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LETTRE D'INFORMATION |

Les f�l�s de la com, "l’opinion" et les escrocs

Communication en terre toulonnaise (2/2)
mardi 13 décembre 2005
par Gilles Suchey
Hubert Falco chercherait encore 7 millions d’euros pour boucler le budget 2006 de TPM. D�tail amusant : ce montant correspond � peu pr�s � la somme d�pens�e chaque ann�e par l’ensemble des collectivit�s de l’agglom�ration toulonnaise en mati�re d’auto-promotion.

« IL est important de communiquer pour que les citoyens sachent ce que l’on fait. Toulon ne le fait peut-�tre m�me pas assez. Le budget communication de la ville est seulement de 800.000 euros. Celui de la R�gion est de 4 millions, comme celui du Conseil g�n�ral du Var », expliquait r�cemment Falco � ses coll�gues de travail [1]. Le maire de Toulon aurait tr�s bien pu compl�ter la liste par les chiffres de TPM, autour de 1,5 million d’euros en 2006.
Les fonds engag�s chaque ann�e par l’agglom�ration et ses composantes, plus le Conseil g�n�ral, dans l’unique objectif « de communiquer pour que les citoyens sachent ce que l’on fait », flirtent donc avec les 7 millions d’euros [2]. A titre de comparaison, et puisque le sujet du logement social est � la mode, notons que le dernier HLM inaugur� � Toulon (70 appartements qui laissent la ville tr�s loin des 20% l�gaux) a co�t� 6 millions.

Le rapport d’activit�s 2004 de TPM indique que les 2M€ port�s cette ann�e-l� au chapitre communication ont permis de financer un certain nombre d’op�rations �v�nementielles, comme par exemple l’�dition d’un d�pliant (100.000 exemplaires) � l’occasion de la r�fection de l’avenue de la R�publique � Toulon (pour informer l’usager de la pr�sence de nouveaux dos d’�ne dans le cas probable o� il ne s’en rendrait pas compte en roulant) ; les comm�morations relatives au soixanti�me anniversaire du d�barquement de Provence ont impliqu� elles aussi l’�dition d’un prospectus (260.000 exemplaires), plus des flyers (65.000 exemplaires), plus la location de deux avions � banderoles. Etc.
Mais le plus important aux yeux de ceux qui �tablissent les budgets se trouve dans la r�alisation de p�riodiques comme TPM Mag et dans les « insertions presse » dont le but est toujours le m�me : valoriser l’�dile. Car l’�tre politique — homme ou femme, de droite ou de gauche — a besoin de beaucoup d’amour, en couleur et sur papier glac�.

Ma bobine dans le journal

On ne compte plus les espaces publicitaires achet�s par nos collectivit�s locales � Var matin et, dans une moindre mesure, � la Marseillaise [3].
Passons rapidement sur l’affectueuse collaboration entretenue par les donneurs d’ordre de l’Union Patronale du Var ou du service public territorial et ce que TPM appelle pudiquement « la presse mensuelle locale � vocation �conomique », autrement dit le journal M�tropole. Tandis que M�tropole assure la promotion des donneurs d’ordre (de droite) en usant d’un ton et d’arguments � ce point exalt�s qu’aucun bulletin promotionnel officiel n’oserait les reprendre, les donneurs d’ordre maintiennent le p�riodique en vie � grands coups d’abonnements (les institutions de la place croulent chaque mois sous le poids de dizaines d’exemplaires) et de pub.

