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LETTRE D'INFORMATION |

La zone franche est mal barr�e

mercredi 14 juin 2006
par Olivier Vermert

Une premi�re. Le centre ancien de Toulon obtient le label "Zone Franche Urbaine" bien que ce statut soit ordinairement r�serv� � des friches �conomiques p�riurbaines. Le p�rim�tre exact reste � d�finir et le comit� de pilotage ne sera pas op�rationnel avant juillet. Qu’importe : le prix des baux commerciaux atteint d�j� des sommets.

C’est toujours la m�me histoire du « loup libre dans un poulailler libre » dont les penseurs lib�raux d�clinent les variations � l’infini. N’ayons peur de rien, la main invisible s’occupe du reste.

Dans ce centre-ville ravag�, l’ANRU [1] est sur les rangs pour les espaces publics et l’habitat. On ajoute la zone franche afin de stimuler la relance �conomique. On veut �pauler les entrepreneurs qui h�siteraient encore � installer leur activit� dans ce quartier promis au plus bel avenir (sur ce point, les sp�cialistes de la mairie s’av�rent prudents et ne r�it�rent que tr�s pos�ment les effets d’annonce de leurs pr�d�cesseurs).

On installe une zone franche sans l’accompagner de dispositifs de r�gulation, car r�guler c’est p�ch�.
Que voulez-vous qu’il advienne ? Les investisseurs tr�pignent d’impatience. Il faut rattraper le temps perdu ou tout simplement profiter de l’aubaine. Les baux et les loyers flambent, les pompiers observent sans intervenir. Oh la belle jaune ! Comme si la bulle immobili�re avait besoin de �a.

Car voil� le probl�me : les motivations de la mairie et des propri�taires sont parfaitement contradictoires. L’une veut s�duire la population toulonnaise, la convaincre de retrouver le coeur de ville pour y travailler, y habiter, s’y promener, y faire des achats. Elle est contre la sp�culation. Les autres sont surtout pr�occup�s par le retour sur investissement. Ils sont pour la sp�culation. N’oublions pas que nombre d’entre eux attendent leur grand soir depuis quinze ans, quand ils furent convaincus par le maire de l’�poque de l’immanente renaissance du centre-ville.

Si les propri�taires de locaux vacants se voient d�j� en bailleurs �panouis, c’est aussi parce que la plupart ignorent � qui s’adresse la zone franche. Ils n’ont pas lu la fiche explicative.
Ils ne savent pas que les exon�rations fiscales ne s’appliqueront que sur des salari�s en CDD ou CDI d’au moins 12 mois, « conclu pour une dur�e minimale de 16 heures par semaine, heures compl�mentaires non comprises ». Exit les entreprises en nom propre sans salari� et les SARL ne faisant vivre que le g�rant. C’est important de le pr�ciser car la majorit� des locaux disponibles n’exc�de gu�re 20m� en surface : on ne va pas mettre grand monde l� dedans.
Il faut aussi leur dire que l’activit� du salari� doit �tre « r�elle, r�guli�re et indispensable � la bonne ex�cution de son contrat de travail » et s’exercer « pour tout ou partie dans la ZFU ». Et que la soci�t� doit disposer « dans la ZFU des �l�ments d’exploitation ou des stocks n�cessaires � l’activit� des salari�s ». Pas de "boite aux lettres", donc. Pas moyen d’h�berger une multinationale dans un placard � balais [2].
Enfin, n’oublions pas qu’au del� de deux embauches exon�r�es, l’entreprise doit recruter dans la zone ou n’importe quel quartier d�favoris� de la ville � moins de se voir priv�e de ses avantages fiscaux. Cela part d’une bonne intention mais complique forc�ment la donne. Surtout dans l’ancien "laboratoire" du Front national.

Entre les ambitions d�mesur�es des propri�taires et les — heureuses — restrictions impos�es aux entreprises, la pr�cipitation et la bousculade ne sont donc pas � l’ordre du jour.

Alors, � qui profite la zone franche ?
Gr�ce � elle, on obtiendra l’�tablissement de quelques rares enseignes qu’on brandira en signe de victoire. Mais pour l’essentiel, les exon�rations b�n�ficieront aux gros qui n’en ont pas besoin, comme d’habitude. Aux commerces d�j� bien �tablis, qui occupent de larges surfaces et emploient plusieurs salari�s — l’obligation de recrutement local n’est pas r�troactive. Aux toubibs, aux avocats, aux notaires, aux experts comptables, dont l’essentiel des cabinets est install� dans la vieille ville, et qui attendent la d�limitation d�finitive du p�rim�tre en se frottant les mains. Comment changer de 4x4 sans m�me bouger un sourcil.

Un grand merci � l’Etat, car c’est bien l’Etat qui paiera le 4x4 du notaire. Tout en promettant la suppression de 15.000 postes de fonctionnaires en 2007 au nom de la « ma�trise des d�penses publiques »...

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[1] Agence Nationale pour la R�novation Urbaine.

[2] Une multinationale ? C’est �videmment une boutade. Pour b�n�ficier des exon�rations, le chiffre d’affaires est plafonn� et l’entreprise ne doit pas employer plus de 50 salari�s "�quivalent temps plein".

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  • le 4x4 du notaire ou le yacht du pharmacien 26 juin 2006, par (5 r�ponses)


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