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Deux Salan pour le prix d’un
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jeudi 20 novembre 2003

par Gilles Suchey

L’amicale du groupe Marat, association fond�e par des anciens de la R�sistance, est � l’initiative de l’exposition "Nos lib�rateurs - Toulon ao�t 1944", (jusqu’en f�vrier 2004 au mus�e de la ville).

ette expo nous rappelle que voil� soixante ans, sarrasins et mauricauds abreuv�rent nos sillons d’un sang impur : non parce qu’ils avaient �gorg� nos fils et nos compagnes, mais parce qu’ils tentaient de chasser l’envahisseur germanique des terres gauloises. Evidemment, les revanchards de l’Alg�rie fran�aise souhaiteraient aujourd’hui encore �vacuer d’un coup de pied (noir) le devoir de m�moire. Certains responsables toulonnais ont tra�n� les pieds concernant l’�laboration de la r�trospective. On comprend pourquoi les remerciements des organisateurs adress�s � la municipalit� se limit�rent, lors de l’inauguration, � leurs seuls interlocuteurs du Contrat de ville.
Ce qui n’a pas emp�ch� notre sous-ministre et sur-maire de prononcer ce soir-l� un long discours essoufl�, o� il fut question de m�lange "des races" [1] et de la victorieuse arm�e fran�aise -pas un mot sur la frange qui a sabord� la flotte, car il faut positiver-, et aussi du g�n�ral Patton, � prononcer comme "carton", ou "grand couillon". Manifestement, on avait mal brief� Hubert.

"L’allemand a �t� chass� de Toulon..."

Un des lib�rateurs de la ville se pr�nommait Raoul, ce qui arrive parfois. Raoul �tait colonel et dirigeait le sixi�me r�giment de tirailleurs s�n�galais.

Dans une lettre adress�e � sa hi�rarchie le 1er septembre 1944, Raoul Salan, car c’�tait lui, dresse le bilan des combats : "les diff�rentes unit�s se sont montr�es splendides d’entra�nement, de courage et de science". Puis il chiffre les d�g�ts. Les tableaux ci-dessous reproduisent la disposition du texte original :

Europ�ens
Tu�s Bless�s Disparus
Officiers615-
Sous-officiers18391
Troupe11331

Indig�nes
Tu�s Bless�s Disparus
Officiers---
Sous-officiers4191
Troupe6835516

Si les officiers "indig�nes" furent assez peu affect�s par les combats, c’est qu’il y avait assez peu d’officiers indig�nes (il y en avait, toutefois). Glorieuses troupes coloniales ! On sortait les mal blanchis de leur ignorance, on leur enseignait nos anc�tres les gaulois avant de les envoyer se faire plomber pour la m�re patrie (cf. tableaux, lignes "Troupe"). Et comment ces ingrats nous ont-ils remerci�s, quelques ann�es plus tard ? En exigeant l’ind�pendance !
Le colonel Salan, devenu g�n�ral, aura du mal � supporter le d�membrement de l’empire, sans compter les "trahisons politiciennes" [2].

A Toulon, on a une fa�on un peu particuli�re de percevoir Raoul. Il y aurait celui "d’avant", lib�rateur de 1944, � ne pas confondre avec celui "d’apr�s", putschiste de 1961 et dirigeant d’OAS [3]. Les anciens du Conseil municipal FN pr�tendent c�l�brer le premier mais ne connaissent que le second. Scoop de Cuverville : les deux Salan sont la m�me personne, �lev�e au Banania, aux cours d’Ernest Lavisse et � la bonne exposition coloniale. Raoul n’a en effet rien invent�, ni la r�daction des comptes-rendus militaires, ni le concept de "races" indig�nes, ni cette fa�on touchante de materner les tirailleurs comme un ma�tre caresserait son chien. Il a juste exprim� de fa�on un peu excessive "l’amour de cette France souveraine et douce, forte et g�n�reuse qui portait au loin la protection de ses soldats et le message de ses missionnaires" [4].

