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LETTRE D'INFORMATION |

Articles I-52 et II-70 : Giscard fait l’�p�tre

Un (ou deux) article(s) par semaine
lundi 21 mars 2005
par Gilles Suchey
Le trait� constitutionnel europ�en s’int�resse � la spiritualit� des citoyens de l’Union.
Si les partisans du "oui" saluent un « trait� [qui] reconna�t le caract�re la�c de l’Europe » [1], les partisans du "non" d�noncent une « constitution qui tourne le dos � la la�cit� » [2]. On constate l� une petite divergence dans l’interpr�tation du texte. Voyons �a de plus pr�s.

LE pape aurait aim� que la Constitution « mentionne explicitement les racines chr�tiennes du continent », mais les membres de la Convention europ�enne charg�s d’�laborer le document ont probablement jug� qu’il serait difficile de faire avaler l’hostie aux adh�rents les moins culs-b�nis de l’Union... Ou aux postulants les plus musulmans.
Le projet de trait� constitutionnel, qui s’inspire « des h�ritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe », entend toutefois s’adresser � l’intime et au Sacr�. Saluons au passage la tr�s influente Commission Episcopale de la Communaut� Europ�enne (COMECE), pour son efficace travail de lobbying aupr�s de la Convention. La COMECE a mouill� le maillot sous la chasuble pour qu’existe un article statuant sur les relations entre Eglise et institutions europ�ennes.

Article I-52 : Statut des �glises et des organisations non confessionnelles.
1. L’Union respecte et ne pr�juge pas du statut dont b�n�ficient, en vertu du droit national, les �glises et les associations ou communaut�s religieuses dans les �tats membres.
2. L’Union respecte �galement le statut dont b�n�ficient, en vertu du droit national, les organisations philosophiques et non confessionnelles.
3. Reconnaissant leur identit� et leur contribution sp�cifique, l’Union maintient un dialogue ouvert, transparent et r�gulier avec ces �glises et organisations
.

Cet article ne choquera sans doute pas un citoyen polonais [3]. Mais d’un point de vue strictement hexagonal, il traduit objectivement un recul de la la�cit�. Les r�dacteurs de la Constitution fran�aise de 1958 n’avaient en effet pas jug� utile d’y d�finir un statut des organisations confessionnelles, et ne citaient le mot religion qu’une fois, dans l’article premier : « la France est une r�publique indivisible, la�que, d�mocratique et sociale. Elle assure l’�galit� devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances ».

On peut s’�mouvoir de la place singuli�re accord�e par l’article I-52 aux organisations confessionnelles - � faire palir d’envie les partenaires sociaux.
On peut s’�tonner que la Constitution europ�enne am�nage elle-m�me la d�fense de ces organisations contre toute vell�it� interventionniste... des institutions europ�ennes (relisez le premier alin�a) !
On peut postuler que gr�ce au dialogue ouvert, certains membres de l’Union envisagent d�j� le financement institutionnel des lieux de culte.
On peut regretter l’expression communaut�s religieuses, dont aucun �l�ment du texte ne fixe les limites. Il se trouve que la Su�de a �lev� l’Eglise de Scientologie au rang de communaut� religieuse en mars 2000. Le trait� constitutionnel europ�en �tablit ainsi la reconnaissance internationale d’une entreprise que l’on ne pourra d�finitivement plus qualifier de secte, dans la mesure o� l’article I-52 place de fait les scientologues au m�me rang que les catholiques, les protestants, les juifs ou les musulmans. En terme de lobby, il y a manifestement des officines encore plus discr�tes que la COMECE, et tout aussi efficaces !

Article II-70 : Libert� de pens�e, de conscience et de religion.
« 1. Toute personne a droit � la libert� de pens�e, de conscience et de religion. Ce droit implique la libert� de changer de religion ou de conviction, ainsi que la libert� de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en priv�, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. Le droit � l’objection de conscience est reconnu selon les lois nationales qui en r�gissent l’exercice ».

Ces mots semblent l�gitimer des comportements ayant peu de chose � voir avec la R�publique indivisible et la�que. Le sujet est particuli�rement sensible, en ces temps de stigmatisation des signes ostentatoires port�s par les �pouses et filles des terroristes islamistes. « Que deviendra la l�gislation fran�aise sur le port du voile ? », s’inqui�te le gentil organisateur du Puy du Fou, Philippe de Villiers.

