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LETTRE D'INFORMATION |

Mon commerce au centre-ville - �pisode 1 : le plombier polonais existe, je l’ai rencontr�

mercredi 3 mai 2006
par Pierre Robert
Cuverville ouvre un nouveau dossier consacr� � la premi�re "zone franche urbaine" trac�e au coeur m�me d’une ville, en l’occurrence Toulon. Avant de brosser un tableau global, essayons une approche par le d�tail : nous avons suivi de pr�s l’aventure de copains tent�s par l’ouverture d’un n�goce alors qu’ils ignoraient tout du projet de ZFU (et de la pratique du commerce en g�n�ral, faut-il pr�ciser). Nous les avons pour ainsi dire marqu�s � la culotte.

PREMIER �pisode : o� l’on constate que le BTP varois, toujours � la pointe de l’innovation, anticipe largement l’ouverture du march� du travail aux ressortissants des nouveaux �tats membres de l’Europe.

Une journ�e ensoleill�e du mois de mars. La dame de l’agence nous a donn� rendez-vous rue Pierre S�mard que les vieux connaissent surtout par son ancienne d�nomination, la rue du Canon, rapport � la pi�ce d’artillerie scell�e du c�t� de la place d’Armes.

Pourquoi cette voie abandonn�e aux palissades, devantures accumulant des ann�es de poussi�re, de graffs et d’affiches de concert, portes mur�es pour �viter le squat — l’aventure commerciale nouvelle vague restant pour l’instant concentr�e � l’Est vers la place Camille Ledeau —, est-elle ainsi ancr�e dans l’imaginaire toulonnais ?
Il fut un temps o� l’insalubrit� des immeubles ne pr�occupait gu�re les pouvoirs publics. La rue �tait vivante, � l’image de tout le centre ancien. On distinguait l� deux territoires. A l’Est le march� du cours Lafayette et les commerces o� se pressaient les honn�tes citoyens. Au Sud-ouest une enclave beaucoup plus interlope surnomm�e Chicago. En guise d’apport �conomique, l’arsenal y d�versait chaque week-end un flot de matelots de toutes nationalit�s pr�ts � se laisser entra�ner par des demoiselles qualifi�es.
On ne parlait pas alors de ZFU mais de basse-ville. Vivaient dans le centre ceux qui ne pouvaient pr�tendre habiter ailleurs, on dit qu’ils ne s’y trouvaient pas si mal. Ce quartier traditionnellement populaire avait pour l’essentiel �chapp� aux bombes de la seconde guerre mondiale et ne put donc profiter de la grande reconstruction des ann�es cinquante-soixante. De nouveaux immeubles poussaient � la p�riph�rie de la ville, les habitants du p�rim�tre furent tent�s d’aller voir si la peinture y �tait plus fra�che et les espaces plus ensoleill�s. Trente glorieuses et plein emploi aidant, les pauvres un peu moins pauvres purent d�m�nager. Des gens plus bronz�s les remplac�rent, derniers arrivants qui ne pourraient profiter pleinement de l’embellie malgr� leur participation intensive � l’activit� �conomique (b�ton, truelle, marteau-piqueur). Le BTP a toujours aim� le recrutement exotique.
Plus tard, quand il fut enfin question d’une r�habilitation du centre (ann�es quatre-vingt), les maires Arreckx et Trucy entreprirent d’en « chasser les fourmis rouges ». Ils s’employ�rent donc � tuer le quartier. On y reviendra. Et puis la restructuration de l’arsenal et l’arr�t du service militaire achev�rent les bars de nuit. N’en subsistent aujourd’hui qu’une poign�e sur les quarante de l’�poque, seuls les plus proches de l’entr�e de l’arsenal se sont maintenus.
La rue du Canon, c’�tait l’acc�s � la basse-ville. Son trottoir, le domaine des filles qui y faisaient le tapin.

