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LETTRE D'INFORMATION |

SIAPE : qu’importe l’amphore, pourvu qu’on ait l’ivresse

Extension du Pouverel 2/2
samedi 5 mars 2005
par Olivier Vermert

Voil� un beau projet ! Amphora : extension de la vieille station d’�puration du Pouverel. Un chantier de 24 millions d’euros inscrit au Contrat de baie, pour un meilleur traitement des eaux us�es et toujours moins de pollution. A l’heure o� la France inscrit dans le marbre de sa constitution "le droit de vivre dans un environnement �quilibr� et respectueux de la sant�", �a tombe bien !
Pour autant, il ne faudrait pas que la d�fense de l’environnement justifie ou excuse le d�ficit d’enqu�te en mati�re de solutions alternatives r�v�l� (un peu tardivement) par la DDE. Ni les carences du dossier, ni l’empressement du pr�sident du SIAPE � voir d�marrer les travaux.

UN premier article rapprochait l’histoire de la station d’�puration du Pouverel (dite aussi "Pont de la Clue"), construite dans les ann�es quatre-vingt sur la ville de la Garde, et celle d’Amphitria, usine moderne et sous-exploit�e de l’Ouest toulonnais.
La STEP du Pouverel est aujourd’hui agrandie, mise aux normes, rebaptis�e... mais maintenue en zone inondable [1]. Les cl�s d’Amphora devraient �tre livr�es d�but 2006.

Dans le bulletin municipal du 8 novembre 2004, les �diles gard�ens c�l�braient leur futur bijou. « C’est un des projets structurants majeurs du mandat » s’enflammait Jean-Louis Masson, r�inventant une fois de plus l’histoire. Car l’extension du Pouverel est pr�par�e depuis le milieu des ann�es quatre-vingt dix, avant m�me que le pr�d�cesseur de Masson ne s’installe � l’H�tel de ville.
Etude de longue haleine men�e par le SIAPE, syndicat intercommunal en charge de l’assainissement sur l’Est toulonnais : une premi�re phase visant � d�finir le processus et les �quipements, c’est � dire le corps de l’usine, fit l’objet d’un march� en ao�t 2001 avec une filiale de Suez, la soci�t� ONDEO Degremont. La seconde traitait du g�nie civil : toit, murs et voirie. Campenon Bernard, une filiale de Vinci, gagna l’appel d’offres en mars 2003.

Explosion de l’emprunt.
Le dossier pr�voyait dans sa premi�re mouture une "tranche ferme", l’essentiel des travaux, et deux "tranches conditionnelles" soumises � l’avanc�e de la r�flexion et � la souplesse budg�taire : une pour l’extension du traitement physico-chimique des eaux us�es � hauteur de 3600m3/h, l’autre pour la mise en place d’une unit� de s�chage des boues. Mais contraint de revoir ses ambitions � la baisse, le SIAPE adopta le 19 juin 2003 un plan de financement « pr�voyant de limiter les travaux � la tranche ferme et la tranche conditionnelle 1 ainsi que l’augmentation du recours � l’emprunt pour financer le projet ». Entre le plan initial datant de 2000 et celui de 2003, on constate la diminution des aides de l’Agence de l’Eau et de la R�gion [2], et surtout l’augmentation cons�quente des co�ts li�s � la tranche ferme (de 14,7 � 19,1M€ HT). D’o� la n�cessit� d’augmenter l’emprunt d’environ 30% (de 5,2 � 6,8M€ HT).

Le m�me jour (19 juin 2003), le SIAPE autorisait son pr�sident « ï¿½ signer le march� pour la r�alisation du G�nie civil et du VRD [3] ».

Consultatif, donc inutile.
Et� 2003. Ne reste plus pour achever la proc�dure que la r�union du Conseil D�partemental d’Hygi�ne (CDH) [4] dont l’avis n’est que consultatif, et ensuite roule ma poule : le pr�fet donne l’agr�ment final et le chantier peut d�marrer.
Mais l’imp�tueux pr�sident du SIAPE Thierry Albertini [5] n’attend pas le feu vert du repr�sentant de l’Etat. Le march� est sign� et les travaux d�buteront en novembre... m�me si le Conseil d’Hygi�ne ne se r�unit que le 29 octobre. C’est un pari anticipant l’approbation collective, dans la mesure o� le Pr�fet a coutume de suivre les d�cisions du Conseil.