Arr�tons-nous plus longtemps sur les « insertions » dans la presse nationale. Depuis quelques ann�es, les collectivit�s locales sont r�guli�rement sollicit�es par le Nouvel Obs, le Point, Paris Match, l’Express, l’Expansion, etc.
Les news-magazines se sont en effet aper�us qu’ils pouvaient augmenter leurs ventes de fa�on notable avec des encarts � destination locale. Les r�dactions ont syst�matis� la d�marche en �ditant plusieurs "sp�ciales" par semaine. Chaque sp�ciale ne sera bien s�r visible que dans la ville concern�e. Le chaland est ravi de constater qu’un grand magazine consacre un dossier � sa ville et ach�te le num�ro pour voir si on y parle de gens qu’il conna�t, si on y montre de belles images de son quartier. Il s’enorgueillit de constater qu’un hebdomadaire national s’int�resse � sa condition. Il ignore, ou fait semblant d’ignorer, que les titres composant la Une ne sont plus les m�mes au del� de son lieu de vie.
En augmentant les ventes annuelles [4], les journaux d�veloppent ainsi leur pouvoir de s�duction aupr�s des annonceurs publicitaires. De plus, en r�digeant bien les articles, en caressant gentiment les �lus locaux dans le sens du poil, on les incite � acheter des pages de pub � ins�rer dans le dossier. Elles compenseront largement les frais de mission du pigiste mandat� par la r�daction parisienne. Bref : le magazine gagne sur tous les fronts. Et les repr�sentants du peuple sont ravis de b�n�ficier d’une visibilit� suppl�mentaire « pour que les citoyens sachent ce que l’on fait ».
Il y a toutefois un perdant dans l’histoire : le lecteur. Qui paye une premi�re fois, via ses feuilles d’imposition, les placards publicitaires c�l�brant telle ou telle collectivit� territoriale. Et qui paye une seconde fois en achetant le journal, car le lecteur est un peu con.

Rab�chage et gaspillage

Les boites aux lettres d�bordent des p�riodiques �dit�s par les collectivit�s. Un Toulonnais, par exemple, re�oit Conseil G�n�ral magazine et notre R�gion tous les mois, Toulon m�diterran�e magazine tous les deux mois, et TPM mag chaque trimestre. Quel genre de cible cette propagande (qui implique souvent les m�mes personnalit�s politiques) vise-t-elle ? Sur le nombre d’exemplaires envoy�s, combien sont lus, combien sont � peine feuillet�s, combien partent directement � la poubelle ? L’�dition de ces bulletins est-elle cons�cutive d’analyses, d’enqu�tes, d’ "�tudes de march�" ? Ou s’impose-t-elle apr�s consultation de l’�vangile selon Saint Jacques S�gu�la (ou Saint Thierry Saussez pour faire plus moderne — voir plus bas) ?
On trouve dans le rapport d’activit�s 2004 de TPM un aper�u de la r�flexion engag�e par les communicants de l’agglom�ration et cela donne une id�e de l’impact des campagnes de com’ : « l’op�ration "carte culture" a �t� lanc�e en mars 2004 et en mai 2004 aupr�s du grand public. TPM a �dit� et envoy� aux 220.000 foyers de l’agglom�ration un coupon r�ponse sur lequel la population devait choisir le type d’information culturelle qu’il [sic] souhaiterait recevoir chez eux [sic]. Apr�s avoir collecter [sic] l’information re�ue dans les coupons r�ponse, la direction de la communication a cr�� la brochure O�quiquand [...], un support original qui rassemble la programmation des �quipements culturels de TPM (l’Op�ra, Ch�teauvallon, la Maison des Comoni, la villa Noailles, la villa Tamaris). Adress� par courrier � ceux qui en ont fait la demande par le biais des cartes culture envoy�es � toute la population, O�quiquand remporte un vif succ�s et compte d�j� plus 7000 abonn�s [sic] ». Un vif succ�s selon les crit�res des allum�s de la com’ : 3,2% des 220.000 foyers contact�s ont coch� la bonne case. Tout �a pour un agenda culturel, le plus consensuel des supports qu’on puisse envisager.

Pourquoi envoyer O�quiquand au citoyen qui re�oit d�j� p�riodiquement le m�me agenda culturel officiel deux fois, via le bulletin de l’agglo ET celui de la ville ?

Pourquoi acheter une page de Var matin pour souhaiter une bonne ann�e aux contribuables, quand on le fait d�j� dans le bulletin de l’agglo ET dans celui de la ville ET sur les sucettes municipales [5] ?

