USTV : la marche fun�bre

FINI le temps o� l’�quipe de direction se r�unissait au Yacht Club H�tel de Hy�res, comme ce fut le cas le 21 mars dernier, pour �voquer les dossiers du jour entre deux bouch�es de filet de saint pierre au sabayon de champagne gratin�. Car si le sabayon est gratin�, le d�ficit l’est aussi. Il a fallu attendre juin, c’est-�-dire un mois apr�s que les m�dias ont commenc� � s’int�resser � la gestion universitaire, pour que le personnel soit inform� de l’ouverture de deux march�s imposant le r�gime hypocalorique par les soci�t�s "Allo bistrot" (ap�ros et buffets), et "Kyriad" (repas de travail). Un peu moins prestigieux que "Gaudefroy r�ceptions" et "l’Auberge proven�ale", mais plus sympathique pour les finances.

Oui, depuis qu’il a d�couvert les d�boires de l’USTV en lisant Cuverville, Bruno Ravaz durcit le ton.
Le Conseil d’administration du 30 mai organise la limitation des heures compl�mentaires, et celui du 30 juin impose un « plan de gel des cr�dits ». Autrement dit, la fac r�cup�re les fonds de caisse du campus pour tenter de r�gler ses cr�ances.
En 2006, le budget des services g�n�raux sera revu � la baisse dans les grandes largeurs : r�duction des cr�dits allou�s aux missions, � la communication, � la culture. Diminution des frais de bouche, moins de nouvelles technologies, moins de d�penses d’entretien (b�timents et espaces verts).
Ce n’est pas tout. Les UFR [1] continueront de participer directement au redressement de l’�tablissement en c�dant une part de leurs revenus � l’administration centrale.

Mais pour faire quoi, exactement ? Qui rembourser en priorit�, quel trou combler ? Entre les nouveaux transferts de charge impos�s par l’Etat � partir de 2006, les factures impay�es (encore 1,3 million d’euros selon l’aveu m�me du Pr�sident lors du Conseil d’administration du 18 octobre 2005), et les heures de vacation non sold�es, Ravaz a le choix. Et le choix est toujours difficile.
Sollicit�, le Minist�re a accept� de d�bloquer royalement une rallonge de 150.000 euros. Un chiffre ridicule, mais dont le Pr�sident se gargarise en indiquant qu’il permettra de payer d’ici fin novembre toutes les heures d’enseignement compl�mentaires [2] effectu�es en 2004-2005. Les vacataires int�ress�s accueillent l’annonce avec circonspection.

...Et pendant ce temps, certaines d�rives d�nonc�es au printemps sont toujours � l’oeuvre.
Exemple, sujet tabou : une « commission des logements » a �t� cr��e le 30 mai dernier pour calmer l’ardeur de deux ou trois �lus du Conseil d’administration, qui voulaient entre autres savoir pourquoi aucun loyer n’�tait revers� � l’administration, alors que le campus h�berge une dizaine de familles dans des logements de fonction (voir USTV : je te tiens, tu me tiens...). Cinq mois plus tard, la commission ne s’est toujours pas r�unie.

Le gaspillage perdure, mauvaises habitudes, mauvais choix qui ne datent pas d’hier, qui ne sont pas tous imputables � l’actuelle �quipe dirigeante.
Mais � l’automne 2005, l’USTV peut encore trouver de nouvelles raisons de ne pas faire des �conomies.

Comme on n’a pas de pognon, autant le d�penser quand m�me.

Bruno Ravaz a r�ussi � faire approuver par le Conseil d’administration du 18 octobre dernier la cr�ation d’une nouvelle UFR nomm�e « Ingemedia, sciences de l’Information et de la Communication ».
Des membres �minents de la collectivit� universitaire avaient pourtant fait part de leur scepticisme quant � la pertinence et la viabilit� du projet. Et comment le financer, �tant donn� la situation budg�taire ? En demandant des subventions � l’Etat, qui peine d�j� � respecter ses engagements pass�s ?
Ingemedia existe d�j� sous forme d’institut, c’est la citadelle de l’�quipe pr�sidentielle. A la fois base de repli et marque de fabrique. Une �toile sur la carte de visite, un refuge b�ti autour du laboratoire I3M-LePont, o� �margent Ravaz et le vice-pr�sident Oueslati eux-m�mes, et puis le staff, les vrais fid�les et les partenaires objectifs. « Le projet que nous pr�sentons ici s’inscrit dans une d�marche collaborative d’�quipe amorc�e depuis plusieurs ann�es et porteuse d’une grande �nergie », explique-t-on dans le dossier. Selon ses artisans, le nombre d’�tudiants d’Ingemedia triplerait � l’horizon 2010 gr�ce au label "UFR". Il faudra bien leur trouver un si�ge, de nouvelles salles de classe, un nouveau b�timent ? La cr�ation de l’UFR est encore soumise � l’approbation du CNESER mais peu importe, c’est l’intention qui compte.

