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LETTRE D'INFORMATION |

Jardin des Olivades contre mairie d’Ollioules : la modernit� n’est plus ce qu’elle �tait

vendredi 4 juin 2004
par Gilles Suchey

Denise et Daniel Vuillon g�rent l’exploitation agricole des Olivades � Ollioules. On conna�t leur nom et leur activit� pour deux raisons. La premi�re est li�e au d�veloppement des AMAP, principe dont ils sont les importateurs en France. La seconde concerne l’implantation du tramway sur l’agglom�ration toulonnaise : le trac� pr�vu n’�pargne pas leurs terres, comme il frappe d’alignement nombre de propri�taires entre Saint-Mandrier et la commune du Pradet.
Les Vuillon contestent la pertinence du trac� et alertent l’opinion publique. On pourrait consid�rer qu’ils opposent simplement leurs int�r�ts personnels � ceux de la collectivit�. Comment, en effet, bouder un projet de transport en commun qui apporterait enfin un peu d’air frais � une rade compl�tement asphyxi�e aux heures de pointe ?
Pour mieux comprendre le dossier, int�ressons-nous � la belle histoire d’amour qui unit depuis vingt ans les Olivades � la mairie d’Ollioules.

JADIS, la plus grosse art�re permettant d’assurer le trajet entre Marseille et Toulon �tait la nationale 8, qui traversait de nombreux villages pour s’achever dans les gorges d’Ollioules. Avec le d�veloppement du trafic automobile, cette voie, particuli�rement sinueuse et �troite sur ses derniers kilom�tres, connut jusque dans les ann�es soixante-dix des embouteillages m�morables.
Les ann�es soixante-dix, c’est justement l’�poque o� se d�veloppe l’essentiel du r�seau autoroutier du sud-est de la France. Le segment permettant de relier les deux ports de Provence selon, en gros, le principe de la plus courte distance entre deux points, est inaugur� en 1974.
Effets collat�raux : la tra�n�e de bitume [1] sectionne de nombreuses terres agricoles de l’ouest varois. Des terrains ainsi d�tach�s du si�ge des exploitations seront d�laiss�s par leurs propri�taires, d�class�s et vendus.

Le quartier de Quiez, dans la partie o� se situent les Olivades, reste alors enclav� sous l’autoroute, � mi-distance entre l’�changeur d’Ollioules-La Seyne et l’entr�e ouest de Toulon. Cela permettra de retarder la sp�culation fonci�re, et de conserver une activit� agricole ancestrale en ces lieux [2]. Le sursis s’ach�ve en 1984, quand les propri�taires de l’exploitation agricole voisine jettent l’�ponge et d�cident de vendre leurs terres au groupe Promodes.
Promodes : g�ant de la distribution, alors concurrent du leader Carrefour qui s’est positionn�, lui, sur l’entr�e Est de l’agglom�ration (centre commercial Grand Var). Promodes souhaite b�tir un hypermarch� c�t� Ouest pour r��quilibrer la donne.
En moins de 5 ans, jusqu’� l’ouverture du Continent en 1989, le distributeur obtiendra toutes les autorisations n�cessaires. Le groupe financera m�me la construction d’un nouvel �changeur pour d�senclaver le quartier (c’est-�-dire permettre aux consommateurs de garer leur voiture � port�e de caddie). Les deux illustrations ci-dessus montrent l’�volution du quartier. En mauve : les Olivades.

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Quiez / la petite Garenne en 1987.
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Dix ans plus tard. Le gros p�t� au dessus des Olivades correspond � l’hypermarch�. Au dessus encore : le nouvel �changeur. (Sources : IGN)

La couleur politique d’Ollioules a chang� en 1983. L’ex-maire socialiste Guy Durbec est parti tenter sa chance (en vain) � Toulon, et le gaulliste Ren� Arnoux est �lu � sa place le 13 mars. Son bras droit se nomme Ferdinand Bernhard, il optera en 1989 pour la mairie de Sanary. Robert Beneventi est pour l’instant quatri�me sur la liste, il remplacera Bernhard au poste de premier adjoint avant de s’asseoir sur le tr�ne dans les ann�es quatre-vingt-dix (� la d�mission d’Arnoux) [3]. La nouvelle �quipe municipale, avec l’aide de la pr�fecture et de la Direction D�partementale de l’Equipement, va aider Promodes � finaliser son projet.
Parmi les imp�ratifs, il faut modifier le plan d’occupation des sols (POS) d’un quartier � vocation agricole. On d�classe donc l’essentiel de la partie sud de l’autoroute comprise entre les deux �changeurs et la voie ferr�e, de zone agricole � zone NA [4]. La mairie r�ve d’�tendre le p�rim�tre destin� au commerce et � l’industrie et de cr�er ainsi une vaste zone d’entreprise. D�s 1987, experts et autres charg�s de mission se succ�dent pour encourager les Vuillon � d�guerpir. Arnoux passe m�me outre l’avis d�favorable du commissaire enqu�teur venu statuer sur la D�claration d’Utilit� Publique (DUP) demand�e par Ollioules, et soumet le dossier au pr�fet. Apr�s avoir �cout� les arguments des protagonistes, le repr�sentant de l’Etat abondera dans le sens de l’enqu�te et refusera finalement cette DUP, qui aurait entra�n� l’expropriation au b�n�fice d’un tr�s hypoth�tique pari sans r�elle assise �conomique : aucun entrepreneur n’a en effet vraiment affich� sa volont� d’implanter une activit� en lieu et place de celle des Vuillon.
Fin du premier acte.

