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Mon commerce au centre-ville - interlude : le lexique du boutiquier en phase d’installation

samedi 10 juin 2006
par Pierre Robert
Un lexique pour ceux qui ne sont pas tomb�s dans les professions lib�rales quand ils �taient petits. Quelques termes dont il faut imp�rativement conna�tre le sens avant d’envisager l’ouverture d’un n�goce.

R�SUM� de l’�pisode pr�c�dent : Cuverville piste des copains qui veulent monter un commerce. Nos limiers d�couvrent que certains propri�taires se trimballent avec un entonnoir sur la t�te.

Agences immobili�res
Tous ceux qui se r�veillent un jour avec la curieuse ambition de quitter papa-maman pour se loger un peu plus loin auront affaire � une agence immobili�re. Une exp�rience souvent douloureuse, m�tin�e de d�fiance et de m�pris. L’agent immobilier s’inscrit dans une cat�gorie de boulots mal aim�s car mal compris, un peu comme les notaires, les assureurs et les garagistes.
Depuis 1987, chaque agence fixe librement le taux de commission appliqu� aux transactions qu’elle arbitre — vente, achat ou location. Ce taux s’�chelonne traditionnellement entre 5 et 10%.
L’activit� fleurit sur la bulle immobili�re : plus le montant de la transaction est �lev�, plus l’agence palpe. Et m�me si les tarifs pratiqu�s n’atteignent pas ceux qu’ambitionnent certains particuliers en roue libre (voir illustration ci-dessous, � gauche), les agences immobili�res restent les premiers vecteurs de la sp�culation. Elles prosp�rent et se reproduisent avec la crise. Pas besoin d’un grand local ni d’un investissement mat�riel lourd pour ouvrir boutique, pas besoin non plus d’un grand nombre de transactions pour rendre sa petite entreprise p�renne. A titre de comparaison, notons qu’en 2004 l’INSEE estimait � 39.543 le nombre de magasins de fringues et de chaussures en France (le commerce de d�tail o� la marge est la plus importante, voir plus bas), ...et � 33.623 le nombre d’agences immobili�res !
Faisons un rapide calcul. Soit l’annonce ci-dessous, � droite :

Le prix de vente est fix� � 330.000 euros. � la conclusion de la transaction, l’agent immobilier — en supposant qu’il s’agisse d’un philanthrope travaillant � 5% — empochera la modique somme de 11.500 euros. De quoi payer quelques taxes, le loyer du placard � balais plus un ou deux salaires. Et aussi l’impression r�p�t�e de sollicitations � glisser dans les boites aux lettres du quartier pour trouver de nouvelles opportunit�s.
330.000 euros : bien s�r, � ce prix-l�, les acheteurs ne se bousculeront peut-�tre pas. Quoique. En mati�re de prix, tout l’art consiste � trouver un juste milieu entre l’irrationalit� reconnue par les investisseurs et l’absurdit� totale.

Bail commercial
« Contrat de location portant sur un local dans lequel est exerc� une activit� commerciale, industrielle ou artisanale ». La plupart de ces baux — dits "3-6-9" — engagent le bailleur pour 9 ann�es au minimum, le locataire pouvant r�silier tous les 3 ans.

Droit au bail
Vous d�sirez vous installer � la place d’un commer�ant qui manifeste son intention de partir. Il ne c�de pas le fonds de commerce (voir ce terme), car il emporte son enseigne et le mat�riel avec lui, mais l’emplacement dont il �tait jusqu’ici locataire. Vous allez donc vous retrouver locataire � sa place. Lisons ce qui dit l’Agence Pour la Cr�ation d’Entreprises (APCE), la bible du jeune entrepreneur : « le cr�ateur reprend le bail conclu entre le pr�c�dent occupant et le propri�taire. Le locataire sortant souhaite monnayer le fait que son loyer est sous-�valu� par rapport au prix du march�. Il c�dera par cons�quent son bail moyennant le paiement d’une indemnit� : le "droit au bail" ».
En fait, le droit au bail tient plus du don que de l’indemnit�. C’est une cl� sans laquelle le nouveau venu ne peut tenter son aventure commerciale, point barre. Un imp�t m�me pas r�volutionnaire. Le montant du don est laiss� � l’appr�ciation du sortant. Et bien s�r, le droit au bail ne dispense pas du loyer � verser au propri�taire. Notons que la plupart du temps, le sortant n’a m�me pas besoin de menacer l’entrant avec un objet contondant ou une arme � feu pour obtenir le versement d’un droit au bail. Etonnant, non ? La moralit� de l’acte r�side dans le fait que le nouveau venu pourra � son tour, plus tard, revendre le droit au bail en d�finissant le montant.
Avec la zone franche install�e en plein centre ville, des Toulonnais qui s’ennuyaient dans leur n�goce tentent un coup de poker. Juste pour voir, trouver un pigeon. Dans les art�res principales, on exige parfois des droits au bail de l’ordre de 100.000 euros pour des surfaces inf�rieures � 100m�. D�bourser une telle somme avant m�me de commencer son activit� ? Autant demander la liquidation judiciaire tout de suite !

