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LETTRE D'INFORMATION |

Mon commerce au centre-ville - �pisode 3 : petits malins et grands malades

mardi 30 mai 2006
par Pierre Robert
Le petit propri�taire est un animal sensible. Une zone franche en plein coeur de ville et le voil� tout d�boussol�. Que faire de son patrimoine ? Vendre ? Louer ? Attendre un peu ?
La sp�culation rend fou ou alors compl�tement con.
Remarquez, certains �taient d�j� passablement atteints avant m�me que la municipalit� ne joue la carte de l’attractivit� ultime...

R�SUM� de l’�pisode pr�c�dent : Cuverville piste des copains qui veulent monter un commerce. Nos limiers s’aper�oivent que ce n’est pas parce qu’un local est vide aujourd’hui qu’il sera occup� demain.

Pour identifier les propri�taires des magasins abandonn�s dont vous avez not� les adresses au gr� de vos d�ambulations, vous pouvez proc�der comme suit. D’abord, contacter VAD, la soci�t� d’�conomie mixte en charge de l’am�nagement du centre ancien, qui organisera un rendez-vous avec l’adjoint au maire responsable du secteur. Si vous trouvez quelque chose d’int�ressant dans le patrimoine municipal vous pourrez sans doute �chapper au grand tourbillon sp�culatif : il serait surprenant que la mairie s’amuse � faire monter les prix alors qu’elle peine � attirer du monde dans les parages.
Sachez toutefois que les surfaces de plus de 20m� qui appartenaient ou appartiennent encore � la ville ont trouv� preneur depuis longtemps. Alors si le format placard ne convient pas, vous vous rendrez directement au cadastre (en �vitant soigneusement les agences immobili�res et donc les d�penses inutiles) afin de r�cup�rer les coordonn�es des propri�taires fant�mes.
La valse des coups de fil peut commencer, vous faites des rencontres... Et vous rayez des noms.

Grands malades.

Il y a ce magasin de chaussures en bas d’une art�re parmi les plus commer�antes de la ville, mais il n’est pas n�cessaire de noter l’adresse � moins de vouloir perdre son temps.
Belle fa�ade et beau local. Un propri�taire parfaitement identifi�. C’est en mairie qu’on nous raconte l’histoire, et notre interlocuteur en soupire d’accablement : la vitrine n’a pas chang� depuis la mort de la dame qui tenait boutique. Cela donne une id�e des pantoufles de vieux et de la gamme de marrons qui �taient � la mode il y a une quinzaine d’ann�es. Les prix (en francs, bien s�r) ont �t� enlev�s mais le reste est intact. Un mausol�e.
Plus grave : les volets de l’immeuble sont clos. Des voisins pr�tendent que la mairie a contraint le propri�taire de r�habiliter ses appartements afin d’insuffler une nouvelle dynamique. L’h�ritier aurait obtemp�r�... Sans louer pour autant. A quelques dizaines de m�tres de l�, r�habilitation oblige, on vire les gens de l’endroit o� ils habitent. La plupart souhaiteraient rester � proximit� mais les logements disponibles se font rares... On aura compris qu’il ne faut pas confondre vide avec disponible.

Nous visitons un local dans une toute petite rue qui h�bergea, sur moins de 20 m�tres, plusieurs boutiques pour philat�listes et numismastes. Il ne reste plus grand-chose d’ouvert. Et les immeubles... L’un est mur� et squatt� par les pigeons, celui d’en face semble � peine moins insalubre. Il reste pourtant habit� par des �tres humains. Fa�ade meurtrie, fils �lectriques qui pendouillent. On ne doit certainement pas vivre ici par vocation. Le local qui int�resse nos copains se trouve au rez-de-chauss�e, � vendre. La propri�taire contact�e par t�l�phone a indiqu� qu’ils pouvaient retirer la clef dans une boutique voisine.
Il nous faut donner un grand coup de pied dans la porte pour qu’elle daigne enfin s’ouvrir.
Avez-vous vu le film Seven ? Ou le Silence des agneaux ? Vous rappelez-vous de l’ambiance, de ces lieux tellement suintants qu’ils en deviennent presque organiques, de l’obscurit�, de la terreur immanente ? Voil�, nous y sommes. D�g�t des eaux permanent. Des fissures lac�rent les murs et le plafond, des jauges y ont �t� ins�r�es. Par qui ? La propri�taire ? Les services municipaux ? Lisons. En 2003 tu pouvais y passer l’index, en 2006 le pouce entre aussi. Plic ploc, o� est le cadavre ? Lampe de poche obligatoire. Dans un r�duit sur la droite, une cuvette de WC. Malgr� le d�go�t initial nous avan�ons et l�, surprise ! C’est certainement l’endroit le moins r�pugnant et pour cause : la cuvette est — litt�ralement — b�tonn�e. Un rem�de pas franchement hom�opathique pour contrer les remont�es d’�gout. Quelques pas encore et nous arrivons dans ce qui fut jadis une cuisine. Des appareils inqui�tants que personne n’ose toucher : qui est � jour de son vaccin contre le t�tanos ?
Si le rez-de-chauss�e fait environ 40m�, la proprio a �valu� la surface � 80 compte tenu de la cave... Une trappe en bois dans un coin de la cuisine qui s’ouvre sur un escalier en bois. Le copain qui s’aventure l� dessous avec une frontale sur le cr�ne casse deux marches en descendant. Hauteur de plafond : 1,8m maximum. Le sol est en terre battue.
Malgr� cette avalanche de d�tails peu engageants nos amis ne d�sesp�rent pas. Ils sont motiv�s pour faire des travaux car dou�s de leurs mains et durs � la t�che (ils sont surtout fauch�s). Le soir m�me, ils rappellent la propri�taire pour un d�briefing apr�s visite. Ils connaissent d�j� le prix et �a les fait rigoler : 75.000 euros ! Ils ouvrent la discussion mezzo voce en pr�venant que le lieu n’est pas en tr�s bon �tat, mais sont imm�diatement coup�s par leur interlocutrice. M�me pas le temps de pr�ciser qu’ils estiment le montant des travaux d’am�nagement � plus de 70.000 euros — sans compter la r�habilitation de l’immeuble — mais qu’ils sont quand m�me pr�ts � en d�bourser 5.000 pour l’acquisition du taudis. « Le prix n’est pas n�gociable et de toute fa�on, nous ne sommes pas press�s », dit la propri�taire avant de raccrocher.
Pas press�s ? Cela ne fait aucun doute. Cet ancien restaurant est ferm� depuis 1983.

