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LETTRE D'INFORMATION |

Journal de la travers�e de Toulon, 1990-2010

mardi 25 janvier 2011
par Gilles Suchey

Apr�s 20 ans d’expertises, le chantier de la travers�e autorouti�re de Toulon d�marre au d�but des ann�es quatre-vingt dix. On creusera un tunnel pour connecter l’A50 et l’A57 qui d�bouchent toutes deux en plein cœur de ville. Enfin, deux tunnels. Facile, vite fait bien fait, pas plus de neuf ans de travaux. Bon, onze au grand maximum. Allez, disons vingt-trois et n’en parlons plus.

EN 1970, quand la municipalit� toulonnaise publie ses premi�res d�cisions sur le projet, Hubert Falco a 23 ans. Il vit dans le Haut-var et n’est pas encore une option politique dans le panorama local.

En 1990, quand d�butent les travaux, il est � 43 ans maire de Pignans et se pose en dauphin de Maurice Arreckx pour la pr�sidence du Conseil g�n�ral.

Selon Wikip�dia, la travers�e souterraine a �t� valid�e par l’�tat le 5 septembre 1987 avec un budget de 1,223 milliard de francs.

En janvier 1990, le co�t est d�j� estim� � 1,7 milliard. La pythie municipale annonce le d�but des travaux pour cette m�me ann�e. « Les puits et tunnels d’exploration [...] ont d�j� permis de recueillir de nombreuses informations sur la nature du terrain � forer et la m�thode de perforation � mettre en œuvre pour le tunnel, de mesurer les probl�mes d’isolation contre l’eau, de relever avec pr�cision les donn�es g�otechniques pr�paratoires � ce grand ouvrage » [1].
Savourons ces mots que les communicants ne r�p�teront jamais plus : les effondrements � venir prouveront que non, les carottages effectu�s n’ont pas permis « de relever avec pr�cision les donn�es g�otechniques pr�paratoires » ; et des infiltrations � grande �chelle prouveront aussi que la r�putation d’insubmersibilit� du tunnel n’a rien � envier � celle du Titanic.

17 avril 1991 - D�claration d’Utilit� publique et d�marrage des travaux pr�paratoires.

1994 - d�but du percement (septembre 1994, et non janvier 1993 comme annonc� dans un bulletin municipal de 1992). Borie, Spie-Batignolles et Perforex en osmose. « Les travaux ont encore de beaux jours devant eux, m�me si leur planning — comme celui des finances — est respect�, voire anticip�. Les acc�s et le tube Nord (sens Est-Ouest) seront livr�s en 1997 [...] Le tube Sud, dont la construction commencera alors, devrait �tre op�rationnel en 2001 ». Comme on peut le constater, si on tablait en 1990 sur une livraison compl�te � l’horizon 1999, on la repousse d�sormais � 2001, malgr� un planning « respect� voire anticip� ».

1994, c’est aussi l’ann�e o� Hubert Falco devient pr�sident du Conseil g�n�ral du Var. Il a 47 ans.

18 juin 1995 - le FN prend la mairie. Fran�ois Trucy abandonne son fauteuil � Jean-Marie Le Chevallier, les �lecteurs ont sanctionn� des ann�es de d�rives financi�res et de projets urbanistiques douteux (mais en ce qui concerne les id�es s�curitaires et racistes tout va bien).

Mars 1996 - la voute du tunnel s’effondre sur le front Est. Cons�quence : les travaux sont interrompus. Bye bye, le « r�ve r�alit� de 1997 ». Une commission d’expertise se met en place, qui estimera � 600.000 francs le montant du surcout d� � l’effondrement et � l’arr�t des travaux. Six mois d’arr�t sont envisag�s.