Et lors de cette fameuse r�union, un grain de sable se pr�sente sous la forme du rapport de la Direction D�partementale de l’Equipement donn� en lecture � l’assembl�e.
La DDE souligne les insuffisances de "l’�tude d’impact" qui sous-tend le projet. Ainsi, la population raccord�e � la station du Pouverel serait sous-estim�e. L’expertise port�e par le SIAPE table sur une progression de 72.600 personnes (aujourd’hui) � 86.000 (horizon 2015/2020), « mais la reprise des �tudes prospectives, men�es par l’Etat depuis plusieurs ann�es, a montr� en cours d’instruction que la capacit� d’accueil globalis�e (population permanente et touristique) des communes raccord�es est d�j� proche de 100.000 habitants (seuil d�pass� en pointe) et que les r�serves de capacit� d’accueil des documents d’urbanisme actuels sont estim�s � 150.000 habitants en 2015 ou 2020 ».
Le document critique aussi le fait qu’aucune solution alternative n’ait �t� �tudi�e. « Ainsi la possibilit� de conduire, tout ou partie des eaux non trait�es du territoire des 4 communes du SIAPE � la station Ouest � Sici� aurait m�rit� d’�tre �tudi�e en raison de nombreux avantages : - d’ordre environnemental [...] - d’ordre �conomique : la station actuelle de Sici� [Amphitria] con�ue pour traiter les eaux us�es d’une population d’environ 500.000 habitants, n’en re�oit que 200 � 250.000 [...] Le raccordement � la station de Sici� est techniquement faisable en compl�tant le r�seau actuel de l’agglom�ration, ou m�me en mettant �ventuellement en place un r�seau neuf � un co�t nettement inf�rieur � celui de l’actuel projet. Une solution � l’�chelle de l’agglom�ration toulonnaise, compte tenu de la nouvelle intercommunalit� naissante (TPM), aurait �t� plus appropri�e et mieux inscrite dans le d�veloppement durable ». Sachant que le r�seau toulonnais n’est pas de premi�re jeunesse et n�cessitera t�t ou tard un ravalement d’envergure, le point de vue semble pertinent. Il est en tout cas conforme � l’article 6 de l’arr�t� de 1994 [1] : « Tous les r�seaux de collecte, les d�versoirs d’orage et les stations d’�puration d’une m�me agglom�ration doivent �tre con�us, r�alis�s, exploit�s, entretenus et r�habilit�s comme constituant d’une unit� technique homog�ne, et en tenant compte de leurs effets cumul�s sur le milieu r�cepteur ».
Le pr�sident du SIAPE, apr�s s’�tre fait remonter les bretelles par le Secr�taire G�n�ral de la pr�fecture pour son empressement, conteste les �l�ments du rapport. Le d�bat s’installe au sein de l’assembl�e. On apprend que le dossier n’a pas �t� soumis � l’expertise du Conseil sup�rieur d’Hygi�ne Publique de France (CSHPF). Principal argument oppos� par Albertini : « l’intervention du Pr�fet coordonnateur de Bassin et du CSHPF aurait pour effet de rallonger de six mois la proc�dure, sans modifier les exigences techniques qui s’appliquent. Et � d�faut d’engagement r�el avant la date butoir du 25 novembre 2003, les subventions obtenues aupr�s de l’Agence de l’Eau ne seront plus acquises ». Car voil� le coeur du probl�me. Qu’importe l’amphore, pourvu qu’on ait l’ivresse.
Il fait un peu chaud ici, vous ne trouvez pas ? Va-t-on refuser l’extension ? Va-t-on retarder l’�ch�ance pour affiner les �tudes ? Vient le moment du vote, le pr�sident du SIAPE sort de la salle.
Le SG de la pr�fecture, pr�sident de s�ance, desserre son noeud de cravate et r�sume le probl�me pour les plus mal-comprenants du CDH :

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Extrait du compte-rendu du Conseil Départemental d’Hygiène, 29 octobre 2003.

