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LETTRE D'INFORMATION |

Casinos � TPM : pour qui le jackpot ?

vendredi 24 septembre 2004
par Saint-Just
A l’heure o� les professionnels de l’h�tellerie varoise s’inqui�tent de la baisse de fr�quentation estivale (de 15 � 30% entre les mois de juillet 2003 et 2004), Cuverville s’int�resse au fantasme du casino, symbole du tourisme triomphant, manne financi�re pour les �lus sans imagination, lieu de perdition pour Philippe Bouvard et autres joueurs en goguette.

LES aficionados des terrains de sport l’avaient peut-�tre d�j� remarqu� : les casinos Partouche affichent leurs couleurs sur les maillots et banderoles des clubs de l’aire toulonnaise. On pourrait penser que nos sportifs pr�sentent des qualit�s publicitaires int�ressantes. Or la situation purement sportive des deux �quipes affichant les plus grosses affluences n’est pas reluisante : CFA pour les footeux [1] et ProD2 pour les rugueux (force est de constater la plus faible aura du basket masculin et du hand f�minin locaux, pourtant pensionnaires de leur D1 respective).

Si ce n’est pour la pub que les casinos d’Hy�res et Bandol s’affichent, ce sera certainement pour rester dans la course aupr�s des �lus. Le potentiel de l’agglom�ration Toulon Provence M�diterran�e est important. Les communes adh�rentes peuvent presque toutes accueillir un �tablissement de jeux �tant donn� leur qualit� de villes d’eaux et de tourisme [2].
Le march� fran�ais se partage en gros entre le groupe Partouche et le groupe Barri�re. Partouche est en situation de monopole sur TPM. Barri�re, lui, vient de fusionner avec Accor Casinos ; il est le nouveau num�ro un fran�ais des jeux de table et des machines gr�ce au contr�le de 38 �tablissements (Enghien, Nice, Cannes Croisette... 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires). De mauvaise foi, ses dirigeants affirment qu’ « ï¿½tre le premier groupe n’a jamais constitu� une fin en soi » [3]. En attendant on sourit un peu jaune chez Partouche, d�sormais num�ro 2, d’autant que la couleur est largement annonc�e. « La concurrence se jouera d�sormais sur les grands appels d’offres, ceux qui concernent les villes de plus de 500.000 habitants » [4]. 500.000 habitants c’est Toulouse ou Lille (dont le club de foot est lui aussi sponsoris� par Partouche), mais aussi TPM, touristes inclus. Les �lus ne pourront pas dire qu’ils ne connaissent pas le sujet puisqu’un certain Fran�ois Trucy, toujours s�nateur du Var au moment o� ces lignes sont �crites, fut le rapporteur d’un volumineux dossier intitul� Les jeux de hasard et d’argent en France (2001-2002) dont le chapitre 3 concerne exclusivement les casinos.

Poker menteur

Les villes qui composent TPM se tournent essentiellement vers le tourisme, et pas forc�ment le plus familial ou prolo. La reconversion des activit�s et le ch�mage ont un co�t, les villes ne pouvant tirer sur les bas de laine russes comme cela se pratique sur la Riviera. Le tourisme implique �galement des frais : investissements que l’ami Falco aime � qualifier de structurants (palmiers, g�raniums, goudrons multicolores) ; animation dite culturelle (offices du tourisme, comit�s des f�tes, festivals, pseudo-festivals et feux d’artifices) ; entretien sp�cifique des structures urbaines et saisonni�res (les plages) par la mobilisation d’agents municipaux suppl�mentaires ; s�curit� relative � l’augmentation consid�rable de la population en haute saison (postes de secours pour la surveillance des plages, police municipale, �quipes charg�es du contr�le anti-incendies). « De nombreuses municipalit�s souscrivent �galement des polices d’assurance pour se pr�munir contre des risques �ventuels » [5]. Tout cela dans un contexte de concurrence globalis�e o� il s’agit de ne pas baisser la garde.

Ces d�penses peuvent �tre en partie compens�es par l’installation d’un casino sur le territoire de la commune, gr�ce � deux types de ponctions : 10% du pr�l�vement op�r� par l’�tat sur le produit brut des jeux r�alis� par l’�tablissement sont revers�s � la ville ; elle b�n�ficie en outre d’un second pr�l�vement appliqu�, dans la limite de 15%, au produit brut des jeux apr�s abattement de 25%.
Les bourgades class�es stations baln�aires, thermales, climatiques, de tourisme et de sports d’hiver peuvent �galement percevoir une taxe additionnelle "aux droits de mutation ou � la taxe de publicit� fonci�re exigibles sur les mutations � titre on�reux", quelle que soit leur population, cette possibilit� �tant normalement r�serv�e aux seules communes de plus de 5 000 habitants (article 1584 du Code g�n�ral des imp�ts). Le rendement de cette taxe, directement li� au march� de l’immobilier, est dynamis� dans les communes touristiques par la concentration des r�sidences secondaires [7].
Compte tenu du boom de l’immobilier � Toulon depuis l’arriv�e de notre maire envi� de tous, l’optimisme est de rigueur. Le casino peut s’implanter � peu pr�s n’importe o� sur l’agglom�ration, aucune commune ne sera r�ellement l�s�e : la taxe professionnelle unifi�e annihile une majeure partie de la course aux investisseurs entre membres de TPM. 

