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LETTRE D'INFORMATION |

Journal de la travers�e de Toulon, 1970-1990

vendredi 14 janvier 2011
par Gilles Suchey

Subtil dosage d’expertises de comptoir � gros enjeux financiers, d’approximations technologiques et de fanfaronnades en tous genres, le dossier a d�j� consomm� quatre maires et 27 ministres des transports, de l’�quipement, de l’urbanisme ou de l’Am�nagement du territoire, selon l’appellation en vogue. On aura estim� son co�t en euros apr�s avoir utilis� les francs et m�me les anciens francs. C’est un projet "fondamental qui verra son ach�vement � moyen terme", depuis plus de quarante ans.

LA premi�re d�cision municipale concernant la travers�e autorouti�re de Toulon remonte � 1970.

Contrainte par la mer au Sud et le mont Faron au Nord, la ville n’est accessible que dans l’axe Est-Ouest. L’autoroute A50 venant de Marseille a �t� livr�e en septembre 1969. De l’autre c�t�, vers Nice, le premier tron�on de l’A57 reliant Toulon � La Valette est en activit� depuis 1968. On aurait sans doute pu �viter de d�verser le flux autoroutier au cœur m�me de la ville, toujours est-il que ces choix de la municipalit� Arreckx (droite antigaulliste) en induisent un autre : pour joindre les deux bouts, la travers�e de Toulon s’impose comme une �vidence (ceux qui en 2011 continuent de penser que le contournement du Faron par l’�largissement de la D46 eut �t� la moins pire des solutions ont tort puisque cette option ne sera jamais retenue).

1970 : une rocade par dessus les bougnoules

« Un tron�on d’autoroute � l’Ouest, une autre � l’Est, une corniche varoise au Sud, c’est certes appr�ciable. � condition que, pour aller d’une de ces voies aux autres, le centre de l’agglom�ration ne constitue pas un v�ritable bouchon qui annihilerait les bienfaits cr��s par les sorties et entr�es de la ville. […] On a d’abord envisag� une voie au sol. Mais il s’est rapidement av�r� que cette v�ritable tranch�e que l’on serait oblig� de creuser dans la vieille ville serait, bien s�r on�reuse et lente � r�aliser vu les expropriations qu’elle exigerait [...] En outre, cette fracture faite au cœur de l’agglom�ration, cette s�paration de la ville en deux blocs serait inconcevable au point de vue �conomique et urbanistique, la vie de la vieille ville �tant la premi�re atteinte. On pensa alors � une voie souterraine. Celle-ci ne pourrait �tre tr�s profonde (il faut penser aux pentes des entr�es et sorties) et n�cessiterait la d�molition des immeubles actuels situ�s sur le trac� envisag�. On pourrait peut-�tre ensuite reb�tir sur cet emplacement, mais cette seconde solution, comme la premi�re, serait tr�s on�reuse. La troisi�me solution serait celle d’une travers�e de la basse ville par voie a�rienne, selon des m�thodes employ�es utilement dans d’autres cit�s m�diterran�ennes comme G�nes et surtout Marseille [...] Cette voie surplombant les toits de la vieille ville serait plus �conomique […] Il importe que le projet actuel de cette rocade soit inscrit au VI�me plan, ce qui lui permettrait d’�tre ouverte � la circulation avant la fin de ce dernier » [1].

Le fantasme sur les ponts autoroutiers de G�nes et Marseille pr�te � sourire (jaune) en 2011, tout le monde �tant d�sormais convaincu du d�sastre urbanistique qu’ils incarnent. � tel point que Marseille a entrepris la destruction du viaduc des docks en 2008. Autres temps, autres mœurs.
On remarque qu’en 1970 l’option souterraine a d�j� �t� envisag�e. Quant � la planification, elle permet de donner une coh�rence nationale aux initiatives locales. Le VI�me Plan, lanc� en 1970, s’ach�vera en 75.

En novembre 1972, le premier adjoint Henri Fabre continue d’afficher un bel optimisme sur le projet : « cette travers�e qui passera au sud de la ville devrait �tre r�alis�e � moyen terme » [2].

Elle survolera les toits du centre ancien. Aucune importance : il est insalubre et notoirement habit� par les ouvriers basan�s qui ont reconstruit tout Toulon apr�s la guerre, � part cette zone o� on les rel�gue.

