L’ "�me proven�ale" en panache brandi bien haut. C’est sous cette banni�re faussement rassurante et vide de sens que s’�croulent les projets de r�novation urbaine de la ville de Toulon.
EXPERT en pots de fleurs, sp�cialiste du dos d’�ne et de l’arbre �clair� par la racine, orf�vre des ravalements de fa�ades, champion du street painting sur trottoir � fin de d�veloppement du r�seau cyclable, le maire de Toulon est �galement un bel artificier en projets fumeux.
Le plus symptomatique concerne l’ancienne bourse du travail. Elle abrita jusqu’en 1927 le palais de Justice et la prison avant d’h�berger les syndicats. Que la municipalit� Front national d�logea il y a une quinzaine d’ann�es en vue d’une r�habilitation du b�timent ...qui tarde � venir. Des parpaings barrent l’acc�s � d’�ventuels squatteurs et on attend toujours de lui trouver une nouvelle destination. Pour reprendre un vocabulaire cher � Hubert Falco, la Bourse du Travail, c’est l’arl�sienne du centre-ville. Pourtant, les projets n’ont pas manqu�. L’opposition proposait la grande m�diath�que dont Toulon est encore d�pourvue, ou une auberge de jeunesse, dont Toulon est aussi d�pourvue.
La mairie, elle, pense � autre chose. � plein de choses. Ca fourmille, l� dedans. Un jour on d�cide que ce sera un centre pour les �tudiants. Un centre ? Oui un centre. Tu vois un truc avec des choses l� et l�, mais pas culturel parce que �a c’est pour les Halles (voir plus bas). Mais nous n’en saurons pas plus car � la fin de l’ann�e 2008, Hubert Falco a chang� d’avis. Il croit dur comme fer � l’ouverture d’une franchise Sciences-Po � Toulon. L’histoire dit qu’il a taill� une bavette dans le TGV avec Olivier Duhamel et que celui-ci, bon VRP de la prestigieuse �cole, lui a fait miroiter l’installation d’un troisi�me cycle en �tudes africaines et chinoises. � l’�poque, Hubert est un fringant secr�taire d’�tat � l’Am�nagement du Territoire et tout semble possible.
Depuis, cette antenne s’est pos�e � Menton pour un co�t de 12 millions d’euros � la charge de la Ville. Bizarrement, Hubert ne la ram�ne plus et pour l’ancienne Bourse du Travail toulonnaise, on parle d�sormais d’un Monoprix apr�s concession du b�timent � une holding. Ca va plaire aux �tudiants (quand ils seront l�).
Le serpent de mer ressurgit dans un projet un peu plus vaste concernant tout l’�lot Baudin, ce p�t� vieillot, insalubre, lugubre, encadr� par les rues Baudin, F�lix-Pyat, Al�zard et d’Astour. La ma�trise — sic — de la r�novation est port�e par TPM et l’Agence Nationale de R�novation Urbaine [1].
Quelques photos pour appr�cier l’ampleur de la t�che :
Dans le projet de r�novation du centre ancien le paragraphe "Baudin" s’inscrit � hauteur de 20 millions d’euros, pour un co�t total de 168 millions d’argent public et 100 (hypoth�tiques) millions d’investissements priv�s. D’apr�s Robert Alfonsi, vice-pr�sident du Conseil r�gional PACA et aussi conseiller municipal, la R�gion avait engag� 7 millions d’euros pour la r�habilitation du centre ancien ...mais n’en a d�pens� que 200.000 � cause du retard pris par l’agglom�ration TPM. De son c�t�, la ville de Toulon assure que les premiers travaux d�buteront en 2011 pour l’�lot Baudin. Sauf que justement, la convention sign�e avec l’ANRU en 2006 pr�voyait la fin des travaux pour cette m�me date. Le rapport d’�tape remis � l’ANRU pointe des dysfonctionnements, tant dans le dossier initial que l’agence avait pourtant avalis� [2] que dans la volont� de TPM de mener � bien l’op�ration.
Si un jour elle se mettait en route, elle ferait appara�tre selon la propagande officielle :
des places publiques sur lesquelles se dresseraient des arbres ;
des logements dont 120 �tudiants, 30 sociaux, 20 libres, soient 170 h�bergements pour d�j� reloger les 70 familles vivant actuellement dans l’�lot et aussi accueillir les 1500 � 2000 nouveaux �tudiants de la dalle des Ferrailleurs, en plus des 2600 �tudiants d�j� inscrits en Droit [3]. Ce que la propagande oublie de rappeler, c’est que les logements �tudiants devaient initialement s’�lever � plus de 200. Mais ils ne font pas l’objet d’un financement par l’ANRU, c’est � TPM ou � Toulon de les prendre en charge. On a donc tout simplement divis� le nombre par 2. Plus largement, il se pourrait que des habitations soient c�d�es � des bailleurs priv�s qui n’h�siteront pas � faire payer le prix fort � la population locale ainsi qu’aux possibles �tudiants ;
des commerces et des services. Parmi ces services, un seul est sp�cifi�. Il s’agit d’une micro-cr�che. Il en existe d�j� une � l’Escaillon qui garde 9 enfants en continu, 24h/24. Petit rappel : Toulon compte 6000 enfants de moins de trois ans, d’apr�s la mairie. Les structures municipales ont une capacit� d’accueil de 670 places. Avec les cr�ches de la Caisse d’allocations familiales, celles de l’Arm�e et les cr�ches associatives, ce sont, sauf erreur, 4000 enfants qui sont pris en charge [4]. Il y aurait dans le centre ancien, en tout, si la r�novation arrivait � terme, deux micro-cr�ches, soit une capacit� d’accueil de 18 pour les enfants en tr�s bas �ge. Nous sommes loin de la cr�che de 50 enfants inscrite dans le projet ANRU 2006. De m�me, il n’est plus question d’un centre social de sant� ouvert aux personnes en difficult� ; peut-�tre M. Falco estime-t-il que les m�decins qui ont r�cemment d�m�nag� pour profiter de l’effet d’aubaine de la zone franche en centre-ville pourront accueillir sans rechigner les patients b�n�ficiaires de la CMU [5].
