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.:: TOULON VAR AGGLOMÉRATION ::.
Toponymie en Seyne
(09/02/2005)

 

 

 

 

Dansons sous la pluie
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LE RETOUR DU PITALUGUE (2/2)
mercredi 27 octobre 2004

par L�on Gicquel

Un pr�c�dent article raconte comment s’accumulent les oeufs toulonnais dans le panier nucl�aire. Nous avons l� des logements avec vue sur autoroute. Un coll�ge. Un complexe sportif de 5000 places.
Mais le panier n’est pas seulement soumis aux "al�as technologiques", comme on dit. On a vu qu’il �tait judicieusement plac� � l’embouchure d’une rivi�re au cours contrari�. Cassandre pr�tend qu’il n’attend qu’une bonne pluie discontinue de deux semaines pour sombrer au fond de la rade. Improbable ?

ppelons-le monsieur Brun. Monsieur Brun, haut fonctionnaire d�sormais en retraite, a fait sa carri�re pr�s des quatre derniers maires de Toulon, y compris Hubert Falco. Monsieur Brun, en sa qualit� d’expert en urbanisme, fut impliqu� dans tous les grands projets qui ont fait l’�clat de cette ville.
Des observateurs se souviennent d’une r�union consacr�e � ce vieux serpent de mer appel� Contrat de baie. Harcel� par des Lassipontains inquiets des risques d’inondation si une forte et longue pluie venait � s’abattre sur la ville, il d�clara que « les orages de type c�venol ne peuvent pas arriver ici car nous ne sommes pas dans les C�vennes ! » Aussi vrai que les cr�tins des Alpes ne descendent pas de la montagne. Encourag� par son argumentation imparable, il encha�na : « Toulon b�n�ficie d’un microclimat qui fait que les orages d’une telle violence sont impossibles. »

Moi technocrate. Moi urbaniser.
La m�thode Cou� n’est pas l’apanage de monsieur Brun. De tels experts officiels, du haut de leur suffisance, en font souvent leur fond de commerce. Qu’on en juge par la mise en parall�le de deux extraits de Var matin. Celui propos� ci-dessous est ant�rieur de quelques semaines � l’ouverture de la travers�e souterraine de Toulon.

Celui-l� est plus r�cent. Rappelons que le tube a �t� ouvert en 2001. Ce qui devait �tre « tr�s exceptionnel » selon la DDE est vite arriv�...


Le Dossier Communal Synth�tique des risques majeurs (DCS), �labor� par le Service Interminist�riel de D�fense et de Protection Civile [1], pr�vient : « la commune [de Toulon] est soumise aux risques d’inondation de plaine et de crues torrentielles g�n�r�s par trois rivi�res : le Las (Rivi�re Neuve), le Saint-Joseph affluent de l’Eygoutier, et l’Eygoutier. Les crues m�morables de la Rivi�re Neuve sont celles des ann�es 1968, 1972, 1973 et 1978 (niveau centennal). Pour l’Eygoutier les principales crues ont eu lieu en 1909, 1923, 1955, 1957, 1959 et octobre 1973 ; celle de janvier 1979 a atteint le niveau centennal). Des ruissellements urbains se produisent �galement lors d’orages violents. Les points sensibles sont : les quartiers de Lagoubran, de Pont de Suve, Collet de Gipon, Les Ameniers, et La Palasse. »

Nous gardons en m�moire et en archive des traces de l’inondation de 1978 :

Avenue de la Résistance, janvier 1978 - 26.5 ko
Avenue de la R�sistance, janvier 1978