Henri Fabre : « si on a int�r�t � ce que la circulation fonctionne le mieux possible, on a �galement int�r�t � ne pas trop d�router les gens qui passent par notre ville, les touristes... Tous ceux qui participent � faire vivre notre cit� » [2].

Ce qui est dr�le, c’est que le racisme et la strat�gie �lectoraliste d’Arreckx et de ses successeurs auront finalement permis de pr�server l’�me populaire du centre ancien, cette « basse ville » dont on ne commencera � brosser les murs l�preux qu’une trentaine d’ann�es plus tard sous le regard attendri de l’architecte des B�timents des France.

Car la travers�e a�rienne n’ira pas plus loin. � cause, peut-�tre, de l’�motion suscit�e par l’image d’un pont � quatre ou six voies surplombant le march� du cours Lafayette, particules de m�taux lourds tombant du ciel pour assaisonner les belles salades chant�es par Gilbert B�caud. Qu’importe. Les projets, � Toulon, ce n’est pas ce qui manque.

1974 : quatre travers�es au sol et en sous-sol

Une farandole de b�ton, un double objectif : d�penser le plus d’argent public possible en abandonnant le maximum d’espace � la bagnole.

Travers�e Sud par un tunnel � quatre voies entre la place Monsenergue et le rond-point Bazeilles, puis un �changeur sur le rond-point renvoyant directement sur l’A57 par une six voies recouvrant la rivi�re de l’Eygoutier. Travers�e m�diane par un tunnel priv� (et donc � p�age) sous le boulevard de Strasbourg. Travers�e « touristique » par la corniche Escartefigue directement connect�e � l’A57 et l’A50 via de nouveaux �changeurs. Et enfin, travers�e Nord �vitant la ville par le contournement du Faron.

Les plans se d�couvrent sur une dizaine de pages dans une revue d’informations municipale de 1974 sous-titr�e "Les 4 grands dossiers de Toulon". « La municipalit� s’est efforc�e d’�viter de saccager le site, de d�truire l’urbanisme de la ville et de cr�er de nouvelles nuisances. De l� l’abandon de certains projets qui ont fait beaucoup parler d’eux, telles la travers�e a�rienne de Toulon. [...] On aurait pu, dans le cadre de cette �tude, de cette information, parler de bien d’autres projets plus on�reux mais possibles : couverture de la voie ferr�e par exemple, passage souterrain sous la basse ville, mais la responsabilit� d’un �lu est d’abord de faire des choix et de trouver ensuite les moyens de les concr�tiser et de les r�aliser. Il nous est agr�able de rappeler que les choix municipaux ont fait l’objet d’�tudes tr�s pr�cises de la part des techniciens, des sp�cialistes et qu’ils apportent, de ce fait, toutes garanties aux Toulonnais qui n’ont pas toujours toutes les donn�es n�cessaires pour juger ».

« Voil� donc des projets, certes tr�s couteux, mais raisonnables qui devraient �tre r�alis�s dans les 20 ans qui viennent au maximum, et si possible plus rapidement ».

Bon. Aucune des solutions �voqu�es en 1974 ne verra jamais le jour.

1977 : Un tunnel � p�age financ� par la ville, l’�tat et ESCOTA

Maurice Arreckx, maire depuis 1959, pr�pare sa r��lection en gonflant la communication municipale : « depuis une quinzaine d’ann�es, le probl�me de la travers�e de Toulon figure parmi les principales pr�occupations de la municipalit�. Des �tudes s�rieuses ont �t� entreprises depuis environ 8 ans pour tenter de rechercher une solution satisfaisante. Un grand nombre de solutions ont �t� �tudi�es plus ou moins en d�tail suivant le degr� de vraisemblance qu’il �tait permis d’y attacher (entre 36 et 40) » [3]

« En premier lieu un projet avait �t� �tabli qui devait faire passer la travers�e � l’aplomb du quai Stalingrad, la voie d�bouchant � l’Eygoutier, rivi�re qui, recouverte, devait �tre am�nag�e en autoroute. Hors le fait que ledit projet �tait estim� en francs 1976 � quelques 45 milliards anciens [sic], il offrait le d�savantage d’�tre repouss� par un grand nombre de riverains anxieux de voir creuser si pr�s de leurs immeubles, malgr� les qualit�s des techniques actuelles. De plus, il apparaissait aberrant qu’une travers�e souterraine soit construite devant la plus belle rade d’Europe. Il semble aujourd’hui que l’on s’oriente vers un nouveau projet qui permettrait […] d’installer cette travers�e souterraine derri�re la voie ferr�e […] Petit handicap, cette autoroute souterraine serait � p�ages et par cons�quent emprunt�e presque uniquement par ceux qui ne seraient nullement d�sireux de s’arr�ter dans Toulon. Mais, avantage par contre extr�mement int�ressant, la municipalit�, � la suite d’accords � traiter avec le gestionnaire de ladite travers�e, s’engagerait � verser une certaine somme d’argent afin de contraindre les poids lourds � l’emprunter sans avoir � acquitter une taxe quelconque. La circulation dans la ville d�sormais sans poids-lourds serait largement facilit�e et la diminution de la pollution particuli�rement cons�quente » [4].