Ma bobine dans le bulletin

La communication ne se remet pas en question car la communication pr�c�de l’essence. Alors les �lus prennent la pause avec le sourire, le casque pour la visite du chantier, la paire de ciseaux pour l’inauguration, la chemisette pour le concours de boules. Au registre de la pathologie m�galomaniaque, certains sont n�anmoins plus gravement atteints que les autres.

Le maire de la Seyne Arthur Paecht a jug� opportun de publier en 2004 un bilan de mi-mandat. 114 (cent quatorze !) pages de papier glac�, quadrichromie, 35.000 exemplaires : la liste des r�alisations municipales depuis 2002. Illisible et sans int�r�t aucun, le livre s’ach�ve sur ces mots : « au fil de ces quelques pages, je me suis volontairement censur�. Il aurait �t� si facile d’embellir ce bilan en y ins�rant tel ou tel projet � l’�tude. Mais, par honn�tet� � votre �gard, je me suis limit� aux r�alisations concr�tes effectu�es en quatre ans, ainsi qu’aux programmes finalis�s sur lesquels l’�quipe municipale peut s’engager aujourd’hui ».
Quand papy veut laisser une empreinte de son passage sur terre, il casse sa tirelire et �dite une autobiographie � compte d’auteur. Mais si Arthur Paecht se retrouve dans la m�me dynamique testimoniale, il pr�f�re casser la tirelire du contribuable seynois : selon un �lu d’opposition, A mi-mandat aurait co�t� la bagatelle de 118.000 euros. El�ment d’un march� pouvant monter jusqu’� 686.000 euros par an, intitul� « marketing territorial » et se rapportant entre autres � une « assistance en conseil strat�gique permanent » et la « production d’affichages �v�nementiels ».

A mi-mandat a �t� con�u et r�alis� par l’agence de communication Image et strat�gie Europe dont Thierry Saussez est le patron. Ce grand gourou de la com’ � vis�e �lectorale qui dispose d’un beau palmar�s de "conseil" � son actif (campagnes de Balladur, Jupp� ou Sarkozy) a ouvert sur internet un service d’aide aux candidats baptis� « la boutique �lectorale ». Voil� la phrase qui ouvre la page d’accueil : « Sauf exception, un candidat n’est pas �lu sur ce qu’il a fait ou sur ce qu’il promet : il est �lu sur les gestes, les images et les symboles qu’il a r�ussi � transmettre � l’opinion ». Le genre de rh�torique qui explique l’hyst�rie sarkozienne. Et � c�t� de la photo o� on le voit porter son index au coin de la bouche comme le font tous les winners, l’expert martelle : «  c’est la communication qui fait l’opinion ; c’est l’opinion qui fait l’�lection  ».
Saussez s’est aussi engag� en politique. Candidat malheureux aux municipales de Rueil-Malmaison, puis candidat malheureux aux l�gislatives dans les Hauts-de-Seine, il v�g�te toujours dans l’antichambre de la gloire. Il devrait peut-�tre changer de conseiller en communication. Un peu comme Val�rie Paecht, fille d’Arthur et grande pr�tresse de la communication � TPM : toujours pas �lue malgr� sa parfaite ma�trise du sujet.

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Lire aussi : Communication en terre toulonnaise, premi�re partie.

[1] Conseil municipal du 21 octobre 2005, propos rapport�s par le Ravi.

[2] Nous ne disposons pas des budgets de toutes les communes pour �tablir un chiffrage pr�cis, mais on est d�j� � 6,3 millions en additionnant les montants �voqu�s plus haut...

[3] Pourquoi dans une moindre mesure ? Parce que 1/ la Marseillaise est nettement moins lue que Var matin et 2/, elle porte � gauche.

[4] Plus 3000 lecteurs par sp�ciale, selon un habitu� de ces enqu�tes d�centralis�es.

[5] Nom affectueux donn� aux petits panneaux d’affichage qui ressemblent justement — magie de la langue — � des sucettes.

R�pondre � ce message

  • Rien compris 6 janvier 2006 (4 r�ponses)
  • Les communicants veulent commu-niquer ! 14 décembre 2005, par (4 r�ponses)


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