Mais il faudrait ajouter � la liste du DCS l’ann�e 1886, qui connut un automne particuli�rement pluvieux. Le journal local de l’�poque en t�moigne : « Les rues Gilly, Fabr�gue, Zo� et Navarin furent litt�ralement submerg�es dans l’espace de tr�s peu de temps. L’aspect de ces rues �tait pitoyable ; tous les petits jardinets, les rez-de-Chauss�e et m�me jusqu’aux entresols de certaines maisons �taient inond�es, d�vast�es ; les habitants de quelques maisons furent m�me oblig�s, � un moment donn�, de monter sur les toits de leurs immeubles, transform�s en habitations lacustres, et on dut aller les chercher en bateau. On craignit un instant que la plupart des maisons immerg�es ne s’�croulent, et M. le Commissaire de police du Pont-du-Las, sur le conseil de M. le docteur Perreymond, fit prendre � cet effet de tr�s prudentes mesures. Une corde tenue par des agents fut plac�e en travers du boulevard de la rivi�re, o� les curieux attir�s par le d�sastre commen�aient � se regrouper en foule. Ce boulevard aliment� par les bouches d’�gouts, d’o� l’eau jaillissait avec force, ressemblait � un v�ritable torrent. Les eaux d�valant avec furie du boulevard se pr�cipitaient dans la rivi�re, devenue trop �troite pour les contenir. Foss�s et ruisseaux, tout �tait rempli d’eau. La quantit� de sable charri�e par les eaux est �norme ; les rails des tramways ont �t� obstru�s sur tout le parcours ; ce n’est que ce matin qu’on a pu op�rer un d�blaiement s�rieux » [2].

En attendant le d�luge.
N�mes 1988, Vaison-la-Romaine 1992, crues du Gard ou de l’Aude... A la fin des ann�es quatre-vingt, le rapport de l’ing�nieur g�n�ral Ponton initia une longue s�rie consacr�e aux inondations, aux d�g�ts et � la pr�vention. En 1994, le d�put� Mariani rendait celui de la Commission d’enqu�te sur les causes des inondations et les moyens d’y rem�dier. On pouvait y lire : « En avril 1989, l’ing�nieur Ponton mentionnait dans son rapport 62 villes, dont Vaison-la-Romaine [NDLR : et Toulon], susceptibles d’�tre victimes de crues par ruissellement pluvial. Non seulement l’imperm�abilisation des grandes surfaces (lotissements, parkings, routes, a�roports, zones commerciales et industrielles) acc�l�re le d�bit de l’eau, mais l’�coulement de celle-ci est en outre g�n� du fait de l’inadaptation fr�quente des r�seaux d’�vacuation des eaux pluviales ou de l’implantation de grandes voies d’acc�s ou de ponts de chemins de fer, par exemple, qui se transforment alors en v�ritables retenues. [...] La forte urbanisation, cons�quence de l’�volution de la soci�t� contemporaine (5,5 % du territoire national est aujourd’hui artificiel), s’est accompagn�e d’un ph�nom�ne d’amn�sie collective. L’homme a oubli� le fonctionnement naturel des cours d’eau au point de recouvrir ces derniers de b�ton. »
Les "catastrophes naturelles" � r�p�tition ont oblig� les communes � se doter de plans de pr�vention des risques naturels (PPR) � partir de 1995 et de la loi Barnier [3], cens�s encadrer les plans d’urbanisme. Ces PPR ne concernent que l’urbanisation � venir, et dans la m�thodologie qui concourt � leur �tablissement, on doit trouver le « juste milieu entre catastrophisme et r�alit� ». On pourrait aussi bien dire que le PPR r�alise l’arbitrage astucieux entre int�r�ts immobiliers et d�boires centennaux.
Toulon dispose de son plan de pr�vention des risques d’inondation depuis 1999. Un plan tr�s r�aliste, pas catastrophiste pour deux sous.
Ci-dessous, le r�capitulatif de la carte de l’al�a risque inondation c�t� ouest, puis est. On peut le constater, les surlignages bleus qui indiquent officellement cet al�a ne concernent en rien le quartier du Pont du Las, � l’ouest, tout comme ils ne concernent en rien l’avenue de la R�sistance, � l’est. Les photos de l’inondation de 1978 que nous avons reproduites viennent donc sans doute d’une autre dimension. Monsieur Brun peut dormir tranquille.

Pour comprendre pourquoi et comment les rivi�res du Las et de l’Eygoutier ont �t� d�tourn�es de leur lit historique, lire le chapitre pr�c�dent : Jaur�guiberry : arche de No� ou abri anti-atomique ?


[1] Document disponible sur le site du Comit� D�partemental d’Information G�ographique.

[2] In le petit Var, 28 octobre 1886.

[3] Loi n° 95-101 relative au "renforcement de la protection de l’environnement". Sans le drame de Vaison-la-Romaine, y aurait-il une loi Barnier ?