Avril 1997 - rapport d’expertise. Les six mois d’arr�t envisag�s durent depuis plus d’un an. L’�tat accepte sans enthousiasme de prendre en charge le surcout. Des critiques ciblent les expertise pr�alables au chantier, les fameux carottages. En conseil municipal, le 23 avril, le socialiste Robert Ga�a d�nonce : « les �tudes n’ont pas �t� pouss�es � fond, la m�thode n’a pas �t� appliqu�e correctement, le proc�d� est conforme � l’appel d’offre mais il n’est pas celui qui a �t� choisi initialement ».

Juin 1997 - reprise du percement apr�s 15 mois d’arr�t.

24 Mars 1999 - incendie du tunnel du Mont Blanc.

En septembre, le conseil municipal discute une proposition du Pr�fet selon laquelle on pourrait couper le tube en voie d’ach�vement � mi-hauteur sur toute sa longueur, de fa�on � cr�er deux niveaux de circulation. Manifestement, certains appr�hendent d�j� le percement du second tube. Les �lus sont majoritairement sceptiques, mais le communiste Lorenzo Mat�os retient l’id�e : « il faut trouver la meilleure solution pour les toulonnais [...] En ce qui concerne les d�lais, cette solution verrait la fin des travaux en 2003 plut�t que 2010 pour le deuxi�me tube ». Tout le monde ignore encore que les conclusions de l’expertise apr�s le drame du Mont-Blanc impliqueront de nouvelles contraintes pour la circulation des v�hicules dans les tunnels de France : l’id�e du pr�fet fera long feu.
Le socialiste Goux, lors du m�me Conseil : « les probl�mes se sont pos�s d�s 1996 quand l’effondrement a eu lieu � cause, entre autres, d’un environnement g�ologique tr�s mauvais, les probl�mes financiers devenaient majeurs, il fallait en tenir compte [...] Il faut savoir que depuis trois ans tout se d�roule de fa�on secr�te, le maire de Toulon n’a pas les documents ». Effectivement : en 1994, la mairie louait encore les efforts de communication et de transparence de la DDE, pr�te � "r�aliser des visites de site et des journ�es portes ouvertes » [2]. Ces temps sont d�finitivement r�volus. « Je suis persuad� que le co�t du second tube sera moindre que pr�vu. 1400 MF [NDLR : l’estimation plafond haut du second tube] me paraissent exorbitants ! » Et pourtant, tu es encore loin du compte.

Mars 2000 - la jonction est r�alis�e, d�butent les travaux d’�quipement.

En mai, le S�nat publie un rapport "sur les moyens n�cessaires � mettre en œuvre pour am�liorer la s�curit� des tunnels routiers et ferroviaires fran�ais". �voquant le tunnel de Toulon, le rapporteur Christian Kert dit : « le second tube est estim� - gr�ce � une meilleure connaissance du sous-sol - � 1,3 milliard de francs. » Toi, tu es encore plus loin du compte.

En octobre, nous interviewons Hubert Falco. Curieux de conna�tre son projet pour la ville avec les municipales qui se profilent. La discussion aborde la r�alisation d’un transport en commun en site propre que Falco conditionne d�j� � la mise en service compl�te et d�finitive du tunnel :
« Il ne faut pas se pr�cipiter. Je dis qu’il faut terminer la travers�e souterraine avant de mettre en chantier le reste. Pourquoi tarde-t-on ?
- �a veut dire que vous laissez la priorit� aux voitures et que le TCSP n’a aucune chance d’aboutir avant 10 ans !
- Mais non ! mais non ! le deuxi�me tube, c’est trois ans !
- Et le premier, �a devait durer combien de temps ?
- (agac�) Dans le premier, des ouvrages ont �t� b�tis qui acc�l�reront la construction du second. Je vous assure, si on s’y met raisonnablement, en trois ans tout peut �tre r�gl�. C’est un horizon raisonnable
 » [3].

18 mars 2001 - Hubert Falco devient maire de Toulon. Il a 53 ans.

