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LETTRE D'INFORMATION |

Tout va tr�s bien

La feuille du collectif Malgr� tout - Introduction
jeudi 10 mars 2005

UNE phrase, c�l�bre, pourrait officier � elle toute seule d’une sorte de rapport sur l’�tat g�n�ral de notre petite plan�te : "le d�sert avance" - Voil�, quoi dire d’autre, ou comment mieux dire ?

Or on pourrait sans doute croire, que si "le d�sert avance", si tout va vraiment tr�s mal, c’est parce que dans nos soci�t�s, les choses vont mal.

Ce n’est pas apr�s tout une id�e si bizarre, si farfelue. C’est un peu comme si l’on pense � une voiture, elle n’avance pas, elle fume, elle fait des bruits bizarres, tout cloche, donc on se dit, - �a va mal, vraiment mal...

Voil� donc exactement ce que l’on ne peut pas dire de nos soci�t�s, de nos vies. Car, dans nos soci�t�s, "TOUT VA BIEN", rien de ce qui nous arrive, le d�sastre humain, �cologique, d�mographique, la destruction des cultures, la destruction des paysages et des esp�ces, la mont�e des intol�rances, les gens qui meurent sur les plages des pays du nord, en essayant d’arriver aux terres o� encore, croient-ils, il est possible de survivre.

Et, sans nommer les gens qui entour�s de confort, meurent de froid aux portes des immeubles bien chauff�s... etc.

Tout �a, et tout ce que l’on conna�t de l’avanc�e de la barbarie qui nous menace ; et bien tout �a, ne correspond dans nos soci�t�s � aucun disfonctionnement, � aucune faille, personne ne "d�conne".

Et non, tout va tr�s bien, les plus jeunes ne connaissent certainement pas la ritournelle de r�f�rence, "tout va tr�s bien... Tout va tr�s bien... Mme la marquise... "

Et oui, le n�olib�ralisme, ou, si on veut, le capitalisme dans son �poque "n�olib�rale", fonctionne exactement comme �a. Disons le tout de suite :

puce C’EST PARCE QUE TOUT VA BIEN, DANS CE SYSTEME-CI, QUE NOUS SOMMES EN DANGER, QUE LA VIE, LA CULTURE, TOUT EST EN DANGER...

C’est parce que le syst�me fonctionne bien, parce que rien ne para�t pouvoir y r�sister, l’enrayer, parce qu’il suit son chemin, que nous sommes dans cette situation-l�.

C’est pourquoi, il n’est pas suffisant, loin s’en faut, de d�noncer sans cesse l’horreur qui avance, comme s’il s’agissait l� d’exc�s, de d�rapages.

Il n’y a dans ce syst�me ni d�rapages ni exc�s. C’est parce que justement tout est "en ordre", tout suit le cours normal, que nous sommes au cœur de l’horreur, au cœur d’une �poque obscure, ce que du point de vue de la vie est l’horreur, la barbarie, est du point de vue du syst�me, tout � fait "normal".

Ainsi, notre probl�me, n’est pas de trouver comment "d�noncer", comment montrer qu’il y a une v�ritable entreprise de destruction de la vie, car, tout simplement, il ne peut pas en �tre autrement.

Le syst�me n’est pas extensible, il est impossible d’imaginer que nous arriverons � des situations de justice, � des situations o� la menace recule. On n’a pas � attendre, que par extension, on puisse r�soudre le probl�me du d�veloppement.

Structurellement, il est impossible que tous les pays du tiers-monde arrivent au m�me niveau de d�veloppement que les pays du "nord". C’est dans ce sens que le syst�me n’est pas extensible.

Si nous ne pouvons pas construire, d�velopper d’autres r�alit�s, d’autres pratiques, si nous ne pouvons pas d�sirer autre chose qu’ - une meilleure place - dans ce syst�me-ci, tout continuera � "marcher bien", beaucoup trop bien ; voil� un peu de quoi il s’agit.

Or, nous sommes dans une situation o� il est impossible de dire simplement, - comment en finir avec l’horreur, comment changer d’�poque ?

Bien au contraire, �tre dans l’espoir d’un autre monde � venir, ou dans des positions vell�itaires, ou pire encore, en train de chercher toujours les raccourcis qui nous aideront � changer tout, ne ferait pas autre chose que faire perdurer encore plus l’obscurit�, la tristesse.

Notre d�fi est, comment pouvons-nous vivre, construire et r�sister dans une �poque obscure, sans se laisser enthousiasmer par des consid�rations quantitatives, nous sommes dans une �poque o� il faut pouvoir construire dans "l’intensif" (qualitatif), le fondamental, sans tomber dans le pi�ge du quantitatif.

Que les choses soient "urgentes", nous pousse justement � avoir le courage de la construction patiente et permanente du nouveau.

Comme nous l’avons d�velopp� avec Florence Aubenas, r�sister c’est cr�er, avoir le courage de cr�er, de construire des liens. De construire ici et maintenant ce qui, � l’�preuve de la pratique, se montre comme sup�rieur � ce que le syst�me nous offre, voil� ce qui est compliqu� voil� ce qu’il faut pouvoir faire.

Il n’y a pas dans cette construction, de petite ou grande exp�rience, il n’y a pas, surtout, de voie royale vers le changement, car c’est justement cette pens�e de l’impatience, cette fa�on d’�valuer les choses en termes utilitaristes qu’il faut changer.

Construire des projets concrets, tout en mettant entre parenth�se la question de "la solution", est peut-�tre la fa�on de r�sister au cœur d’une �poque obscure.

Au-del� de l’id�al imaginaire des individus qui se croient "libres", qui croient choisir leurs vies et leurs situations, le seul vrai d�fi est, comme toujours, non pas de choisir imaginairement les situations que l’on veut vivre, mais d’�tre � la hauteur des situations que l’on vit.

Ou comment l’�crivait Sartre, - "nous sommes responsables de ce que nous n’avons pas choisi..."

Imaginons seulement pour un instant que les hommes et les femmes soient responsables, uniquement des choses qu’ils ont choisies, et bien... on serait responsable de rien, o�, allons, presque rien.

C’est pour continuer dans cette construction, dans cette r�sistance, qu’avec quelques amis de "NO VOX" et du "Collectif Malgr� Tout", nous vous proposons cette feuille pour d�velopper la r�flexion, et favoriser l’�change, non pas pour �tre d’accord, mais pour continuer.

Miguel Benasayag

Jean Baptiste Eyraud

Collectif Malgr� Tout

R�seau No Vox.

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