La livraison du nouvel �lot Baudin est pour le moment programm�e pour 2013 et les travaux n’ont pas commenc�, pas m�me sur les espaces dont la mairie a la ma�trise fonci�re [6]. Mais d’ici 2013, quelques appartements auront encore pris feu, des murs se seront �croul�s, les b�b�s d’aujourd’hui seront scolaris�s en maternelle, l’Universit� de Toulon aura disparu et plus personne ne s’arr�tera � Toulon puisque tout le monde prendra le tunnel. On plaisante... Ce qui est s�r, c’est que ce retard compromet le financement des op�rations. « � partir de 2011, (...) l’ANRU est en l�vitation financi�re » [7].
Autre projet fumeux : la r�habilitation des Halles municipales. En juin 2009, les habitu�s du Score Bar s’�taient frott�s les yeux � plusieurs reprises. La mairie se h�tait-elle de r�nover ce lieu fant�me ? Ces pauvres murs se lamentaient depuis sept ans. En guise de r�novation, ce ne fut qu’une op�ration de d�blaiement. Depuis 2002 donc, vous pouvez vous amuser � crier fort � travers les grilles d’entr�e, personne ne vous r�pondra. La promptitude de la municipalit� � d�truire est � l’oppos� de sa capacit� � cr�er.
Officiellement, la mairie toulonnaise parle d’un centre �tudiant int�gr� au p�le universitaire. Officiellement oui, parce que dans le cerveau d�sormais lib�r� de toutes contraintes minist�rielles de notre Tartarin toulonnais, �a remue m�ninge s�v�re. De ses sommeils polyphasiques ressort un r�ve lancinant : installer dans ces Halles la FNAC ! Apr�s le Monop’ � la Bourse, Hubert souhaite voir une grande enseigne dont tout le monde applaudit la merveilleuse politique de d�veloppement culturel et de soutien aux disquaires et libraires ind�pendants.
L’agglo, de son c�t�, continue de bosser sur le dossier. Elle dit vouloir offrir � ses habitants un lieu d’expression artistique [8]. Si l’on en croit un responsable culture � TPM cit� par Var Matin [9], les Halles municipales accueilleraient : dans un coin des expositions multim�dia, de la documentation pour sortir, une billetterie pour aller aux spectacles - ces services sont d�j� pr�sents � la Maison de l’�tudiant -, dans un autre une m�diath�que, une sc�ne pour de petits concerts, des repr�sentations th��trales, des studios de r�p�titions, un caf�, et on en passe et des meilleurs. Bref, comme on ne sait pas quoi faire alors autant faire un tapas culturel insipide, dans lequel il manque tout de m�me deux ou trois chambres �tudiantes, un coiffeur designer capillaire et un fast-food v�g�tarien qui vendrait quand m�me de la viande pour rassembler le plus de monde. Ce m�me responsable annonce l’ouverture pour une date ni trop proche ni trop lointaine : la fin de l’ann�e 2013, certainement pour �tre raccord avec l’ouverture du deuxi�me tube de la travers�e souterraine. A moins que cela ne tombe juste avant les �lections municipales de 2014...
Le Conseil G�n�ral aura sans doute aucun son mot � dire en tant que grand argentier de la culture dans le Var.
Bref, les bonimenteurs institutionnels s’entendent sur « un lieu de vie adapt� aux �tudiants principalement mais ouvert aussi � tous, aux habitants du quartier », « bouillonnant mais apaisant » [9]... Comme le bouillon d’onze heures ?
Article modifi� le 30 novembre 2010.
[1] Pour plus de renseignements, voir l’agence Espacit� en charge du rapport d’�tape.
[2] Une des explications serait que les cr�dits furent attribu�s aux premiers dossiers mont�s.
[3] Toulon Magazine, automne 2009.
[4] Toulon Magazine, automne 2010.
[5] 68% des personnes du centre ancien vivent en dessous du seuil de pauvret� ; 50% vit m�me avec moins de 750 euros par mois.
[6] La mairie et l’agglom�ration d�tiennent 97% du foncier. Sur l’ensemble du centre ancien, on compte 86 m�nages relog�s contre 176 qui ne le sont pas. Les �tudes nationales montrent que ce sont les m�nages les mieux ins�r�s socialement qui retrouvent un logement plus confortable. Mais les projets labellis�s ANRU n’ambitionnent-ils pas de disperser les pauvres et d’op�rer une gentrification des quartiers populaires ? cf. Manuel Domergue, « Bilan mitig� pour la r�novation urbaine », dans Alternatives Economiques, n°296, novembre 2010.
[7] Alternatives Economiques, n°296, novembre 2010
[8] lors de la signature de la convention ANRU en 2006, il �tait question d’une Maison de la culture et du tourisme, rue Chevalier-Paul, mais l’id�e est, semble-t-il, abandonn�e.
[9] Var Matin, 8 juin 2010