Le Conseil rejettera finalement les observations de la DDE, se pronon�ant « contre le refus » d’autorisation, votant l’extension biologique de la STEP et n�gligeant le « sursis � statuer dans l’attente d’�l�ments compl�mentaires ». Ouf ! Une fin d’aventure charmante pour M�re Nature et les petites soci�t�s artisanales int�ress�es par le chantier (Suez/Lyonnaise des Eaux, Veolia/G�n�rale des Eaux, Vinci).

Et les boues ?
Le probl�me du traitement des r�sidus solides n’est toujours pas r�gl�. Le court terme pr�voit un traitement � Amphitria suite � une convention sign�e avec le SIRTEMEU : des camions transporteront les d�chets vers l’incin�rateur du Cap Sici� (ce qui renvoie aux observations du rapporteur de la DDE). Certains sont toujours favorables � la solution de l’�pandage, mais l’�ventuelle pr�sence de m�taux lourds dans les r�sidus interdit d�sormais l’utilisation de ces boues � des fins agricoles. L’id�e d’un incin�rateur local fait aussi son chemin. Pendant la gamberge, les travaux continuent.

En d�cembre dernier, le SIAPE a vot� une nouvelle augmentation de la taxe d’assainissement. Car l’emprunt n’attend pas. Si la part du syndicat dans le financement �tait �valu�e � 5,2M€ HT en 2000, elle s’�l�ve finalement � 9,6M€ HT comme l’indique le panneau �lev� � l’entr�e du chantier. Soit une d�rive d’� peine 85% (le co�t global initialement estim� � 18,4M€ est mont� � 20M€ HT, soit un glissement de 8,8%).
Dans le d�tail de leur premi�re facture d’eau de l’ann�e 2005, les Gard�ens, Prad�tans, Valettois et Toulonnais de l’Est d�couvriront ainsi une nouvelle ligne intitul�e "surtaxe SIAPE", qui alourdit le co�t du litre d’eau de plus de 27 centimes d’euros HT.

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Au sujet de la privatisation de l’eau, de Veolia et de Suez, lire aussi "Main basse sur l’eau des villes", un dossier �clairant du Monde diplomatique, mars 2005.

[1] l’arr�t� du 22 d�cembre 1994 "fixant les prescriptions techniques relatives aux ouvrages de collecte et de traitement des eaux us�es mentionn�es aux articles L. 372-1-1 et L.372-3 du code des communes" stipule, dans son article 18 : « les stations ne doivent pas �tre implant�es dans des zones inondables. Toutefois, en cas d’impossibilit� technique, une d�rogation peut �tre accord�e si la commune justifie la compatibilit� du projet avec le maintien de la qualit� des eaux et sa conformit� � la r�glementation sur les zones inondables ». Pr�cisons que cet arr�t� n’�tait pas en vigueur quand fut inaugur�e la station en 1983.

[2] Le SIAPE ambitionnait une subvention de l’Agence de l’Eau � hauteur de 50% du montant total (8,7M€ pour 18,4M€ HT estim�s). L’affichage � l’entr�e du chantier indique aujourd’hui 5,7M€ HT de participation, � savoir 28,5% des 20M€ HT av�r�s.

[3] VRD : "Voirie R�seaux divers".

[4] « Le Conseil D�partemental d’Hygi�ne est un organisme consultatif saisi par le pr�fet et institu� pour donner des avis ou des recommandations sur "toutes les questions int�ressant la Sant� Publique et la Protection Sanitaire de l’Environnement" (article L.776 du Code de la Sant� Publique). Il "doit �tre l’enceinte o� s’instaure une v�ritable concertation sur la politique conduite � l’�gard des probl�mes d’hygi�ne et d’environnement". Il est donc amen� � donner un avis en particulier sur les demandes d’autorisations au titre de la r�glementation sur les installations class�es pour la protection de l’environnement, sur les demandes d’autorisations au titre de la loi sur l’eau, ainsi que sur divers plans et dispositifs relatifs � la protection de l’environnement ». Pr�sid� par un d�l�gu� de la pr�fecture, ses membres repr�sentent les collectivit�s territoriales, les associations de protection de la nature et les organisations de consommateurs, les professions agricoles et industrielles, des personnalit�s comp�tentes en mati�re de sant� et d’hygi�ne ainsi que des Services de l’Etat.

[5] Par ailleurs adjoint � la mairie de la Valette.

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