Petits malins.

Il y a ce local dont le cadastre indique qu’il est la propri�t� d’un avocat au patronyme bien connu. Gros cabinet. Grosse visibilit� dans les m�dias nationaux.
Prise de contact t�l�phonique puis visite des lieux. Malgr� une grande vitrine, nous n’avons l� gu�re plus d’une vingtaine de m�tres carr�s. Il ne s’agit que de l’annexe d’un commerce bien plus vaste consacr� pour l’heure � la vente de v�tements d’occasion. On apprendra que les propri�taires poss�dent aussi un appartement de superficie identique � l’�tage et d’autres locaux dans le voisinage. Notre interlocutrice est une belle femme courtoise. C’est elle qui g�re la boutique de fringues. « Je ne sais trop quoi faire », s’interroge-t-elle. « Etendre mon activit� � la portion qui vous int�resse ou alors vendre l’ensemble et m’installer � Bandol... Ecoutez, je vous encourage � nous faire une proposition pour tout l’ensemble... Je ne connais pas les tarifs qui se pratiquent mais j’en parlerai � un ami sp�cialiste ». Au t�l�phone, un peu plus t�t, elle nous a dit tr�s pr�cis�ment ceci : « nous souhaiterions bien vendre ». Bien vendre. En face : commerces ferm�s. Sur le c�t� : commerces ferm�s. A droite et � gauche : parfois des commerces ouverts, souvent des commerces ferm�s. Peut-�tre un jour la rue revivra-t-elle ? Attendre, et bien vendre.

Il y a ce local de la rue Baudin. Un p�t� de maisons dont les rez-de-chauss�e donnent � la fois de ce c�t� et derri�re, sur les halles Raspail. Beaucoup de charme. Dommage qu’� un bar, un salon de coiffure et un restaurant pr�s, tout soit parfaitement mort (voir les 3 derni�res photos ci-contre). Il faut dire que les immeubles du versant Ouest de la rue sont r�cup�r�s par la mairie pour son grand projet de logements �tudiants.
Le type arrive en moto. C’est une connaissance de connaissances, les copains pourront s�rement faire affaire, entre gens de bonne volont�... Il a achet� une bonne partie de l’immeuble quand il n’�tait pas encore question de zone franche, puis r�nov� les appartements pour s’assurer une petite rente. Il ouvre le rideau m�tallique, le local est encore plein des gravats cons�cutifs aux travaux achev�s depuis des mois. Il nous dit qu’il n’avait rien pr�vu pour ce pas de porte avant que nous le sollicitions. Un peu moins de 40m�. C’est comme dans la rue des philat�listes, le d�g�t des eaux en moins : tout est � (re)faire. Nous convenons de lui soumettre notre proposition de location d�s le lendemain. Il indique qu’il va quand m�me en parler � son agence. Son agence ? A�e.
Comme pr�vu, nos amis le rappellent : « nous prenons en charge tous les travaux mais souhaiterions en �change un bail "symbolique" pendant les trois premi�res ann�es du contrat ». « Symbolique ? », s’�touffe-t-il. « Mais vous pourrez c�der le bail et rentrer dans vos fonds m�me si vous payez plus qu’un loyer "symbolique" ! » C�der le bail ? A qui ? Dans cette rue, les enseignes sont fossilis�es depuis les ann�es 80 !
Plus tard, nos copains regretteront : « on a d� lui faire peur avec cette histoire de "symbolique". Ce n’est pas une notion vraiment commerciale ». Ils �taient pr�ts, en plus d’assumer financi�rement tous les travaux, � d�bourser jusqu’� 200 euros par mois. Ce n’est pas si symbolique que �a.
Quelques jours plus tard le propri�taire donne ses conditions. Se retranchant derri�re les conseils de l’agence immobili�re, il annonce qu’il s’occupera des travaux lui-m�me et qu’il pourra ensuite louer la surface (40m� plus la cave, environ 15m�) jusqu’� 1000 euros par mois. On pourrait par exemple d�doubler le local en dissociant les acc�s pour permettre � deux boites distinctes de s’y installer, avec toute la demande que la zone franche va susciter !

(A suivre : enfin un lexique commercial pour les moules accroch�es au rocher !)

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