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La fac de Toulon sombre lentement

Un Titanic universitaire (1/3)
lundi 23 mai 2005
par Denis Collet
Des heures d’enseignement rest�es impay�es plus d’un an apr�s avoir �t� effectu�es... Des fournisseurs qui attendent six mois le r�glement de leurs prestations...
L’universit� du Sud Toulon Var ressemble au Titanic avant la grande bascule : une poign�e de matelots s’activent autour d’un trou qui s’�largit au fond du navire, tandis que sur le pont, le commandant fait p�ter la roteuse car la r�ception bat son plein.
Certains m�canismes, s’ils perdurent, ne permettront pas � l’USTV de sortir de la crise financi�re dans laquelle elle s’enfonce.
Premi�re partie : �tat des lieux.

L’Universit� de Toulon et du Var (UTV) fut inaugur�e dans les ann�es soixante-dix. Comme le maire de Toulon Maurice Arreckx n’en voulait pas dans sa ville, on avait choisi un site en proche banlieue � cheval entre La Garde et La Valette. Le campus se d�veloppa l�, sur la colline Saint Michel, au rythme des grandes surfaces commerciales qui ont aujourd’hui annex� tout le voisinage.

Chiffres.
En 2005, � en croire le portail internet de l’universit�, celle-ci comptabilise plus de 10300 �tudiants ; 500 enseignants titulaires animent les amphis et 280 fonctionnaires non enseignants font tourner la baraque [1].
Entre les trois universit�s marseillaises et celle de Nice, qui accueillent chacune � peu pr�s 25000 �tudiants, l’USTV fait p�le figure. Elle reste n�anmoins « un acteur �conomique et social de premier plan dans le Var ». Le charg� de com’ du portail internet pr�tend que cela tient � son « incroyable vitalit� », mais une institution de cette nature — incroyablement vivante ou normalement fonctionnelle — ne peut que figurer au premier plan, surtout dans une r�gion sinistr�e d’un point de vue �conomique.
Voici donc un p�le stimulant les comp�tences p�dagogiques et scientifiques, mais aussi les int�r�ts priv�s... Et certaines ambitions personnelles d�connect�es de la vie universitaire (on y reviendra plus tard). Autour du campus gravitent entreprises et prestataires de services de tout poil ; en mati�re p�dagogique, les titulaires (plus quelques dizaines de contractuels) sont �paul�s par des "intervenants ext�rieurs" puisque le nombre de profs en poste ne permet pas de couvrir tous les besoins, et que le cahier des charges de la plupart des formations leur impose un quota d’enseignements dispens�s par des salari�s du secteur priv� : 1500 collaborateurs assureraient ainsi chaque ann�e le compl�ment de cours. Directement ou indirectement, la fac nourrit beaucoup de monde.

R�formes.
Comme toutes les universit�s de l’Hexagone, l’USTV doit composer avec des difficult�s d’ordre conjoncturel : la normalisation europ�enne du "LMD" (Licence-Master-Doctorat) implique une restructuration des fili�res d’enseignement ; les nouvelles r�gles comptables et la mise en oeuvre de la "loi organique relative aux lois de finances" (LOLF) perturbent les services administratifs ; enfin, la paup�risation de la Recherche fragilise le fonctionnement des laboratoires universitaires.

Mais si certaines approximations peuvent �tre admises par le personnel et les prestataires de service, les retards de paiement devenus syst�matiques depuis 2003 ont du mal � passer.

Un trou persistant.
La r�volte grondant, le directoire de l’USTV est invit� � commenter la situation financi�re � l’occasion du vote du budget 2005. L’agent comptable explique alors qu’en date du 16 d�cembre 2004, « un peu plus de 258.000 euros » sont encore disponibles en tr�sorerie, d�duction faite d’un certain nombre de virements et de remboursements. Mais il reste encore � payer « des bordereaux de mandat de novembre pour 1,5 million d’euros et de d�cembre pour 870.000 euros ». Soit un trou de plus de deux millions d’euros. Pour minimiser le d�ficit, le tr�sorier �voque ensuite les subventions et autres financements en attente (D�partement, R�gion, Etat)... Le total n’atteint pas les deux millions manquants.
Et l’agent comptable continue de se montrer rassurant : « au mois de d�cembre [2004], l’Universit� aura pay� toutes les heures compl�mentaires de l’ann�e 2003/2004, [et] payera en janvier les heures compl�mentaires du premier trimestre 2004/2005 ». Plus prudent, le Pr�sident Bruno Ravaz esp�re juste que le r�glement des factures pourra se faire en janvier. Il pr�cise d’ailleurs que l’universit� « a pay� en priorit� les petites entreprises qui avaient besoin absolument d’�tre pay�es »... Et qui touchent automatiquement des int�r�ts moratoires en cas de retard, faut-il pr�ciser. Les vacataires aux revenus fragiles et les enseignants pr�caires en poste sur des "demi-contrats", ayant longuement attendu le paiement des heures compl�mentaires [2] leur assurant normalement des fins de mois d�centes, appr�cieront sans doute le sens des priorit�s pr�sidentielles.

