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RCT : parce que Toulon
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dimanche 2 janvier 2005

par Saint-Just

Le Rugby Club Toulonnais �tait voil� un an lanterne rouge du championnat de ProD2. Les demis se mettaient la pression, comme on dit au bar entre amis. Aujourd’hui, nos rugbymen sont aux premi�res lignes de leur poule. Le RCT a offert un beau cadeau de No�l � ses supporters.

es actuelles prestations des rouge-et-noir �poustouflent m�me les plus vieux, ceux qui ont connu les Carr�re et Gruarin dans les ann�es 60-70. Les papas peuvent enfin montrer une �quipe digne de ce nom � leurs marmots, �quipe dont ils n’ont eu de cesse de leur rebattre les oreilles avec les exploits des ann�es 80. Depuis le temps que Toulon se morfondait dans cette proD2 !

Ventre vide et mou

Il y avait bien eu la premi�re ann�e avec une finale perdue contre Montauban. Mais le colosse n’avait plus la carrure et gardait ses pieds d’argile. Puis ce furent des matches mal gagn�s avec du jeu indigeste et pour parachever le tout, une indiscipline chronique. Pour quelques r�ceptions de Brive qui donnaient lieu encore � de belles chevauch�es, combien de fois Toulon revint de ses voyages les valises pleines. Aujourd’hui, c’est fini. Plus de g�n�rale provoqu�e par les Toulonnais pour (mal) masquer leur insipidit�, plus d’aller-retour � l’ext�rieur pour couper le citron, plus de joueurs prenant le club pour une maison de retraite. « Besagne n’a jamais aim� les pleurs, la piti�, la condescendance (...) Toulon aime voir ses enfants se transcender dans la f�rocit� » [1].
Lorsque le trio Champ-Huebert-Louvet prit les commandes du navire, le car�nage fut profond. Mais les r�sultats tardaient � suivre. L’antre de Mayol avait �t� viol� par les Dacquois, apr�s les Bayonnais, les Montpelli�rains et les Grenoblois ! La botte de Pearson sauvait bien des meubles ; �a ne suffisait pas � faire un bon a�oli. On saura aujourd’hui encore plus gr� aux grognards d’avoir laisser passer la mauvaise vague. Big Orsoni montrait l’exemple de la vaillance mais que faire ? La col�re montait m�me chez les supporters qui s’aga�aient s�v�re des « sempiternelles raisons pour expliquer les d�faites (l’arbitrage, le temps, la pluie, la motivation de l’�quipe adverse..., la longueur des d�placements, la valeur de redoutables �quipes comme Tyrosse ou Limoges, le d�clic psychologique face � l’ogre toulonnais, le monde entier qui depuis la Cr�ation n’aime pas Toulon et puis la Fatalit�, M�re Fatalit�... Es como quo ! C’est comme �a ! La devise toulonnaise... » [2]. On pouvait comprendre d’autant mieux l’ire que les dirigeants s’�taient donn� pour « mission » de faire du RCT « un club de l’�lite du rugby fran�ais » [3]. A voir les festivals de passes rat�es contre les Tyrosse et Aurillac, la route n’�tait pas droite et la pente restait forte.

Mais � partir du mois de mars 2004, une alchimie naissante commen�a � faire briller le m�tal. Le RCT se remit � flot chez les Maritimes de La Rochelle. C’�tait la premi�re victoire � l’ext�rieur depuis on ne sait combien de temps. La nouvelle direction s’�pongeait le front et les aisselles et pouvait aborder une intersaison au calme en fond de rade.

La victoire en chantant

A l’image de Franck Alazet, l’�t� des rugbymen toulonnais consista � soulever de la fonte et � s’autoriser pour toute folie une d�coloration des cheveux en blond peroxyd�, probablement afin de postuler tout nu au calendrier des dieux du stade. Manque de pot, le patron d’NRJ pr�f�ra Patrice Fior�se � Chacha Conzett, certainement parce qu’il �tait plus port� sur le plongeon simul� d’une ch�vre que sur les d�boul�s ravageurs d’un trois-quarts hors normes.
On comptabilisa le retour d’anciens comme Michel P�ri�, la venue de poids lourds confirm�s tels H. Karele et surtout la promotion de jeunes espoirs dont on ne pouvait pr�sager s’ils allaient exploser ou se d�gonfler. On entend encore les journalistes sportifs et les anciens s’accorder sur une nouvelle ann�e difficile.