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Extrait du POS d’Ollioules. (Source : Centre D�partemental d’Information G�ographique)
puce Jaune : "zone naturelle � valeur agricole" ;
puce Rose : "zone r�serv�e aux activit�s commerciales et industrielles" ;
puce Vert � carreaux : "espace bois� class�" ;
puce Vert tout court : "zone naturelle inconstructible"
puce Orange : "zone non �quip�e destin�e � l’habitat" (NA). Les Olivades et l’hypermarch� sont en zone NA.

Au d�but des ann�es quatre-vingt-dix, la Girane, propri�t� voisine des Olivades que les Vuillon exploitent en partie en fermage, est c�d�e en nue-propri�t� [5] aux Hospices de la ville de Toulon. Le l�gataire a souhait� que le superbe mas proven�al qui domine son domaine devienne une maison de retraite. Maurice Arreckx r�gne alors sur le d�partement et ses hospices. Rapidement, le "parrain du Var" �tablit une promesse de vente � la mairie d’Ollioules sans en avertir l’usufruitier (le neveu du l�gataire) ni le fermier, ce qui n’est pas franchement l�gal. Arnoux, toujours dans son optique de b�tonnage, exige le retrait du fermier Vuillon. Comme celui-ci conteste la l�gitimit� de cette tentative d’expulsion, l’affaire est soumise aux tribunaux des baux ruraux. Les diff�rentes proc�dures dureront sept longues ann�es, co�teuses en �nergie et frais d’avocats (la mairie s’en fout, c’est le contribuable qui paie), ce qui permettra � l’�quipe municipale d’�viter d’autres actions visant � d�noncer la cession de la Girane � la ville d’Ollioules. L’usufruitier serait d’ailleurs en position d’engager une poursuite, mais affaibli par l’�ge, il laisse courir.
Les Vuillon gagneront en premi�re instance, en appel et en cassation. La mairie sera m�me condamn�e � verser des indemnit�s pour abus de proc�dure. Pendant ce temps, le mas du l�gataire a �t� ras�, et la zone commerciale s’est d�velopp�e (voir photo ci-dessous). Plus tard, un investisseur signalera son intention d’acheter � la mairie les terrains de la Girane sur lesquels le fermier continue de cultiver des salades. Daniel Vuillon, consid�rant que le prix d’achat est trop �lev� pour faire valoir son droit de pr�emption, finira par n�gocier son retrait.
Fin des salades sur l’ex-Girane, et fin du deuxi�me acte.

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Une partie du terrain qui fut c�d� par son propri�taire initial aux Hospices de Toulon. Pour une fois qu’ Arreckx ne construit pas une maison de retraite, on ne va quand m�me pas le lui reprocher !

Force est de constater l’acharnement de la mairie � �radiquer l’engeance paysanne de ces lieux "consacr�s" au d�veloppement commercial et industriel. Arnoux a laiss� son fantasme de grandes surfaces et de taxe professionnelle en h�ritage. Son dauphin Beneventi reste manifestement accroch� aux vieux sch�mas sans engager de r�flexion contradictoire, comme si le d�veloppement p�riurbain des ann�es soixante-dix, gr�ce auquel le voyageur lambda �vite aujourd’hui tout d�paysement en acc�dant � la p�riph�rie des grandes villes de France, devait rester un mod�le trente ans plus tard. On remarquera pourtant qu’il subsiste encore, dans la zone "d’activit�" voisine des Olivades, des terrains inoccup�s o� les mottes de terre s�che ont avantageusement remplac� les salades.