Un mois et demi plus tard, lors du Conseil d’administration du 31 janvier 2005, l’agent comptable est � nouveau interpell� sur l’�tat des finances. Il « r�pond que les retards de paiement de l’Etablissement sont de l’ordre d’un mois et demi � deux mois. Ainsi, les mandats �mis en novembre ne sont pas encore trait�s. Cependant, le Minist�re a annonc� le versement du solde du contrat quadriennal en f�vrier, auquel s’ajoute la DGF [3]. L’Universit� disposera donc sous peu d’une somme de 1,5 million d’euros, ce qui lui permettra de faire face � un paiement de 1,5 million d’euros ». Soeur Anne, ne vois-tu rien venir ?
Fin mai 2005, certains enseignants guettent toujours le r�glement de cours effectu�s lors de l’ann�e scolaire 2003/2004. D�g�ts collat�raux : il devient d�licat de trouver des collaborateurs qualifi�s acceptant de s’investir pour des vacations � l’USTV. En bout de cha�ne, ce sont les �tudiants qui en supportent les cons�quences.

Qui m’a foutu un iceberg pareil ?
D’o� vient le trou ? Selon le Pr�sident Bruno Ravaz, « cette situation d�sagr�able est due au retard de paiement du minist�re » [4]. Le r�glement du "plan quadriennal 2004/2007" se fait attendre. Il faut ajouter que les subventions des collectivit�s locales sont cr�dit�es au regard de justifications de d�penses : l’universit� doit faire l’avance des fonds. Et quand on construit un nouveau b�timent sur le campus, comme c’est le cas depuis plusieurs mois pour l’UFR STAPS [5], forc�ment, �a creuse la tr�sorerie...
Mais ce n’est pas tout. Le Pr�sident n’h�site pas � d�noncer une d�rive qui serait fortement pr�judiciable � l’�tat des finances : « l’Universit� n’a pas les moyens de fonctionner avec un niveau d’heures compl�mentaires excessif. [Cela] passe par une r�duction du nombre d’enseignements offerts aux �tudiants. Gr�ce aux efforts de tous, les heures compl�mentaires ont [d�j�] pu �tre r�duites de 10.000 [...] Il faut encore faire un effort et r�duire de 20.000 � 30.000 les heures compl�mentaires pour fonctionner de mani�re plus sereine, parce que l’argent manque pour financer l’investissement informatique, la culture, le sport, les �quipements mi-lourds et les d�placements internationaux » [4].

Voil� : gros travaux structurels, financements publics en rade et enseignements "gonfl�s" artificiellement sont les mamelles du trou, si on peut dire. C’est en tout cas le point de vue de l’administration centrale.

Dans un deuxi�me article nous reviendrons sur ce point de vue, et essaierons de trouver d’autres explications au d�ficit chronique. Un peu plus embarrassantes pour les gestionnaires de l’institution.

(A suivre)

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[1] Moins officiel et plus pr�cis : en janvier 2005, on d�nombrait chez les non enseignants (administration, services techniques, sant�...) 266 titulaires, plus 82 contractuels ("rectoraux" ou "d’�tablissement"), plus 44 CES et CEC. Ce qui fait en gros un contractuel pour deux titulaires. L’Etat adooore les pr�caires. Mais on s’�loigne du sujet.

[2] Une "vacation" est la m�me chose qu’une "heure compl�mentaire" : une heure d’enseignement � r�aliser hors du cadre statutaire des enseignants titulaires ou contractuels. Le vocable change selon la personne qui en aura la charge. Aux vacataires les vacations, aux salari�s de l’universit� les heures compl�mentaires. De fa�on habituelle, on globalise le tout sous l’intitul� "heures compl�mentaires".

[3] Dotation G�n�rale de Fonctionnement.

[4] Conseil d’Administration du 16 d�cembre 2004.

[5] UFR : Unit� de Formation et de Recherche. STAPS : Sciences et Techniques des Activit�s Physiques et Sportives.

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  • titanic universitaire. 26 février 2006, par


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