> AMAP - Association pour le maintien d’une agriculture paysanne

Non � la dictature du « bien manger » !

Par Emmanuelle Blanc

Elle n’a pas vu venir le danger. Elle a m�me cru qu’en se rangeant sous la banni�re du “ di�t�tiquement correct ”, elle tournerait d�finitivement le dos � son pass� de boulimique. Termin�s le chaos alimentaire, les pulsions d�vorantes, les placards d�valis�s... Cattel allait remettre de l’ordre dans son assiette, accommoder ses menus � la sauce scientifique, r�fl�chir avant d’ouvrir la bouche. “ Je suis devenue incollable en nutrition, se souvient-elle. J’ai appris � choisir les aliments non pour leur go�t ou le plaisir qu’ils pouvaient me procurer, mais parce qu’ils �taient “sains”. Leur valeur calorique, leur teneur en graisses, en sucre, en vitamines, en min�raux... �taient mes rep�res. J’ai pris l’habitude de d�chiffrer les �tiquettes, de “mentaliser” mes repas, de tout contr�ler. ” Ce qui n’�tait au d�but qu’une petite fixette pas bien m�chante est devenu une obsession � plein temps. Une obsession qui porte un nom : l’orthorexie - �tymologiquement “ manger sain ”. (…)

Difficile, pour l’instant, d’estimer l’ampleur du ph�nom�ne. Et pour cause : se pr�occuper de son alimentation n’est pas un motif de consultation. Au contraire : faire la chasse aux OGM, ne jurer que par le bio, critiquer l’aspartame, les pesticides, les additifs, les conserves, les charcuteries industrielles... seraient plut�t dans l’air du temps. Passerait m�me pour un �l�ve consciencieux, pour ne pas dire un mangeur “ citoyen ”, celui qui veille chaque jour � �quilibrer sa balance �nerg�tique, qui garde un œil sur son compteur calorique, qui peut dire � quoi sert telle vitamine ou tel min�ral, qui sait ce qui se cache derri�re un certain E 180 (un pigment rouge incorpor� � la cro�te de certains fromages) et autre hydroxypropylm�thylcellulose (un �paississant souvent utilis� dans les plats surgel�s)... Bref, chacun y allant de son discours scientifique - ou pseudo-scientifique -, on ne remarque pas forc�ment ceux qui le poussent � l’extr�me, jusqu’� en faire une doctrine. (…)

On s’interroge : partant du principe qu’on a tous un petit fond orthorexique - que celle qui n’a pas �t� tent�e par le v�g�tarisme pendant la crise de la vache folle l�ve le doigt - risquons-nous de d�raper dans la franche parano�a ? De sombrer dans le “ foodamentalisme ” ? N’exag�rons rien : il ne s’agit que d’un ph�nom�ne qui, comme bien d’autres �carts de conduite alimentaire, reste anecdotique. Mais il illustre bien les d�g�ts que peut provoquer une information pl�thorique, souvent trop pointue pour �tre correctement interpr�t�e, parfois trop p�remptoire pour �tre dig�r�e avec s�r�nit�.