La dame de l’agence a ouvert une grille, le local fait moins de 20 m�. Elle parle d’un loyer mensuel de « pas moins de 450 euros ». Cela donne une id�e des tarifs pratiqu�s dans les rues dites commer�antes. C’est sombre, curieusement agenc�. L’investisseur qui a mandat� la dame a d’autres emplacements � nous proposer.
Nous quittons Chicago pour visiter un deuxi�me local dans la rue des Boucheries, bien sinistr�e elle aussi. Qualifions cette ruelle de convalescente. Certains s’y installent, aucune enseigne en place n’a plus de deux ans sauf celles qui composent l’ordinaire des habitants du coin. Au pied d’une fa�ade raval�e avec go�t (contrainte impos�e par les architectes en charge de la zone), le local pr�sent� est aussi petit que le pr�c�dent pour un tarif aussi �lev�. Les appartements au dessus sont lou�s ou en voie de l’�tre. Interphone et digicode flambants neufs.
Nous remontons la rue vers un troisi�me immeuble. Des outils et mat�riaux encombrent l’entr�e car les travaux de r�novation ne sont pas achev�s. Pour que nous puissions visiter, la dame de l’agence interpelle un ouvrier sans franchement lui adresser la parole. Le type d�blaie sans piper mot.
Retour vers l’Ouest, rue Charles Poncy. Toujours le m�me sch�ma, toujours le m�me investisseur. Une art�re d�sert�e. Un immeuble sans doute achet� une poign�e de figues il y a moins de dix ans, aujourd’hui en travaux, s’y affairent des ouvriers pas franchement basan�s. La dame de l’agence n’a pas la cl� de ce quatri�me local et demande � un gars en bleu de travail de lui ouvrir la porte, elle baragouine un anglais de bazar. Une fois la visite achev�e nous lui demandons la nationalit� de l’homme. Il est Polonais, comme les autres.
D�but et fin de l’investigation. Dommage, il serait pourtant int�ressant de conna�tre les grilles de r�mun�ration et les conditions d’h�bergement de nos amis d’Europe centrale. Le BTP appr�cie toujours autant le recrutement exotique.

Dans son communiqu� de presse du 28 avril, le Ministre de l’emploi et de la Coh�sion sociale G�rard Larcher explique que « l’ouverture du march� du travail fran�ais » sous condition � partir du premier mai — soit deux mois apr�s notre visite guid�e — concerne « des m�tiers connaissant des difficult�s de recrutement [...] S�lectionn�s apr�s concertation avec les partenaires sociaux, 61 m�tiers r�partis dans 7 secteurs d’activit� sont concern�s par cette ouverture. Ces m�tiers repr�sentaient pr�s de 700.000 offres d’emploi en 2005 dont un tiers en moyenne ne pouvaient �tre pourvues faute de demande. Cette ouverture ma�tris�e devrait contribuer � r�duire le travail dissimul� dans ces m�tiers qui reste une pratique fr�quente li�e pr�cis�ment pour partie � ces difficult�s de recrutement. A ce titre, la France proposera � ses partenaires europ�ens des accords bilat�raux de coop�ration pour la bonne application des r�gles sociales nationales et communautaires dans le domaine de la libre circulation des travailleurs et des prestations de services dans le march� int�rieur ».
Fac�tie du calendrier ? On notera que le candidat Sarkozy doit pr�senter � partir du 2 mai son projet de loi sur l’immigration « choisie », qui ne s’adresse pas au m�me public mais envisage toujours l’Etranger comme sp�cimen � disposition dont on doit examiner la dentition avant de l’incorporer au cheptel.

Le travail dissimul� dans le BTP serait une pratique fr�quente ? Ceux qui fr�quentent la profession de pr�s ou de loin s’�tonnent que l’on puisse encore s’en �tonner. Il y a un an, le grand-angle sur la directive Bolkestein les faisait beaucoup rigoler.

29 avril 2006. Var matin titre sur « les patrons varois [qui] gal�rent pour embaucher ». « Les m�tiers du b�timent constituent un des secteurs o� les patrons ont le plus de mal � recruter, du fait d’un d�ficit d’image et de la n�cessit� de savoir-faire technique sp�cialis� ». D�ficit d’image ? Les pauvres biquets. Oblig�s de chercher en Pologne les manoeuvres qui s’accommoderont d’un d�ficit de salaire. Avantage : ne parlant pas la langue, ils �viteront de la ramener. Inconv�nient : il faut des contrema�tres capables de se faire comprendre. Pas toujours �vident.

(A suivre)

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  • T�moignage 11 mai 2006, par


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