En France, la "productivit� horaire" est parmi les plus �lev�es du monde. Pourtant, le Medef dresse un bilan amer de la situation : si le travailleur fran�ais travaille mieux que d’autres, il produit toutefois moins que ses homologues am�ricains ou chinois pour la bonne raison qu’il ne travaille pas assez. Fain�ant ! Le train de la concurrence ne t’attendra pas ! Heureusement que le trait� constitutionnel veille au grain.
LA situation actuelle.
Selon la , la dur�e moyenne de travail hebdomadaire calcul�e sur une p�riode d’au maximum 4 mois [1], n’exc�de pas 48 heures y compris les heures suppl�mentaires (articles 6 et 16-b). Tout salari� doit b�n�ficier d’un minimum de 11 heures cons�cutives de tr�ve journali�re auxquelles s’ajoute un repos hebdomadaire de 24 heures (articles 3 et 5) et un minimum de 4 semaines de cong�s pay�s.
Faites le compte, on peut travailler jusqu’� 78 heures par semaine, pauses comprises [2].
Sachant que le temps de travail peut �tre annualis� et que les calculs pour la dur�e moyenne hebdomadaire se font sur 4 mois au maximum, la situation la plus extr�me pourrait ressembler � celle-ci : le travailleur bosse 2 mois � 78 heures par semaine, puis 2 mois � 18 heures par semaine. On reste bien dans la moyenne des 48 heures.
Pour pallier ce manque de "flexibilit�", l’article 22 pr�voit qu’« un �tat membre a la facult� de ne pas appliquer l’article 6 tout en respectant les principes g�n�raux de la protection de la s�curit� et de la sant� des travailleurs ». Il lui suffit d’obtenir l’accord du travailleur. Dans ce cas le verrou des 48 heures saute et la semaine de 78 heures devient une r�alit�. C’est ce que l’on appelle l’opt-out, principe essentiellement d�fendu et appliqu� par la Grande Bretagne [3].
Tout allait pour le mieux mais c’�tait sans compter sur la Cour europ�enne de justice, qui a estim� � plusieurs reprises que l’int�gralit� du temps de pr�sence sur le lieu de travail devait �tre consid�r�e... comme du temps de travail [4]. Avec cette jurisprudence, la plupart des �tats membres ont d� ajuster leur l�gislation nationale, notamment dans le secteur de la sant� o� la France, l’Allemagne et l’Espagne ont d� recourir � la clause d’opt-out.
Le projet de la Commission.
Conform�ment � la loi, une consultation des partenaires sociaux a pr�c�d� la r�daction d’un nouveau projet de directive. Il se trouve que toutes les propositions de l’UNion des Industries des pays de la Communaut� Europ�enne (UNICE, le "Medef de l’Europe") ont �t� reprises malgr� l’opposition de la Conf�d�ration Europ�enne des Syndicats (CES) [5]. Ainsi, la Commission s’est fix�e 4 objectifs :
• assurer un niveau �lev� de protection de la sant� et de la s�curit� des travailleurs en mati�re de temps de travail ;
• donner aux entreprises et aux �tats membres une plus grande flexibilit� dans la gestion du temps de travail ;
• permettre une meilleure compatibilit� entre vie professionnelle et vie familiale ;
• �viter d’imposer des contraintes d�raisonnables aux entreprises, notamment aux PME [6].
En pr�cisant que son projet respecte « les droits fondamentaux et [observe] les principes qui sont reconnus notamment par la Charte des droits fondamentaux de l’Union europ�enne », en particulier l’article 31 [7], la Commission a pu formuler ses propositions. Dans son , elle introduit le temps de garde : « p�riode pendant laquelle le travailleur a l’obligation d’�tre disponible sur son lieu de travail afin d’intervenir, � la demande de l’employeur, pour exercer son activit� ou ses fonctions ». Elle pr�cise que « La p�riode inactive du temps de garde n’est pas consid�r�e comme du temps de travail » [8]. Un travailleur pourrait donc se retrouver sur son lieu de travail, � la disposition de son employeur, sans �tre r�mun�r�.
La p�riode de r�f�rence pour calculer la dur�e de travail hebdomadaire est port�e � 12 mois (au lieu de 4) et n’est plus d�rogatoire, elle est simplement soumise � la consultation des partenaires sociaux [9].
Et les modalit�s de l’opt-out sont modifi�es : quand le travailleur accepte de travailler plus de 48 heures par semaine en moyenne, il ne peut se voir imposer des semaines de plus de 65 heures [10]. Bien �videmment, les p�riodes de garde inactives ne sont pas incluses dans ce d�compte. De plus, la mise en œuvre de l’opt-out doit �tre pr�vue par la convention collective si cette derni�re existe. Dans le cas contraire on en reste � la situation actuelle, c’est � dire � l’accord conclu entre employeur et salari� [11].
Le Parlement vient d’amender le texte !
Victoire de la d�mocratie ! Votez oui !
Mercredi 11 mai 2005, le Parlement adoptait le projet de directive en premi�re lecture, moyennant quelques amendements.
Il propose la suppression de la clause d’opt-out [12]. De plus, « toute la p�riode du temps de garde, y compris la p�riode inactive, est consid�r�e comme temps de travail » avec la possibilit� de ne pas d�compter le temps de garde inactif dans le calcul du temps de travail hebdomadaire. Cela permettrait aux �tats membres qui ont d� recourir � l’opt-out dans le secteur de la sant� de s’en passer sans avoir � modifier leurs pratiques.
