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D�centralisation en r�gion PACA
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LA PREUVE PAR L’EXEMPLE
mardi 24 juin 2003

par Emanuel Haumant

Depuis environ un demi-si�cle, s’opposant au jacobinisme [1], un large consensus au sein de la classe politique fran�aise voit dans la d�centralisation accrue de l’Etat [2] une optimisation de son fonctionnement.

n France, cette lente �volution commence en 1956 avec le d�coupage du territoire en 21 r�gions. En 1972, celles-ci acqui�rent une personnalit� morale sous la forme d’un �tablissement public r�gional. Les lois de d�centralisation de 1982 conf�rent au Pr�sident du Conseil r�gional le statut d’ex�cutif, charg� de pr�parer et d’ex�cuter la politique locale avec l’appui des services qu’il peut d�sormais recruter [3]. Le Contrat de Plan d�finit pour 5 ans les objectifs communs en mati�re de d�veloppement et indique les moyens financiers d�volus � leur mise en �uvre.
En 1986, la R�gion devient une collectivit� locale � part enti�re avec l’�lection de ses conseillers au suffrage universel.

Dans la pratique, le syst�me de tutelle de l’Etat est supprim�. Un syst�me de contr�le a posteriori le remplace : contr�le de l�galit� par les tribunaux administratifs, contr�le financier par les chambres r�gionales des comptes. On en conna�t l’efficacit�.
A noter : un statut de la fonction publique territoriale est d�fini � parit� avec la fonction publique de l’Etat (lois de janvier 1984, juillet 1987 et novembre 1990).

Une nouvelle �tape sera franchie � l’automne 2003 avec l’adoption de la loi de d�centralisation ch�re � Jean-Pierre Raffarin. Celle-ci pousse le m�canisme encore plus loin, puisque ce sont maintenant des fonctionnaires d’Etat que l’on propose de transf�rer dans la fonction territoriale. Les arguments explicatifs de cette r�forme ne sont pas clairs et pour cause. La justification la plus souvent avanc�e par les d�put�s de la majorit� est la suivante : "depuis 1982, les Conseils g�n�raux et r�gionaux assument avec succ�s la responsabilit� de la programmation, de la construction, de l’agrandissement, de l’entretien et du fonctionnement des coll�ges et des lyc�es. Les collectivit�s territoriales ont non seulement remis � niveau le parc immobilier scolaire, mais elles ont aussi contribu� � l’enrichir par de nouvelles constructions " [4].
Ainsi, ce qui est bon pour les b�timents le serait aussi pour les personnels. M�me si le d�bat autour de la question est tr�s vaste et rel�ve d’un choix de soci�t�, prenons cet argument � la lettre et menons l’enqu�te sur la r�alit� des constructions de lyc�es dans la r�gion PACA : la d�centralisation est-elle si "bonne" pour les b�timents ?

Les attributions de march�s publics en Provence-Alpes-C�te d’Azur

En 1986, le Conseil r�gional alors pr�sid� par M. Gaudin cr�e une Soci�t� d’�conomie mixte pour l’am�nagement et le d�veloppement r�gional (SEMADER). Cette soci�t� sera le ma�tre d’oeuvre d�l�gu� par le Conseil r�gional pour le plan "lyc�e r�ussite". Environ 7 milliards de francs seront investis de 1990 � 1997 pour construire et r�nover les �tablissements de la r�gion.
Il faut comprendre pourquoi les r�gions sont capables d’assurer de nombreuses constructions et r�novations de lyc�es : quand l’Etat investit un euro, les r�gions en investissent davantage ...la diff�rence �tant financ�e par les taxes locales.

En 1998, M. Vauzelle succ�de � M. Gaudin. Il demande un audit de la SEMADER. Dans sa conclusion, le rapporteur affirmera que "des sommes tr�s importantes ont �t� d�tourn�es de leur but" [5]. Entre 1991 et 1998, une soci�t� Bordelaise (DASSE) a notamment b�n�fici� de 42 millions de francs de contrats, une partie de ces fonds ayant servi � r�mun�rer des interm�diaires...
En 2000, le parquet de Marseille ouvre une information judiciaire contre X, relative � l’attribution de march�s publics par la SEMADER.