Mais certains notables bien renseign�s ont peut-�tre quelque int�r�t occulte � d�fendre la politique municipale. Evoquons ici le genre de m�canismes sp�culatifs � l’oeuvre apr�s expropriation.
Une mairie ach�te des terrains d�sert�s au prix, disons, de 20 euros le m�tre carr�. Comme elle n’a pas vocation � �quiper une zone industrielle ni � faire du commerce, elle am�nage la voirie, viabilise le domaine et le c�de, � prix co�tant, � une SCI qui passait par l�. La SCI d�coupe le g�teau, balaye un peu les terrains, fait ce qu’il faut pour c�der � son tour les parcelles nouvellement dessin�es, et organise les ventes. Au prix, disons, de 200 euros le m�tre carr�. Si vous, notable reconnu, avez r�ussi � convaincre un cousin ou une belle-soeur de prendre des parts dans cette SCI, c’est b�n�f pour toute la famille.
La mise en oeuvre et le fonctionnement des SCI, Soci�t�s Civiles Immobili�res, permet de nombreux d�rapages. Maurice Arreckx a beaucoup pratiqu�. Ils sont de plus en plus nombreux, hommes de loi ou politiques, � d�noncer l’opacit� de ces structures d’investissement que certains qualifient m�me de "pousse au crime". Cela dit, ceci ne concerne en rien Ollioules et ses �lus : leur motivation � travailler pour le bien public les �loigne bien s�r de toute pratique de ce genre.

Revenons � Quiez (tranquille, en proven�al). Le troisi�me acte de la pi�ce d�bute avant que ne s’ach�ve le deuxi�me.
Une d�cision minist�rielle du 27 d�cembre 1997 concr�tise le projet de "transport en commun en site propre" sur l’agglom�ration toulonnaise. Suit une enqu�te publique et une DUP qui, cette fois-ci, n’�pargnera pas les Olivades. Si le trac� du tramway correspond � peu pr�s � la somme des propositions des diff�rentes communes concern�es, notons que le passage par Ollioules [6] s’accompagne d’un am�nagement de voirie et de r�serves fonci�res conforme au vieux projet de zone industrielle soutenu par Arnoux et Beneventi. En quoi le tramway est-il concern� par la construction de quatre nouveaux giratoires � proximit� des Olivades, comme l’ont pr�vu Beneventi et les siens sur le cahier des charges ? Initialement, le trac� retenu par ces experts coupait aussi les Olivades en deux, mais le commissaire enqu�teur a att�nu� la radicalit� de l’option.
Une association de sauvegarde s’est constitu�e, des propositions alternatives ont �merg�, dont la pertinence n’est pas moins discutable que celle du projet retenu, mais que les technocrates refusent d’envisager.
Des �lus montent au cr�neau, et pas seulement de gauche. L’engouement pour les AMAP [1] accompagne une nouvelle r�flexion sur l’am�nagement p�riurbain. Les d�put�s Levy et Vitel, les conseillers r�gionaux Chesneau et Couilliot apportent leur soutien aux Olivades. Tout comme Michel Vauzelle et Hubert Falco. A l’occasion d’une c�r�monie des voeux en janvier 2004, ce dernier s’est engag� publiquement dans la bataille en affirmant "qu’aucun m�tre carr� de terre cultivable ne sera touch� sur la commune d’Ollioules". Il para�t qu’il est bien emb�t� d�sormais, car le pr�sident de la commission Transport de TPM (Michel Bru�re) menace de d�missionner � chaque fois qu’il �voque le sujet.
Une deuxi�me enqu�te publique "pour modification", dont le document de travail pr�voit toujours le passage du tramway par les Olivades et la disparition de 10 hectares de terres cultivables sur Ollioules, commence le 14 juin et durera un mois.

La commune, apr�s avoir v�cu l’agonie du march� floral qui faisait sa renomm�e, arrivera-t-elle � en finir d�finitivement avec les bouseux ?
A en croire Christiane Hummel, maire de la Valette et pr�sidente de la commission D�veloppement �conomique de l’agglom�ration, il ne faut pas prendre les choses de fa�on aussi cynique et raconter n’importe quoi. Interrog�e r�cemment sur le dossier, elle a en effet d�clar� : "il n’y a pas de meilleur avocat des Olivades que le maire d’Ollioules."

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[1] Initialement appel�e B52, tout un symbole, avant qu’elle prenne le nom plus harmonieux de A50 dans les ann�es quatre-vingt.

[2] Pour plus de d�tails sur le domaine des Olivades, voir le site qui lui est consacr�. On trouvera aussi sur ces pages les enjeux �conomiques et une pr�sentation des AMAP.

[3] En 2004, Sanary et Ollioules sont toujours respectivement administr�es par Bernhard et Beneventi.

[4] Zone o� l’urbanisation est diff�r�e en raison de la faiblesse ou de l’inexistence des �quipements. Le devenir de la zone est conditionn� par une concertation pr�alable du public ainsi qu’� une proc�dure de modification du POS ou � la cr�ation d’une ZAC (zone d’am�nagement concert�).

[5] Nue-propri�t� : "d�membrement du droit de propri�t�, qui donne � son titulaire le droit de disposer de la chose, mais ne lui conf�re ni l’usage, ni la jouissance, lesquels sont les pr�rogatives de l’usufruitier sur cette m�me chose".

[6] Tous les d�tails du projet et le trac� du tramway figurent sur le site officiel de l’agglom ration.

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