurait � payer � l’instant t si elle d�cidait soudain de solder son emprunt. D’autre part, certaines collectivit�s ont peut-�tre pu ren�gocier un certain nombre d’�l�ments avec leur partenaire minceur. Mais pour autant, il ne faut pas minimiser l’ampleur du probl�me. Le Pr�sident du Conseil g�n�ral de Seine-saint-Denis n’a pas attendu le dossier de Lib� pour tra�ner Dexia — entre autres — devant le tribunal. L’actuel maire de Saint-�tienne, qui fut bien emb�t� au lendemain de son �lection en 2008 quand il se rendit compte que sa ville �tait blind�e de cr�dits toxiques, demandait en juillet dernier la cr�ation d’une structure de "d�faisance" dont la Cour des Comptes a pour l’instant refus� le principe. Le cas de Saint-�tienne devient d’ailleurs embl�matique, un bon coup de pub : on n’a jamais autant parl� de la pr�fecture de la Loire depuis Robert Herbin et les poteaux carr�s (encore une triste histoire).

Les donn�es !

Voici enfin celles int�ressant la rade toulonnaise, telles que publi�es par Lib�ration le 21 septembre dernier. La prochaine fois que vous constaterez une augmentation des imp�ts locaux, c’est � dire la prochaine fois, essayez d’estimer la part ponctionn�e par les banques priv�es. Apr�s tout, il n’y a pas de raison qu’il n’y en ait toujours que pour les �coles, les routes, les h�pitaux et le logement social.

Et si vous trouvez qu’il ne sert � rien que des collectivit�s se pressent pour �tre �valu�es par des agences de notation (c’est payant) si c’est pour finalement contracter des pr�ts pourraves � des taux d�passant largement le seuil de l’usure, c’est que vous n’avez rien compris. Vous n’�tes sans doute ni banquiers, ni gestionnaires de cat�gorie A, ni �lus de la R�publique.

L�gende :
Types de pr�ts : (1) "structures complexes d’options sur taux de change" ; (2) "structures complexes d’options sur �cart de taux CMS ; (3) "structures complexes d’options sur taux d’int�r�t" ; (4) "structures complexes d’options sur taux d’inflation".
Ratio : rapport surco�t / montant.

Carqueiranne
Pr�ts contract�s pendant le mandat de Marc Giraud (UMP)

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Royal Bank of Canada (2) 2007 / 19 ans 2.7111.000 553.000 20,4%
JP Morgan (3) 2007 / 18 ans 2.449.000 395.000 16,13%
Total 5.160.000 948.000 18,37%

Hy�res
Pr�ts contract�s pendant le mandat de L�opold Ritondale (DVD)

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Cr�dit Suisse (2) 2007 / 15 ans 3.658.000 553.000 2,16%
Goldman Sachs (3) 2004 / 20 ans 198.000 395.000 4,95%
Total 7.658.000 277.000 3,62%

Ollioules
Pr�t contract� pendant le mandat de Robert Beneventi (UMP)

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Royal Bank of Scotland (2) 2010 / 25 ans 3.349.000 303.000 9,05%

Le Pradet
Pr�ts contract�s pendant le mandat de Roland Joffre (PRG)

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Goldman Sachs (2) 2008 / 24 ans 4.119.000 342.000 8,3%
Deutsche Bank (3) 2003 / 21 ans 2.592.000 169.000 6,52%
Dexia Bank Belgium (3) 2006 / 17 ans 1.401.000 72.000 5,14%
Total 8.112.000 583.000 7,19%

La Seyne-sur-Mer
Pr�ts contract�s pendant le mandat d’Arthur Paecht (UMP) puis Marc Vuillemot (PS) apr�s 2008.

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
JP Morgan (1) 2007 / 22 ans 8.733.000 3.486.000 39,92%
Cr�dit Suisse (1) 2007 / 22 ans 8.733.000 3.539.000 40,52%
Cr�dit Suisse (1) 2007 / 22 ans 8.733.000 3.169.000 36,29%
Royal Bank of Scotland (2) 2006 / 20 ans 2.238.000 279.000 12,47%
Dexia Bank Belgium (2) 2009 / 12 ans 7.258.000 798.000 10,99%
Goldman Sachs (3) 2009 / 17 ans 9.496.000 786.000 8,28%
Total 49.316.000 12.164.000 24,67%

Six-Fours les plages
Pr�ts contract�s pendant le mandat de Jean-S�bastien Vialatte (UMP).

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Cr�dit Suisse (1) 2008 / 20 ans 3.853.000 1.038.000 26,94%
Deutsche bank (2) 2008 / 20 ans 3.853.000 466.000 12,09%
Morgan Stanley (3) 2008 / 20 ans 3.853.000 608.000 15,78%
Bank of America (3) 2008 / 20 ans 3.853.000 1.022.000 26,52%
Total 15.412.000 3.134.000 20,33%

Toulon
Pr�t contract� pendant le mandat de Hubert Falco (UMP).

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Goldman Sachs (3) 2003 / 12 ans 5.634.000 316.000 5,61%

D�partement du Var
Pr�t contract� pendant le mandat de Horace Lanfranchi (UMP).

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
Dexia Bank Belgium (3) 2009 / 24 ans 104.400.000 8.152.000 7,81%

R�gion Provence Alpes-C�te d’Azur
Pr�t contract� pendant le mandat de Michel Vauzelle (PS).

Contrepartie Type Date / dur�e Montant Surco�t Ratio
JP Morgan (4) 2007 / 25 ans 38.282.000 5.366.000 14,02%
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[1] Ne riez pas trop : le syst�me est tellement dingue qu’il n’y a aucune raison pour qu’on ne sp�cule pas l� dessus, du moment qu’il y a du bl� � se faire.

[2] In La gestion de la dette publique locale, discours de Didier Migaud, premier Pr�sident de la Cour des Comptes, 13 juillet 2011.

[3] Lire aussi � ce sujet la charte de bonne conduite r�dig�e par l’inspecteur des finances Gissler sous la tutelle de la ministre Lagarde en 2009.

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