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LETTRE D'INFORMATION |

De la d�mocratie au Togo : un ancien ministre d’Eyad�ma s’exprime sur l’�lection pr�sidentielle

vendredi 15 avril 2005
par Sylvestre Djouamon
Ancien ministre de l’Education nationale et Porte-parole du gouvernement pendant la Conf�rence nationale de 1991 au Togo, Amela Yao Edoh Janvier, connu sous le nom politique de Amela Amelavi, est consid�r� comme un des supp�ts de l’ancien r�gime du G�n�ral Eyadema Gnassingb�. Pourtant, il n’a jamais �t� membre du RPT - Rassemblement du Peuple Togolais - pr�sidentiel. De plus, il a fait de la prison. Enfin, chose rare sous le r�gime du G�n�ral d�funt, il a cr�� son propre parti en 1991 [1]. Le jeudi 31 mars dernier, avec les dirigeants de cinq autres "formations politiques", il a d�cid� de soutenir la candidature de Faure Gnassingb�, fils du pr�sident d�funt.
Dans l’entretien qu’il a accord� � Cuverville, il �voque ses relations avec le G�n�ral Gnassingb�, ainsi que la situation politique actuelle au Togo.

VOUS �tes le Pr�sident fondateur du FN. Pourquoi Front National ? Un front de racisme � la Le Pen ?
C’est vrai que Front National a une connotation un peu lep�niste. Mais il y a une quinzaine d’ann�es, les Africains n’entendaient pratiquement pas parler de Le Pen. Au d�part, le Front s’�tait constitu� pour d�fendre la France [2]... Et c’est en r�f�rence id�ologique et historique � ce Front National que j’ai donn� ce nom � mon parti. Encore faut-il dire que je suis contre l’�migration des Africains en France. Je n’accepte pas que les Africains se retrouvent en France dans la mis�re. Qu’ils restent chez eux en Afrique. Moi, j’avais des possibilit�s de rester en France. J’avais des avantages en ma qualit� de Ma�tre assistant � l’universit� de Paris, mais malgr� cela, j’avais choisi de revenir dans mon pays. Je sentais que d’un jour � l’autre, la France compterait un nombre pl�thorique d’Africains et que ce qui se passe aujourd’hui serait in�luctable. Les vols Charter, tout �a, c’est tr�s humiliant pour les Africains. Aussi, ai-je cr�� le Front National parce que j’ai remarqu� que m�me autour du chef de l’Etat, les Togolais ne pensaient pas togolais. J’ai pens� donc cr�er un parti qui rassemble les nationalistes.

Avant votre entr�e au gouvernement en 1991, vous �tiez membre du RPT, non ?
Non, je n’ai jamais �t� RPT ; je l’ai d�j� d�clar� publiquement une fois.

Au d�but, vous serviez le RPT sans �tre membre du parti ? Comment cela �tait-il possible ?
Le Pr�sident Eyadema Gnassingb� m’avait remarqu� tout simplement. J’�tais un des rares cadres Ew� autour de lui. J’�tais plus ou moins de la gauche, avant mon entr�e au gouvernement. Je fus �tudiant de la FEANF (F�d�ration des Etudiants d’Afrique Noire en France). Et vous savez que la FEANF �tait anti-imp�rialiste, anticolonialiste, anti-n�ocolonialiste... C’est par hasard qu’on a fait appel � moi en 1991, juste � la veille de la Conf�rence Nationale. Et pr�cipitamment, j’ai �t� institu� porte-parole du gouvernement durant la Conf�rence Nationale, alors que je n’�tais pas du s�rail et que je n’avais non plus d’exp�rience politique, m�me si j’ai �t�, depuis l’Universit�, ami de Yawovi Agboyibo [3] et admirateur intime et personnel d’un autre grand ami, Edem Kodjo [4]. Lorsque j’ai �t� pressenti pour entrer au gouvernement, Ma�tre Agboyibo a �t� la premi�re personne que j’ai inform�e. Et il m’a dit : "Vas-y, tu pourrais nous aider aupr�s du chef de l’Etat". Mais apr�s, il a ni� ses propos.

Et apr�s ?
Oui ! J’ai vu que le RPT est un parti solide, avec des r�gles. Comme je ne me suis pas fait avec lui, j’ai demand� au chef de l’Etat de m’accorder l’autorisation de cr�er mon propre parti. J’ai �t� �cout�. C’�tait exceptionnel. Au d�but, on a cru que le Front national �tait un croupion du RPT, mais je n’ai jamais adh�r� au RPT.

N’emp�che, tout le monde vous sait tr�s proche du RPT.
Tr�s proche.

Voil� pourquoi aujourd’hui vous vous sentez oblig� de soutenir la candidature du RPT, le fils du g�n�ral ?
Oblig� !? Oui ! O� se trouve la conviction ? Est-ce qu’il y a une conviction l� ? Je ne sais pas ! Peut-�tre en m�moire du p�re ! Une fois que vous �tes dans un cercle, pendant les moments difficiles, il faut se soutenir. Je ne crois pas que mon parti ou les membres de mon parti aient les reins solides pour cr�er la dissidence. Ce qui est malheureux au Togo, c’est que les camps sont si bien tranch�s que, quels que soient les gestes que vous voulez poser, une fois que vous avez �t� aupr�s d’Eyad�ma, on ne vous accepte plus dans l’opposition.