Dans ce genre de d�marches judiciaires, l’instruction est souvent longue, et on attendra le 27 mai 2003 pour qu’elle aboutisse � un premier fait notable : un dirigeant du bureau d’�tudes ASSTEC, b�n�ficiaire de contrats pass�s avec la SEMADER � la fin des ann�es 1990, est plac� en garde � vue. L’information judiciaire vise maintenant les faits d’"atteinte � la libert� et � l’�galit� des candidats dans les march�s publics" et de "faux et usage de faux". Les relations entre les juges d’instruction et le parquet ne sont pas au beau fixe, en d�saccord sur le fait qu’une partie des irr�gularit�s d�tect�es serait prescrite.
Voil� la situation, plus de 6 ans apr�s que la chambre r�gionale des comptes ait signal� les premi�res irr�gularit�s. O� en serions nous s’il n’y avait pas eu d’alternance politique lors des derni�res �lections r�gionales ?

Le choix d’implantation des nouveaux lyc�es

En amont de la construction elle-m�me, le Conseil r�gional d�termine aussi le lieu d’implantation du futur lyc�e. Alors qu’auparavant les responsables de ces choix n’�taient pas issus du terroir, ils sont maintenant employ�s par la r�gion pour le plus grand bien de tous, l’argutie populaire voulant qu’une d�cision prise au plus proche de l’usager est de meilleure qualit�.

Le Conseil Acad�mique de l’Education Nationale (CAEN) [6] est r�uni par la r�gion pour discuter de ces choix. Beaucoup d’int�r�ts divergents s’affrontent. Tout d’abord, des int�r�ts purement politiques. Par exemple, au Conseil r�gional PACA, M. Vauzelle ne dispose que d’une majorit� relative : il doit m�nager les susceptibilit�s de l’opposition. Il y a aussi la tentation de favoriser une implantation dans une commune ou un d�partement dirig� par un proche de la majorit� politique de la r�gion.
A cela s’ajoutent les revendications des usagers qui souhaiteraient tous disposer d’un coll�ge et d’un lyc�e � la porte de leur domicile, et enfin les revendications des personnels, parfois tent�s par la d�fense de la sectorisation [7]. En effet, si un nouvel �tablissement scolaire est construit, c’est parce que les �tablissements alentours accueillent d�j� beaucoup plus d’�l�ves que le nombre pr�vu initialement, et une fois la construction achev�e, la sectorisation est revue de mani�re � all�ger la charge des �tablissements existants.

Le Var est un d�partement particulier, il poss�de un flux migratoire positif assez �lev�. Chaque ann�e, 1000 � 2000 �l�ves suppl�mentaires doivent �tre accueillis dans le second degr�.
Plusieurs constructions de lyc�es sont d�j� lanc�es : Lyc�e Costebelle (Hy�res), livraison 2�me tranche courant ann�e scolaire 2003-2004, lyc�e du Muy, livraison 2007, lyc�e du Cannet, livraison 2009.

Un des probl�mes actuels concerne l’ouest du d�partement. Il a longtemps �t� question de construire un nouvel �tablissement nomm� "lyc�e de l’ouest", qui n’a jamais vu le jour. Dans un premier temps, la reconstruction du lyc�e Langevin (La Seyne sur Mer) a permis d’absorber la croissance d�mographique mais, bien que les rapports d’experts de la r�gion aient pr�vu une stabilisation jusqu’en 2007, des besoins se font d�j� sentir. Le CAEN du 11 juin 2003 projette une restructuration du lyc�e professionnel de la Coudouli�re (Six Fours). Cette structure qui accueille 800 �l�ves verrait sa capacit� port�e � 1500 avec la cr�ation d’un p�le d’enseignement g�n�ral. Vu son implantation, sa carte scolaire correspondrait aux coll�ges de Six Fours et de Sanary, ce qui all�gerait la charge des lyc�es Langevin et Beaussier (La Seyne sur Mer). Et M. Vialatte, d�put� maire de Six Fours et valeur montante de l’UMP local, se frotte les mains : les �l�ves de son lyc�e seront issus d’un milieu socioculturel bien moins modeste que la moyenne nationale. Beaucoup d�fendent pourtant la n�cessit� d’une certaine mixit� sociale dans les �tablissements scolaires. On dirait bien que cela ne fait pas partie des pr�occupations principales de l’actuel Conseil r�gional. Les crit�res, comme indiqu� plus haut, sont d’une autre nature...

Voil� pourquoi apr�s avoir d�l�gu� la gestion des b�timents, l’actuel gouvernement souhaite transf�rer certaines cat�gories de personnels aux r�gions : tout fonctionne si bien. Dans le d�partement du Var, souhaitons aux fonctionnaires d’Etat qui deviendront territoriaux d’avoir de bonnes fr�quentations. Un copain qui aurait fr�quent� la m�me �cole maternelle que monsieur Falco et consorts, par exemple. Ca peut toujours aider.