19 septembre 2002 - c’est la f�te. 12 ans apr�s les premiers coups de pioche, Falco ouvre le tube Nord � la circulation. 5 ans de retard. Le tunnel fait 3,3 km de long en comptant les tranch�es couvertes et les tr�mies � l’air libre. En fait, on n’a for� que sur 1,85 km mais �a a co�t� 351,5 millions d’euros, soient 2,3 milliards de francs. On tablait initialement sur 1,45 milliard : pr�s de 60% de surco�t.

2003 - d�but des �tudes pour le tube Sud. Montant estim� de l’op�ration : 245 M€.

Janvier 2005 - inondation partielle du tube Nord. Le comble, pour un tunnel r�put� imperm�able. C’est � cause de la nappe phr�atique dans laquelle le tunnel nage en quelque sorte, et qui aime se rappeler au bon souvenir des experts (la coquine).

Novembre 2005 - les travaux relatifs au tube Sud ont failli commencer. Var matin titre : « le deuxi�me tube du tunnel prend 6 mois de retard au moins ». On �tait rest� sur le calendrier suivant : d�marrage du chantier en fin d’ann�e, ach�vement � l’horizon 2009-2010. Mais le tribunal administratif de Nice vient d’annuler la proc�dure d’appel d’offres lanc�e par la DDE pour trouver les prestataires charg�s du percement. Un groupement de soci�t�s �cart�es a attaqu� le choix de la Direction de l’�quipement et obtenu gain de cause. Il faut croire que les sommes en jeu rendent les interlocuteurs sensibles et proc�duriers. Le pr�fet regrette : « la justice a estim� que nous allions trop loin dans la rigueur ». Pourtant, « compte tenu des probl�mes survenus sur le tunnel Nord », l’�tat avait estim� « imp�ratif d’�tre rigoureux et connaitre les entreprises sous-traitantes qui seront amen�es � travailler ». Hubert Falco : « il faut perdre le moins de temps possible et que les travaux d�butent rapidement. J’en ai demand� et obtenu l’assurance. Le plus important c’est que l’horizon 2009 (pour la fin des travaux) soit respect� ». En 2005, Falco conditionne toujours le d�marrage du chantier TCSP � l’ach�vement du tunnel.

F�vrier 2006 - la DDE lance une nouvelle consultation. Finalement, le groupement de soci�t�s qui avait engag� la requ�te en r�f�r� perd encore la mise. Comme en 2005, c’est Bouygues qui gagne face � Vinci.

Premier f�vrier 2007 - lancement des travaux du second tube. Les 6 mois de retard ont encore dur� plus d’un an. L’ineffable magazine M�tropole s’enthousiasme : « on ne plaisante plus : le creusement du 2�me tube de Toulon a vraiment commenc�. Il sera mis en service en 2011, dans trois ans et demi ». � l’occasion du raout inaugural, le directeur de l’�quipement insiste : « nous utiliserons, pour le 2�me tube, les retours d’exp�rience du premier ».

18 mars 2008 - Hubert Falco devient secr�taire d’�tat � l’Am�nagement du territoire. Il d�clare : « l’Am�nagement du territoire est un portefeuille totalement en phase avec ce que je fais pour ma ville, mon agglom�ration. Je le ferai aussi au plan national » [4]. Il a 61 ans.

23 juin 2009 - Hubert Falco n’est plus secr�taire d’�tat � l’Am�nagement du territoire. Bilan d’une ann�e d’action gouvernementale : le maire de Toulon a effectivement fait au plan national ce qu’il fait pour sa ville depuis 2001, c’est � dire qu’il a serr� beaucoup de paluches.

Fin ao�t 2009 - arr�t du creusement � l’Est suite � la d�tection de « mouvements anormaux du b�ti ». En clair, les immeubles se trouvant � la verticale du chantier se l�zardent plus ou moins dangereusement, au point que deux d’entre eux seront progressivement �vacu�s. On constate aussi des soul�vements de trottoir. C’est sans doute ce qu’on appelle « les retours d’exp�rience du premier tube ».