Fran�ois Hollande (PS), Dany le rouge (Verts), Anne-Marie Comparini (UDF), Jean-Pierre Raffarin et tous leurs amis du PAF peuvent opposer deux arguments � Villiers, Le Pen, et � la cohorte des bouffeurs de cur�s.
D’abord, l’article II-70 ne sort pas du chapeau. On retrouve la formulation du premier alin�a dans plusieurs textes fondamentaux, et pas des moindres : la D�claration universelle des droits de l’homme du 10 d�cembre 1948 [4] en particulier, et surtout la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libert�s fondamentales, aussi appel�e Convention europ�enne des droits de l’Homme (CEDH). Pourquoi se r�f�rer surtout � la CEDH ? Parce qu’elle a �t� adopt�e par le Conseil de l’Europe, et que pour avoir une chance d’int�grer l’Union, il faut l’avoir ratifi�e. Le texte de la CEDH a �t� amend� plusieurs fois mais l’article qui a inspir� Giscard �tait d�j� �crit dans la version initiale de 1950. Cela ne nous rajeunit pas. Alors, pourquoi s’inqui�ter de mots en usage depuis plus de cinquante ans ?
L’autre argument est plus technique et corollaire du premier : le Conseil Constitutionnel, dans sa d�cision du 19 novembre 2004 [5], a conclu � la compatibilit� entre les normes de la Constitution fran�aise et celles de la "charte des droits fondamentaux de l’Union" (c’est-�-dire la partie II du trait� constitutionnel europ�en). Pas de souci, donc, le Droit fran�ais pourra continuer � s’appliquer.

Les anxieux qui ne se contentent pas de la douce m�lop�e des spots radio/t�l� [6] pour asseoir leur opinion ne sont pas rassur�s pour autant.
Les d�fenseurs du trait� �voquent la CEDH ? Prenons-les au mot et lisons pr�cis�ment son article 9, celui qui a servi de mod�le au II-70 de la Constitution europ�enne :
« 1. Toute personne a droit � la libert� de pens�e, de conscience et de religion ; ce droit implique la libert� de changer de religion ou de conviction, ainsi que la libert� de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en priv�, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La libert� de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, pr�vues par la loi, constituent des mesures n�cessaires, dans une soci�t� d�mocratique, � la s�curit� publique, � la protection de l’ordre, de la sant� ou de la morale publiques, ou � la protection des droits et libert�s d’autrui
 ».
Le deuxi�me alin�a est essentiel. Son but est de cadrer le premier, de restreindre son champ d’application conform�ment au Droit national. Mais Giscard l’a oubli� en route quand il a fait son copier-coller. Ce qui change consid�rablement la donne. Il y a donc de quoi s’inqui�ter.

"Pas le moins du monde !", protestent les z�lateurs du oui, qui devront quand m�me revenir au d�but du trait� soumis au r�f�rendum pour tirer leur derni�re cartouche.
L’article I-9 relatif aux droits fondamentaux d�clare : « l’Union adh�re � la Convention europ�enne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libert�s fondamentales » (la CEDH). Et aussi : « les droits fondamentaux, tels qu’ils sont garantis par la Convention europ�enne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libert�s fondamentales et tels qu’ils r�sultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, font partie du droit de l’Union en tant que principes g�n�raux ». En clair, cela veut dire que l’int�gralit� de la CEDH a valeur constitutionnelle. Et donc, l’alin�a 2 de l’article 9 de la m�me CEDH, dont il �tait question plus haut, est toujours valable.

Vous suivez ? Simple, non ? Tellement simple qu’� la lecture de l’article II-70, le ministre turc des affaires �trang�res a conclu qu’il faudrait que son pays abroge l’interdiction du port du voile dans les lieux publics en vigueur depuis les ann�es 1930 s’il d�sirait int�grer l’Union europ�enne [7].

Les "amis de la Constitution", peu suspects d’hostilit� � l’�gard des travaux de la Convention europ�enne comme leur nom le laisse supposer, estiment eux-m�mes qu’ « il est difficile aujourd’hui d’affirmer l’impossibilit� absolue d’un �ventuel conflit de droit et encore moins son issue. [...] Mais le Conseil constitutionnel - en jugeant la Charte compatible avec la Constitution sur cette question de la libert� de manifestation des convictions religieuses - a ainsi estim� suffisantes les garanties contenues dans la norme europ�enne. ». Flottement... Confusion...
Et oui : c’est sans doute la premi�re fois qu’un texte engageant autant d’�tres humains �l�ve le grand N’importe Quoi au rang de valeur constitutionnelle.

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[1] Voir le site du "oui socialiste".

[2] Voir le site de l’Observatoire du communautarisme.

[3] Voir le pr�ambule et l’article 25 de la Constitution de la R�publique de Pologne.

[4] Voir l’article 18 de la D�claration universelle des droits de l’homme.

[5] Voir le point 18 de cette d�cision.

[6] Gageons que la m�lop�e ne tardera pas � se transformer en impr�cation si les sondages continuent d’�tre n�gatifs.

[7] Intervention t�l�vis�e, 8 octobre 2004.

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