En revanche, les d�put�s approuvent la proposition de la Commission visant � rallonger la p�riode de r�f�rence pour le calcul du temps moyen de travail hebdomadaire (de 4 mois ajourd’hui � 12 demain - amendement 19). Le cas le plus extr�me devient donc : 6 mois de travail � 78 heures par semaine suivis de 6 mois � 18 heures par semaine. Comme s’accorde � le dire la triade institutionnelle : « le besoin se fait sentir de trouver un nouvel �quilibre entre la protection de la sant� et de la s�curit� des travailleurs et le besoin de donner plus de flexibilit� dans l’am�nagement du temps de travail ».
Tony Blair s’est fermement oppos� � la disparition de l’opt-out. Il estime que la flexibilit� du monde du travail est indispensable � la survie �conomique de l’Union europ�enne face � de nouveaux concurrents tels que la Chine ou de l’Inde [13].
Quelles cons�quences ?
Apr�s la r�daction propos�e par l’UNICE la Commission et l’amendement du Parlement, la proc�dure de cod�cision suit son cours : c’est d�sormais au Conseil de se prononcer sur le texte. Quoi qu’il en soit, l’article 15 pr�cise que la « directive ne porte pas atteinte � la facult� des �tats membres d’appliquer ou d’introduire des dispositions l�gislatives, r�glementaires ou administratives plus favorables � la protection de la s�curit� et de la sant� des travailleurs ».
Comme il n’existe en Grande-Bretagne aucune l�gislation propre sur la dur�e du travail, c’est un des rares pays o� la directive europ�enne pourrait avoir des cons�quences.
En France, si la dur�e l�gale est de 35 heures de travail hebdomadaire, le plafond autoris� est toujours de 48 heures. Il reste donc de la place pour 13 heures suppl�mentaires major�es � des taux variants entre 10 et 50%
[14]. Le contingent d’heures suppl�mentaires annuelles autoris�es est de 220 heures [15], ce qui correspond � une dur�e hebdomadaire moyenne d’environ 39 heures.
Autre particularit� hexagonale : les heures suppl�mentaires sont d�cid�es par l’employeur, qui doit en revanche s’appuyer sur un accord de branche pour annualiser le temps de travail. C’est ainsi que la mise en oeuvre des 35 heures a souvent donn� lieu, avec de nouveaux accords de branche, � une part d’annualisation du temps de travail participant � la flexibilisation tant souhait�e.
Tout en respectant la Charte des droits fondamentaux — qui constitue la partie II du trait� constitutionnel tant vant�e par ses souteneurs — l’Europe peine � am�liorer la condition des travailleurs europ�ens les plus d�favoris�s. L’harmonisation par le bas est une r�alit�. Le Parlement est en difficult� face au Conseil et la Commission pour essayer d’imposer des droits sociaux qui sont l’�quivalent de ce qui existait en France il y a presque un si�cle [16]. On nous martelle que l’av�nement du trait� constitutionnel permettra la construction de "l’Europe sociale". Certainement.
Une Europe sociale � la chinoise.
[1] Extensible par d�rogation � 6 mois, jusqu’� 12 mois par conventions collectives ou accords conclus entre partenaires sociaux.
[2] 78 = [6 x (24 - 11)]. A noter : la d�finition du temps de pause est laiss�e � la charge des �tats membres lorsque la dur�e de travail journalier est sup�rieure � 6 heures (article 4).
[3] Le Royaume-Uni a obtenu l’introduction d’une clause d’opt-out en 1993, quand le dauphin de Margaret Thatcher John Major �tait premier ministre.
[4] Arr�t SIMAP (C-303/98) et arr�t Jaeger (C-151-02).
[5] Projet de directive, II - r�sultats de la deuxi�me phase de consultation des partenaires sociaux.
[6] Projet de directive III-10 p.3.
[7] Projet de directive II-14 p.9.
Rappel de l’article 31 (II-91 du trait� constitutionnel) :
Conditions de travail justes et �quitables
1. Tout travailleur a droit � des conditions de travail qui respectent sa sant�, sa s�curit� et sa dignit�.
2. Tout travailleur a droit � une limitation de la dur�e maximale du travail et � des p�riodes de repos
journalier et hebdomadaire, ainsi qu’� une p�riode annuelle de cong�s pay�s.
[8] Projet de directive article premier paragraphes 1 et 2.
[9] Article premier paragraphe 3.
[10] A moins que la convention collective n’en dispose autrement. Projet de directive article premier paragraphe 8.
[11] La commission pr�cise pourtant p.8 de son projet que « l’exp�rience acquise dans l’application de l’article 22, paragraphe 1, [opt-out, ndlr] montre que la d�cision finale purement individuelle de ne pas �tre tenu par l’article 6 de la directive peut poser des probl�mes en ce qui concerne la protection de la sant� et de la s�curit� des travailleurs et aussi de libre choix du travailleur ».
[12] Amendement 20. L’Article d�finissant l’opt-out est supprim� 3 ans apr�s l’entr�e en vigueur de la directive.
[13] Propos rapport�s dans un article du nouvelobs.
[14] Entre 35 et 39 heure, majoration de 10% pour les entreprises de moins de 20 salari�s, 25 % pour les autres.
Entre 39 et 43 heures, majoration de 25% et repos compensateur de 50% � partir de la 42i�me heure.
Entre 44 et 48 heures, majoration de 50% et repos compensateur de 50%.
[15] Avant la loi Larcher, le total �tait de 130 heures et chaque heure travaill�e au del� devait �tre major�e de 100%.
[16] La Loi du 23 avril 1919 �tablit des dur�es maximales de 8 heures par jour ou de 48 heures par semaine. 1936 : loi sur la semaine de 40 heures et sur les 2 semaines de cong�s pay�s. 1969 : quatri�me semaine de cong�s pay�s.
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