« Et quand vient le soir
Pour qu’un ciel flamboie
Le rouge et le noir
Ne s’�pousent-ils pas ? »

Les Bordelais furent pourtant les premiers � passer la barre des trente points � Mayol, mais bon c’�taient des nouveaux. Depuis, la m�l�e ch�tie ses adversaires, les trois-quarts enflamment les ailes et le buteur fait trembler les poteaux d’un bout � l’autre du terrain. Voil� de quoi r�galer le public toulonnais. Le nombre d’essais marqu�s � la maison �vite au spectateur de retourner chez lui des gelures au cul � force de rester assis sur du b�ton froid. Le jeu est simple, bas� sur la conqu�te. Ne cherchez pas de passes crois�es ou d’innovations n�o-z�landaises. On fait plut�t dans le rustique, � l’usure, un adversaire sur les talons et des cocottes, les ailiers partent parfois m�me � la percussion. Si bien qu’au classement des marqueurs d’essais, point de Marlu � la B.O., Martin Jagr ajoute toutefois du p�tillant � un pack de gros rouges.
A Mayol, on savoure la victoire [4]. On appr�cie aussi de voir que cette �quipe est une belle bande de potes bigarr�s. Des moccos (Orsoni, Traversa, P�ri�, ...), des exil�s de la perfide Albion (Pearson, Whitford, Fitzgerald), des gens de l’est (Labadze, Jagr), des Africains (Karele, Louw), un portugais br�silien qui s’amuse � griller les lignes arri�res � la course (Da Silva), des "Arrrabes" de la deuxi�me g�n�ration comme on dit pour faire bien (Dridi, Ourak), un gaucho de la pampa (Carballo). Un monde victorieux qui aurait sans doute bien plu � notre ancien maire et ses sbires en chemise brune.

Parce que s’il fallait voter pour le prix du plus beau cadeau, ce serait le cadeau de la joie. Bien entendu, pas d’ang�lisme : il ne faut pas voir dans cet hommage aux hommes de Mayol l’espoir d’une ville sans racisme. Toulon et le Var votent toujours � plus de 25% pour le FN [5]. Le rugby n’est qu’un jeu et en cela, un m�me spectateur peut applaudir � tout rompre l’essai de trois-quarts marqu� par Momo Dridi contre Lyon et voter FN le m�me dimanche. L’enfant du Mourillon redeviendra un m�t�que parmi les autres. « C’est � la fin du bal qu’on paye les musiciens » [6], n’est-ce pas ?

No sport ?

Le Rugby Club Toulonnais ne tend que partiellement � forger une identit� � Toulon. Car « Une identit� territoriale ne peut pas se substituer � une identit� sociale » [7]. Il serait m�me symptomatique qu’un sport obnubile une ville enti�re. Les Toulonnais seraient alors malades du « typhus sportif », cette pathologie qui fait que l’espace public s’appauvrit en m�me temps que ses acteurs dans une vie quotidienne ins�r�e dans un « univers impitoyable de "gagnants", � l’occasion cogneurs » [8]. La vie n’est heureusement pas faite que de chants de supporters, mais elle peut se r�duire � cela quand les autres sociabilit�s sont us�es ou d�truites plus ou moins sciemment par certains podestats qui jettent les gens au ch�mage ou les trimballent dans la pr�carit�. Le stade, le dimanche, devient le lieu de rassemblement stable des supporters, entre personnes connues, souvent � Toulon en famille, le lieu o� on partage les m�mes valeurs, le lieu o� le chef est quasiment absent.
Ces supporters applaudissent une �quipe qui tente de porter haut les couleurs de sponsors, ces m�mes qui les pr�carisent. « De mani�re na�ve (...) le sport est pr�sent� comme un culte de la performance, une contre-soci�t� de l’effort comp�titif, un univers enchant� et enchanteur de pratiques du d�passement de soi, qui n’auraient rien � voir avec les oppositions id�ologiques, les orientations politiques, les convictions religieuses. Le sport serait fondamentalement neutre, apolitique, en dehors de la lutte des classes, ni � gauche ni � droite, ni m�me au centre, au-dessus des querelles partisanes et des conflits sociaux ». Tout cela n’est qu’un voile. Le prince Hubert n’h�site pas � se pr�valoir de son amour du ballon ovale, et fait le d�placement d�s qu’il le peut avec l’�quipe. Son passage au comit� directeur n’a pas laiss� des traces imp�rissables. Le rugby n’est qu’un jeu certes, mais c’est aussi un enjeu.
Alors, oui, le muguet refleurit � Toulon... en attendant l’�glantine.


[1] Daniel Herrero.

[2] « L’heure de v�rit� ! » le 5 d�cembre 2003, les Fadas.

[3] Projet du RCT.

[4] M�me si chez les dirigeants, c’est « l’objectif supr�me », cf. projet du RCT.

[5] Cf. �lections r�gionales 2004.

[6] Piqu� � E. Champ dans son interview � la LNR.

[7] Michel P�raldi, sociologue.

[8] Voir le bon article du Monde Diplo.