L’exposition mont�e par l’historien Gr�goire Georges-Picot est essentielle dans sa rupture avec certaines parano�as bien fran�aises (et particuli�rement toulonnaises) qui datent des ann�es soixante. Car si la d�colonisation a introduit le fantasme du maghr�bin, d’abord fellaga coupeur de service trois pi�ces, puis envahisseur, d�linquant syst�matique, voire terroriste islamiste avec port du voile � l’�cole, cette pr�sentation permettra de remettre quelques faits historiques en perspective et, peut-�tre, �loigner le fantasme...
Toulon est sur la bonne voie. Prochaine �tape : d�baptiser le carrefour Salan [5].


-  NOS LIBERATEURS - Toulon ao�t 1944, une exposition au mus�e d’art de Toulon. Du 8 novembre 2003 au 15 f�vrier 2004. Tous les jours, sauf f�ri�s, de 13h � 18h30. 113, boulevard Mar�chal Leclerc - 83000 TOULON. Renseignements 04 94 36 81 01. Possibilit� d’organiser des visites pour des scolaires.
-  Un avant-go�t de l’expo sur le site de la Ligue des Droits de l’Homme qui fourmille d’informations fort utiles.


[1] D�finition du mot race, � l’intention du ministre qui l’utilise dans ses discours en croyant bien faire : "cat�gorie de classement biologique et de hi�rarchisation des divers groupes humains, scientifiquement aberrante, dont l’emploi est au fondement des divers racismes et de leurs pratiques". Petit Larousse, 1998.

[2] "...Ceux qui avaient �t� tromp�s et bafou�s avec moi, ce n’�tait pas les membres d’une coterie. C’�tait les soldats vivants et morts de l’arm�e d’Alg�rie, leurs camarades de m�tropole, et tout ce peuple confiant et fort, celui-l� m�me qui avait �crit � Cassino, toutes races confondues, une page immortelle de gloire." Extrait de la d�claration du g�n�ral lors de son proc�s devant le Haut Tribunal militaire, en mai 1962 (on le jugeait pour crime contre la suret� de l’Etat).

[3] Organisation Arm�e Secr�te.

[4] Extrait de la d�claration du g�n�ral lors de son proc�s.

[5] Qui n’avait pas de nom avant que Jean-Marie Le Chevallier s’int�resse � son cas. En fait, il s’agit d’un croisement miteux en pente, ce qui n’est pas tr�s respectueux, quand on y pense.



> Deux Salan pour le prix d’un
22 janvier 2004, par   [retour au début des forums]

Votre article foisonne de poncifs et de clich�s. Je ne cherche pas � d�fendre Salan. Il avait des avocats pour �a et ils ont probablement dit des choses justes.Ce qui m’effraie c’est que d’aucuns ravis de leur stupidit� se croient en outre tenus de la colporter.

  • > Deux Salan pour le prix d’un
    24 janvier 2004, par   [retour au début des forums]
    Cher lecteur, merci. Car m�me si les visiteurs du site ne partagent pas toujours notre avis, tant s’en faut, nous appr�cions les interventions comme la v�tre qui, gr�ce � des arguments originaux, pr�cis et d�taill�s, �clairent l’Histoire sous un angle nouveau.

> Deux Salan pour le prix d’un
21 décembre 2003, par   [retour au début des forums]

Souvenirs d’enfance et d’adolescence � Toulon de Jacques Le Goff Jacques Le Goff est n� � Toulon en 1924. Il a publi� en f�vrier 1996 un livre d’entretiens avec Marc Heurgon, sous le titre "Une vie pour l’histoire" - �d. La D�couverte. Avez-vous �t� marqu� par le caract�re militaire et colonial du Toulon d’avant-guerre ?