Donc, vous �tes l� malgr� vous ?
Ah ! Malgr� moi, non. J’y suis par conviction aussi. Mais bon... Il faut que le Togo soit en paix. Et je ne sais pas si mes anciens amis de l’opposition se sont pr�par�s � assurer cette paix. Vous savez, le Togo est en paix, essentiellement gr�ce � l’arm�e. Et l’arm�e a fait son choix. Les choses sont comme �a. L’arm�e a fait son choix. Et la paix ne sera garantie que si l’arm�e voit ses revendications satisfaites. Est-ce que l’arm�e togolaise est suffisamment r�publicaine pour accepter ce qu’elle n’imagine pas aujourd’hui ?

En clair, l’arm�e n’entend pas retourner dans les casernes ?
Je ne suis pas de l’arm�e. Mais je vois mal l’arm�e au garde-�-vous pour quelqu’un qu’elle n’aura pas choisi.

S’il en est ainsi, peut-on parler encore de d�mocratie ?
Je ne sais pas. Bon ! Est-ce que c’est de la d�mocratie lorsque l’arm�e dit que le pays est en danger et court elle-m�me demander � un citoyen d’assurer la responsabilit� ? Mais on a l’impression qu’il y a �t� contraint ! Bon ! A vous de juger.

Concr�tement, pensez-vous que le fils de l’ancien pr�sident pourra diriger efficacement le pays et le sortir des enfers ?
Humm ! Enfer, c’est trop dire !

On avait affaire � un r�gime totalitaire et carc�ral.
On a trop diabolis� ce r�gime � l’ext�rieur. Je crois que les choses ont chang�. Eyad�ma est mort. Il est impossible qu’on recommence des choses. Je tique un peu. Eyad�ma a dirig� ce pays pendant 38 ans et, � sa mort, on ne trouve que son fils comme successeur capable de diriger le pays. Je l’avoue, c’est difficile � accepter. Et je pense quand m�me que la solution qui avait �t� pr�conis�e de laisser le fils terminer le mandant du p�re �tait meilleure. Je veux vous dire quelque chose de personnel. Celui qui va diriger ce pays doit �tre en mesure - c’est grave hein ! - de payer les salaires pendant un mois ou deux, sans se r�f�rer au Tr�sor public.

Pourquoi ?
Le Togo est sous embargo depuis 15 ans. Et comment se fait-il que tous les mois les fonctionnaires sont pay�s ? Je ne sais pas ! Figurez-vous qu’il n’existe que deux fils de chefs d’Etat qui pr�tendent assumer ce r�le : Gilchrist Olympio, le fils de l’ancien pr�sident Sylvanus Olympio, et Faure Gnassingb�. Un fils de Grunitzsky [5] pourrait se pr�senter aussi.

Comme l’arm�e soutient Faure, alors serait-ce le chaos au Togo si Faure n’�tait pas �lu ?
Oui, je le crois. Au risque de vous �tonner, je dis franchement ce que je pense. Ceux qui m’entourent n’acceptent pas Faure.

C’est donc clair que la transparence des �lections n’est pas garantie ?
Que voulez-vous que j’en sache ? Jusqu’ici, tout se passe tr�s tr�s bien. Mais est-ce que l’arm�e togolaise est suffisamment r�publicaine pour se soumettre au verdict des urnes ? L� r�side la grande question. Bon ! On peut laisser faire pour dire que Faure va gagner. Mais si Faure ne gagne pas ? S’il ne gagne pas ? Que va faire l’arm�e ? On conna�t sa position tant sur le plan national qu’international. Parlons cr�ment ! L’arm�e va-t-elle accepter de se mettre au garde-�-vous devant Bob Akitani, le candidat du parti de Gilchrist Olympio ? Il en est de m�me du policier qui va le laisser entrer � la Pr�sidence de la R�publique pour la passation du pouvoir. C’est comme �a !

En votre �me et conscience, qui va gagner ?
J’ai peur que ces �lections divisent davantage le Togo.

Si la transparence est garantie, qui gagnera ?
Mon candidat, bien �videmment (rires) !

Propos recueillis par Sylvestre Djouamon

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[1] « A la suite de la charte du 12 avril 1991 lib�ralisant l’espace partisan, une vingtaine de partis ont �t� "mont�s" de toutes pi�ces dans le but de participer � la grand-messe de la Conf�rence nationale, et rares parmi eux pouvaient se r�clamer d’une existence, m�me clandestine, ant�rieure � la charte. En 1993, ils sont au nombre de 47 enregistr�s au minist�re de l’Int�rieur ; en 1997 ils seront 67, et un an plus tard, ils sont plus de 80 partis plac�s dans le starting-block des pr�sidentielles de juin 1998. Lors des �ch�ances �lectorales, ce sont des dizaines de partis qui poussent comme des champignons, souvent suscit�s et financ�s par le Chef de Bande, comme le Front national de l’ancien et �ph�m�re ministre de l’Education nationale, Janvier Amela. Ce Front fait partie d’une dizaine de petits partis satellites de la Bande, regroup�s en mars 2002 au sein de la Coordination des partis politiques de l’opposition constructive, transform�e en Front de l’opposition r�publicaine, positionn�s pour les l�gislatives d’octobre 2002 ». In Togo : les acteurs politiques et le syst�me, Comi M. Toulabor, togolais.com.

[2] Il est ici question du Front national de la r�sistance, d’ob�dience communiste, cr�� au d�but des ann�es 40.

[3] Aujourd’hui leader d’un des principaux partis d’opposition, le CAR - Comit� d’Action pour le Renouveau.

[4] Pr�sident du CPP - Convergence Patriotique Panafricaine, autre formation politique, dans le registre "opposition mod�r�e".

[5] Nicolas Grunitzsky fut install� au pouvoir apr�s le premier coup d’�tat d’Eyad�ma en 1963.

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