Mars 2010 - des prestataires rigoureux. Des associations de d�fense de l’environnement se sont rendues compte qu’une bonne partie des d�blais et gravats du tunnel atterrissaient dans des d�charges sauvages de l’arri�re pays. C’est vrai que �a co�te moins cher que les d�charges l�gales. Le geste est simple : vous soudoyez un petit propri�taire terrien qui parfois, est maire et conseiller g�n�ral, il accepte que des tonnes de saloperies inertes soient d�vers�es sur son terrain (sable, gravier, argile, schiste), par dessus lesquelles seront ensuite plant�s des oliviers ou de la vigne. C’est encore plus dr�le quand le site est class� Natura 2000 ou AOC. Le vice-procureur de la R�publique en charge du dossier est tr�s m�content et requiert de lourdes amendes (600.000 euros pour des propri�taires � Signes, 200.000 euros pour l’entreprise charg�e du d�blaiement) en exigeant la remise en �tat des sites identifi�s. L’affaire est mise en d�lib�r� au 23 avril.

23 avril 2010 - un tribunal compr�hensif. Les propri�taires des terrains de Signes ont �t� reconnus coupables. Ils sont condamn�s en cons�quence � 30.000 euros d’amende chacun ; la remise en �tat des terrains n’est pas demand�e. C’est tout ? Ahurissante intemp�rance des juges ? Peut-�tre, mais au regard du n’importe quoi ambiant, il faut admettre qu’il y a une certaine coh�rence.

19 juillet 2010 - le percement reprend � l’Est. Dans un entretien avec Var matin, le pr�fet de r�gion Michel Sappin admet qu’� cause de l’arr�t et des probl�mes apparus en surface, la note s’alourdira sans doute de « plusieurs dizaines de millions d’euros ». On attend l’expertise. La douloureuse est pour l’instant estim�e � environ 300 M€.

6 d�cembre 2010 - vous allez rire, disent les experts de l’�tat : le co�t du chantier est r��valu� � 453 millions d’euros. +85% si on se r�f�re aux estimations de 2003. Depuis le d�but, l’agglom�ration TPM est engag�e � hauteur de 22,5%, comme le D�partement. L’�tat et la R�gion se r�partissent � �galit� les 55% restants. Mais concernant la brusque augmentation de 161 millions d’euros, les collectivit�s locales font un peu la gueule et souhaiteraient voir l’�tat assumer les approximations de la maitrise d’ouvrage. De toute fa�on personne n’a le pognon, alors on est bien emb�t�.

17 janvier 2011 - la solution ? � l’occasion d’un comit� de pilotage, les partenaires s’accordent « pour demander la prise en charge financi�re par le concessionnaire de l’A57 en contrepartie d’une extension de la dur�e de sa concession. Le minist�re de l’�cologie devra recueillir l’avis du conseil d’�tat sur cette modalit� de financement intitul�e "adossement" » [5]. Le concessionnaire de l’A57 se nomme Escota, c’est-�-dire ASF, c’est-�-dire Vinci qui fait un beau retour dans la partie apr�s exclusion � l’entr�e du second tube (voir plus haut, ann�es 2005-2006).

En 2011, la mairie de Toulon attend toujours l’inauguration du tunnel pour d�buter le chantier du TCSP.

Cette inauguration est aujourd’hui pr�vue pour le printemps 2013. Hubert Falco aura alors 66 ans.

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Lire aussi : Journal de la travers�e de Toulon, 1970-1990

...Et consulter le passionnant forum SARA consacr� au tunnel

[1] Vivre � Toulon, janvier 1990.

[2] Vivre � Toulon, mars 1994.

[3] Cuverville n°52, novembre 2000.

[4] Var matin, 19 mars 2008.

[5] Communiqu� du Pr�fet de R�gion.

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