Emplacement "num�ro 1"
C’est ce qu’on peut lire sur certaines annonces de cession, fonds ou murs, quand le local est particuli�rement bien plac�. Une rue num�ro 1 est une rue tr�s commer�ante. La terminologie est utilis�e par les experts de la Chambre de Commerce et d’Industrie qui �valuent l’activit� commerciale du p�rim�tre. Ce qui implique bien �videmment qu’il y a des rues et des emplacements num�ro 2, voire 427. Mais on ne lira jamais "emplacement num�ro 427" sur une annonce class�e.
D�butant dans le bizness et disposant d’un capital tr�s r�duit, tu peux toujours te gratter pour obtenir un emplacement num�ro 1. Les droits au bail y sont prohibitifs, on l’a vu. Tu pourras l’envisager plus tard, quand tu auras fait fructifier ton emplacement num�ro 3 et que ton chiffre d’affaire aura s�duit le banquier.
On remarquera ci-dessous que l’accroche "zone franche" peut remplacer (ou compl�ter) avantageusement le classique "num�ro 1".

Interpr�ter ce charabia n�cessite une certaine habitude. Prenons par exemple l’annonce marqu�e d’une croix rouge dont voici la traduction litt�rale : « Zone franche, � proximit� du cours Lafayette, local commercial d’environ 50m�, droit au bail : 70.000 euros ».
D�cryptage : « ï¿½ proximit� du cours Lafayette » signifie que le local se trouve dans une rue trop pourrave pour qu’on en mentionne le nom ; « environ 50m� » signifie inf�rieur � 50m� ; « droit au bail : 70.000 euros » signifie que le vendeur est joueur.

Fonds de commerce
« Ensemble des �l�ments mobiliers corporels et incorporels qu’un commer�ant ou un industriel groupe et organise en vue de la recherche d’une client�le, et qui constitue une entit� juridique distincte des �l�ments qui le composent » (selon l’URSSAF). Le bail fait partie du fonds de commerce.

Loyer (commercial)
Selon un avocat de l’association Droit pour tous, « la valeur locative se calcule d’apr�s 1) les caract�ristiques du local 2) la destination des lieux 3) les obligations des parties au contrat 4) les facteurs locaux de commercialit� 5) les prix couramment pratiqu�s dans le voisinage ». S’il y a calcul, c’est qu’il doit y avoir une �quation en amont o� apparaissent les cinq variables ? Parmi ces crit�res normatifs tr�s rigoureux, on appr�ciera surtout l’�nigmatique « facteur local de commercialit� ».

Marge
Selon la derni�re "enqu�te annuelle d’entreprise dans le commerce" [1] de l’INSEE, le taux de marge du commerce de d�tail se situe � 29% en moyenne [2]. Au panth�on du commerce de proximit� se trouve la vente de v�tements et de chaussures (taux de marge de 44,8%). D’o� la physionomie de nos centres-villes : beaucoup de magasins de fringues et de parfumeries ("autres �quipements de la personne", taux de 45,5%), beaucoup d’agences immobili�res, beaucoup de restos (gros rapport si tu travailles bien, grande facilit� � faire du black).

Pas de porte
C’est une somme que l’on peut �tre amen� � verser au propri�taire lors de l’installation. Selon l’APCE, « le pas de porte peut �tre consid�r� : soit comme un suppl�ment de loyer (cas le plus fr�quent) : le propri�taire souhaite se pr�munir contre les hausses de loyer qui ne suivent pas la hausse de la valeur locative r�elle des locaux ; soit comme une indemnit� correspondant � la "contrepartie p�cuniaire d’�l�ments de natures diverses, notamment d’avantages commerciaux sans rapport avec le loyer" ; soit comme une indemnit� correspondant � la contrepartie p�cuniaire de la d�pr�ciation de la valeur des locaux : en effet, si le propri�taire souhaite reprendre les locaux, il devra verser au locataire une importante indemnit� d’�viction ».
Pour le dire plus simplement : il s’agit encore une fois d’un droit d’entr�e, que l’on verse cette fois-ci au propri�taire. La bonne nouvelle est qu’on ne peut pas exiger de l’entrant un pas de porte ET un droit au bail. En pratique, le pas de porte concerne essentiellement les locaux commerciaux qui �taient vides avant que l’entrant ne s’y int�resse.

(Suite et fin : vingt ans de r�habilitations)

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[1] Enqu�te de conjoncture : Commerce de d�tail et commerce et r�paration automobile, premiers chiffres 2004, fiche �tablie le 16 d�cembre 2005. PDF disponible ici.

[2] « Marge commerciale = ventes de marchandises - co�t des marchandises (achats de marchandises + variation de stocks de marchandises). Le taux de marge commerciale rapporte la marge commerciale aux ventes de marchandises du secteur » (d�finition de l’INSEE).

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