(...) Je garde un autre souvenir pr�cis du Toulon de mon enfance. Le dimanche et surtout le jeudi, jours de cong�, on faisait souvent une balade sur les anciens remparts de Vauban, transform�s en promenade, sous une belle pin�de. Quand j’�tais tout petit, j’�tais accompagn� par ma nounou, reste peut-�tre du train de vie de ma famille maternelle. Plus tard, ce fut ma m�re qui me conduisait, bien que marchant difficilement, depuis les ennuis de sant� qui avaient suivi ma naissance. Le spectacle qui s’offrait � nous, c’�tait les soldats faisant l’exercice dans les foss�s. Aujourd’hui encore, l’habitude se maintient, d’apr�s ce que me raconte mon fils de son r�cent service militaire � Vincennes. Je me souviens qu’alors j’�tais profond�ment choqu� par la rudesse, l’agressivit� vulgaire des officiers et sous-officiers qui dirigeaient l’exercice. Mais, ce qui me frappait surtout, c’est � quel point ces grad�s �taient souvent physiquement moches et mal fichus, alors que les soldats, pour la plupart des Africains, surtout des S�n�galais, �taient, eux, de beaux gars. Ces petits avortons qui s’adressaient sur ce ton � ces hommes solides et bien b�tis, c’�tait choquant, bien que la force physique ne soit pas parmi mes principales valeurs, et je ne l’ai pas oubli�. Sans doute ma r�action tenait-elle aussi � mon �ducation religieuse, � un certain discours d’amour entre les hommes, de fraternit� chr�tienne, qui reste pour moi toujours valable. J’y ai repens�, en fr�quentant, en historien, les esclaves et les serfs.

  • > Deux Salan pour le prix d’un
    5 janvier 2004, par   [retour au début des forums]
    C’est du racisme ! Qu’ils �taient beaux les Africains ! Qu’ils �taient vulgaires les Officiers et sous-officiers ( des avortons m�tropolitains) ! Attention Monsieur Le Goff, vous allez tomber sous le coup de la loi Gayssot !

> Deux Salan pour le prix d’un
13 décembre 2003, par   [retour au début des forums]

C’est vrai que nous sommes beaucoup plus intelligents aujourd’hui qu’il y a cent ans. Nous savons maintenant que nos p�res et grand-p�res �taient des brutes racistes qui ne voyaient dans l’indig�ne que de la chair � canon. Et tant mieux si tant de nos anc�tres sont morts en chassant les nazis, ils �taient tellement stupides.

  • > Deux Salan pour le prix d’un
    6 mars 2004   [retour au début des forums]

    ils n’�taient peut-�tre pas plus stupides qu’aujourd’hui, mais jusqu’� preuve du contraire, nous vivons dans une Europe en paix (malheureusement ce n’est que l’Europe, me direz-vous).

    Nos anc�tres sont morts en chassant les nazis, vos anc�tres peut-�tre �taient des brutes racistes et vous n’y �tes pour rien ; mais cet article et surtout cette exposition �taient en partie destin�s � montrer qu’une partie des Fran�ais d’aujourd’hui a son ascendance qui provient de ces troupes qui ont combattu pour lib�rer la France... aux c�t�s ou sous les ordres de vos anc�tres brutaux et racistes, ou justes et raisonnables.

> Deux Salan pour le prix d’un
27 novembre 2003, par   [retour au début des forums]

On peut insister sur le fait que le m�pris des �lus et des autorit�s � l’�gard de ceux qui sont morts pour la lib�ration de Toulon ne date pas d’hier : « Je me suis �tendu beaucoup sur la lib�ration de Toulon, mais les hommes qui ont men� pareil combat m�ritent que l’Histoire ne les oublie pas. Je le fais avec d’autant plus de force que le mois d’ao�t 1969 a marqu� le vingt-cinqui�me anniversaire de la lib�ration de la cit� ch�re au c�ur des coloniaux. Or, r�unis � Toulon sur la place m�me o�, avec de Lattre, Magnan et Brosset, nous avions fi�rement d�fil� devant MM. Diethelm et Jacquinot, de hautes autorit�s civiles et militaires de notre pays n’ont pas eu un mot pour le sacrifice des gar�ons du 6�me RTS. » Extrait des M�moires du... g�n�ral Salan. Presses de la cit�, 1970