L’exploitant d’un casino doit �galement contribuer pour plus de 40% au fonctionnement d’un th��tre, d’un orchestre ou d’un op�ra ayant une activit� r�guli�re (amendement "Chaban" � une loi du 5 janvier 1988). C’est pour cela que la ville d’Hy�res, par exemple, b�n�ficie d’un forum situ� sous ses machines � sous.
Int�ressant, notamment pour une ville comme La Seyne qui ne dispose pas de salle de spectacle de grande capacit� mais compte bien en construire une. Certaines personnes affirment d’ailleurs avoir vu la mention "h�tel-restaurant-casino" sur des plans concernant le r�am�nagement des ex-chantiers navals.

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Sur un mur de l’ancien casino des Sablettes

Le Pradet s’est lui aussi int�ress� un temps � la reconversion de sa cave coop�rative.
Pourquoi s’en priver ? Le ph�nom�ne est national. « Les maires nous demandent des investissements immobiliers tr�s lourds et en m�me temps d’avoir deux ou trois restaurants, dont un gastronomique, des investissements artistiques et de financer un festival, r�sume un casinotier. Il y a eu une inflation de la demande sous toutes ses formes » [6].

La manne et les manants

Si les communes de TPM ont financi�rement � gagner avec l’implantation d’un �tablissement de ce type, rien n’est moins certain pour les habitants.

D’une part, les jeux d’argent peuvent provoquer une addiction menant � des probl�mes de surendettement, d’infractions p�nales, de d�pression (voire de suicide). En France, 300.000 � 500.000 personnes seraient concern�es. Ce qu’il y a de bien dans les jeux de hasard, c’est que le joueur excessif est d’abord un joueur tout court. L’un et l’autre poss�dent la capacit�, tr�s banale, de se convaincre dans la ferveur de l’instant qu’ils peuvent ma�triser le destin. M. Trucy a certes pr�conis� une am�lioration de l’aide aux joueurs d�pendants, gr�ce � la cr�ation de consultations sp�cialis�es dans les h�pitaux publics, au soutien des associations et � la pr�sentation, dans les lieux concern�s, de d�pliants d’information sur les risques d’addiction. Mais dans le m�me temps, le s�nateur recommandait une moindre taxation des �tablissements de jeux...

D’autre part, l’�conomie v�hicul�e laisse perplexe. La client�le recherch�e est plut�t hupp�e. Or ceux qui viennent d�penser leur fric aux machines � sous ne le sont pas toujours. De plus, les casinos ne r�clament qu’une main d’œuvre peu qualifi�e et flexible : agents de s�curit�, stewards, h�tesses, serveurs en tous genres, personnels de nettoyage (dont Accor a montr� toute l’�tendue de leur mall�abilit�). Nous ne parlons pas du travailleur saisonnier qui viendra vendre sa force vitale pendant 4 mois de l’ann�e pour satisfaire les envies de planche � voile (ou autres) de madame la baronne. « Cons�cutive d’une pr�carit� li�e � son emploi, � ses revenus, � son d�paysement et m�me son d�racinement, la difficult� du saisonnier � trouver sa vraie place dans l’organisation sociale de la station peut �galement constituer un frein au dynamisme de celle-ci. Le sentiment d’appartenance � la collectivit� fait parfois d�faut, entra�nant une forme d’indiff�rence ou de d�tachement vis � vis du vacancier qui s’en aper�oit. N’�tant pas v�ritablement actionnaire de l’�conomie locale et peu int�ress� au partage des b�n�fices, le saisonnier retourne sur lui-m�me des insatisfactions qu’une autre organisation contractuelle lui ferait peut-�tre oublier » [7]. Ce lien social rompu par le tourisme au sein des villes d’accueil ne s’applique pas aux seuls saisonniers. Les autochtones le ressentent �galement : manque de logement social mais essor des r�sidences secondaires, recul des surfaces agricoles, non respect de la loi pour les nomades, la liste est longue.

Pour certains la C�te d’Azur, pour d’autres la c�te d’usure.

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[1] CFA : Championnat de France Amateur. D’accord, la DNCG les a vol�s !

[2] Les stations class�es baln�aires, thermales ou climatiques ont seules la possibilit� d’ouvrir et d’exploiter un casino (loi du 15 juin 1907 r�glementant le jeu dans les casinos). Les exceptions sont possibles : Aix-en-Provence n’entre plus dans toutes ces cat�gories, ce qui ne l’emp�che pas de poss�der un rutilant "Pasino".

[3] Lib�ration, 24 juillet 2004.

[4] Dominique Desseigne, PDG de Barri�re, cit� par Lib�ration, 24 juillet 2004.

[5] Voir le site du minist�re de l’Economie et des Finances d�di� aux collectivit�s locales.

[6] Lib�ration, 24 juillet 2004 ; « L’investissement n�cessaire pour rafler la mise dans une grande ville d�passerait ainsi les 50 millions d’euros ».

[7] Sur le site de Tourisme durable.

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