Aussi, malgr� les restrictions et au regard de ses contradictions, l’�quipe pr�sidentielle ne convainc pas sur sa capacit� � diriger l’USTV.
 Incapacit� � appr�hender l’avenir. Gouverner, est-ce encore pr�voir ? Fallait-il pr�voir par exemple qu’en doublant le nombre de contrats d’�tablissement, on allait aussi � peu pr�s doubler la charge financi�re ?
 Incapacit� � rassembler et � soutenir les salari�s. Quand il ne s’occupe pas de sa promotion personnelle, Bruno Ravaz ne sait communiquer que par r�action et donc, de fa�on n�gative. En culpabilisant le personnel. Pour se d�fendre contre l’Etat, mauvais payeur. Contre les dirigeants de l’UFR Sciences qui ont organis� la gr�ve �tudiante de rentr�e. Contre l’agent comptable qui ne le tiendrait pas au courant de la situation financi�re. Contre les articles diffamatoires de Cuverville. Contre tous ces cr�tins qui ne comprennent rien.
 Incapacit� � respecter le bon fonctionnement des instances d�cisionnelles. Le Conseil d’administration refuse d’approuver le compte financier 2004 ? Qu’� cela ne tienne, on le soumet une nouvelle fois en blindant l’effectif (CA des 30 mai et 29 juin). Les documents pr�sent�s au Conseil d’administration pour une d�cision budg�taire modificative sont truff�s d’erreurs ? Qu’� cela ne tienne, on vote quand m�me la DBM, sans rien changer aux documents (CA du 18 octobre).
 Incapacit� � monter l’exemple, les pr�c�dents articles en faisaient �tat.
 Incapacit� � d�fendre correctement l’�tablissement. Le 18 octobre, la voix charg�e d’�motion, Laroussi Oueslati r�ussissait � convaincre le Conseil d’administration de voter une motion : « demandons au Minist�re de donner les moyens � l’universit� d’assurer ses missions de service public ! » Notons que la fac de Rouen, confront�e comme les autres � l’incurie gouvernementale, a r�ussi � obtenir un million d’euros du Minist�re par un mouvement de protestation organis� et largement soutenu. A chacun ses ambitions.

Comment la situation pourrait-elle s’am�liorer ? Face � Ravaz, les pr�tendants au tr�ne fourbissent les armes et voil� sans doute une complication suppl�mentaire : le calendrier �lectoral n’est pas favorable � un changement tr�s rapide. Le renouvellement du Conseil d’administration doit avoir lieu d’ici la fin de l’ann�e. C’est ce nouveau CA qui �lira le successeur de Ravaz, bien plus tard. Le rectorat laissera probablement faire les choses, lui qui aimerait si peu g�rer la tutelle de l’�tablissement.
Les candidats ne manqueront pas. Les alliances se pr�parent. Certains t�l�phones portables pay�s par l’universit� en cr�pitent d’aise. Les strat�gies sont variables.
Il y a le directeur de l’UFR Sciences qui soutenait la gr�ve de son personnel et des �tudiants avant de se r�tracter quelque peu.
Il y a le directeur de l’IUT qui a demand� implicitement � ses profs et administratifs, � l’occasion de la r�union de rentr�e, de patienter pour lui laisser le temps de mettre au point une liste et un programme [3].
Et il y en a bien d’autres.

Bon courage � ceux qui h�riteront du tas de cendres.

[1] Unit�s de Formation et de Recherche.

[2] Ou heures de "vacation", comptabilis�es hors charges statutaires des titulaires.

[3] Ce dernier n’envisageait pas de faire descendre les �tudiants dans la rue, m�me si les conditions de travail deviennent de plus en plus dures (commandes de mat�riel quasi-impossibles), parce que ceux de l’UFR Sciences y �taient d�j� et qu’on n’allait pas m�langer les torchons et les serviettes.