En 2010, les anciens habitants de l’Esplanade vir�s de leur appartement par crainte d’un effondrement (on verra �a dans le deuxi�me chapitre), seront sans doute rassur�s de constater que des solutions avaient jadis �t� �cart�es au motif qu’on aurait creus� « trop pr�s des immeubles ».
Notons aussi que 34 ans apr�s avoir admis que la circulation des poids-lourds pouvait entra�ner une « pollution particuli�rement cons�quente », la mairie les autorise toujours � traverser la ville. Ben oui couillon, par o� tu veux qu’ils passent ?

« Le co�t des ouvrages envisag�s est de l’ordre de 400 millions de francs. � ce jour, le financement de cette d�pense est fix� � 30 millions pour la ville et 70 pour l’�tat. Pour le solde, le Minist�re de l’�quipement a fait appel � la Soci�t� ESCOTA � qui il a confi� la concession pour la construction et l’exploitation de l’ouvrage. ESCOTA apporterait le financement suppl�mentaire. Un p�age devrait �te institu� qui serait de l’ordre de 3,5 Fr » [3].

En 1982, le tunnel public/priv� tient encore la corde. La travers�e de Toulon sera inscrite au VIII�me Plan, c’est s�r, elle est juste un peu plus ch�re que pr�vu : « ce projet permettrait d’am�liorer consid�rablement la qualit� de vie et de donner au centre-ville une physionomie "� taille humaine". Pour l’heure, toutefois, et malgr� les assurances du ministre, aucune solution financi�re n’a �t� avanc�e. De fait, pour un projet d’int�r�t r�gional et m�me national, il est hors de question que les contribuables toulonnais supportent seuls la charge de cette r�alisation dont les experts chiffrent le montant � 70 milliards de centimes » [5].

1987 : un tunnel public et gratuit financ� par la Ville, le D�partement, la R�gion et l’Etat

Maurice Arreckx a abandonn� son fauteuil de maire pour s’installer aux commandes du Conseil G�n�ral. Son ancien adjoint Fran�ois Trucy lui a succ�d� en 1985, tous deux donneront le premier coup de pioche des grands travaux : car cette fois-ci, oui, voil� LE projet, miracle de la d�centralisation, mes amis, on aura mis 20 ans mais on y est, juste le temps de percer et c’est enfin r�gl� : « le r�ve-r�alit� de 1997 », s’enflammera Trucy !

« Ce chantier d�marre en 1990 avec l’�largissement � deux fois trois voies de l’arriv�e Est de l’autoroute. Un �largissement livr� en 1992, un premier tube Est-Ouest ouvert gratuitement � la circulation en 1997 et la totalit� de la Travers�e avec le deuxi�me tube en 1999. Au total, un investissement de 1700 millions pris en charge par l’�tat, la R�gion (55%), le Conseil g�n�ral et la Ville (45%) » [6]

Malheureusement pour eux, ce n’est ni � Arreckx (bient�t en prison), ni � Trucy (bient�t sur la touche) que reviendra l’honneur d’inaugurer le tunnel d�finitivement achev�. Ni au successeur de Trucy. Ni peut-�tre au successeur de son successeur. Mais de tout cela nous parlerons dans la deuxi�me partie de ce journal.

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[1] Les cahiers toulonnais d’informations municipales, 1970.

[2] Revue d’informations municipales, "Toulon face � son expansion", 1er novembre 1972.

[3] Revue d’informations municipales, "le bilan positif de l’exp�rience pour une promotion �vidente de notre cit�", mars 1977.

[4] Villes �quipements sp�cial Toulon, le magazine de l’�quipement des municipalit�s modernes, "le temps des grands �quipements", 1977.

[5] Vivre � Toulon, avril 1982.

[6] Vivre � Toulon, janvier 1990.

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