Pour en savoir plus sur l’affaire de la SEMADER, deux articles du Monde :
La justice enqu�te sur des march�s publics de la r�gion Provence-Alpes-C�te d’Azur dans l’�dition du 13.04.00.
Tournant dans l’enqu�te sur les march�s des lyc�es en PACA dans l’�dition du 28.05.03.


[1] Jacobinisme : opinion pr�conisant le centralisme d’Etat.

[2] D�centralisation : syst�me d’organisation des structures administratives de l’Etat qui accorde des pouvoir � des organismes autonomes r�gionaux ou locaux (collectivit� locales, �tablissements publics). Ne pas confondre avec d�concentration : syst�me d’organisation des structures de l’Etat dans lequel certains pouvoirs de d�cision sont donn�s aux agents du pouvoir central r�partis sur le territoire.

[3] Depuis cette date, les constructions, r�novation et maintenance des lyc�es sont g�r�es par les Conseils r�gionaux.

[4] Extrait du document D�centralisation dans l’Education nationale, �l�ments de langage (sic) destin� aux parlementaires et transmis par M. Mourrut, d�put� du Gard.

[5] La chambre r�gionale des comptes de Provence-Alpes-C�te d’Azur a d�j� s�v�rement critiqu� une s�rie d’irr�gularit�s dans la passation de march�s publics, dans une lettre d’observation publi�e le 6 f�vrier 1997.

[6] Le Conseil de l’Education nationale comprend, outre le recteur, un pr�sident d’universit�, des inspecteurs, des repr�sentants des personnels publics ou priv�s sous contrat et un repr�sentant des personnels de direction en fonction dans les �tablissements d’enseignement priv�s hors contrat. Les uns �lus par leurs pairs, les autres nomm�s par le recteur.

[7] Sectorisation : les �l�ves de tel coll�ge d�pendent de tel lyc�e.



> D�centralisation en r�gion PACA
26 octobre 2003   [retour au début des forums]

Malheureusement le lyc�e langevin que vous citez ,bien que class� en zone sensible ,n’a rien d’un lieu de mixit� social (except� le LEP) ,on doit se poser des questions sur le classement de cet etablissement qui regroupe les classes moyennes des environs. l’argent public serait mieux utilis� ailleurs

> D�centralisation en r�gion PACA
25 juin 2003, par   [retour au début des forums]

L’argument selon lequel, du moment qu’un batiment est bati et entretenu par une collectivit� locale, les "agents" doivent aussi relever de la dite collectivit�, est d’une logique imparable.

Dans cette logique, tous les joueurs de l’OM, qui utilisent un stade municipal ( que Gaudin refuse de pr�ter) devraient �tre imm�diatement nomm�s employ�s municipaux.. avec un salaire en rapport..

Je vais p�tiontionner la dessus !!!

> D�centralisation en r�gion PACA
24 juin 2003, par   [retour au début des forums]
Jacobinisme... et pourquoi pas ?

je ne suis pas tout � fait d’accord sur l’opinion suivant laquelle jacobinisme = centralisme. Louis XIV �tait bien plus centralisateur que les Jacobins, et sous la R�volution la f�te de la F�d�ration eut lieu � ... Paris en pr�sence de personnalit�s � combien non jacobines. Le gouvernement r�volutionnaire qui se traduit par effectivement "centralisme jacobin" d�coulait de la guerre contre toute l’Europe dans lequel �tait engag�e la France. Je rajouterai que le maintien de Robespierre dans ce gouvernement n’a �t� possible que gr�ce aux votes de la Convention.

L’anti-jacobinisme d’aujourd’hui d�coule de toute une historiographie thermidorienne, ou r�actionnaire, que des ann�es de bourgeoisie lib�ral (�conomiquement) et autoritaire (politiquement) ont impr�gn� dans les ch�res "t�tes blondes".

Je ne nie pas le centralisme jacobin ni les d�rives sanguinaires du pouvoir de Robespierre, mais je le replacerai dans sa toute relativit�. Je ne saurais vous conseiller la volumineuse Histoire de la R�volution fran�aise par Jean Jaur�s, ou les travaux r�cents de Michel Vovelle (notamment son article "pourquoi je suis robespierriste").