Cuverville
Toulon Var agglom�ration
Article mis en ligne le le 9 /01 /2008
Le Pradet : tout est dans tout, et r�ciproquement
MUNICIPALES 2008
par Gilles Suchey

Le Conseil municipal prad�tan n’en finit plus de se recomposer selon des permutations tr�s complexes, inaccessibles aux esprits simples comme le v�tre. Que connaissez-vous du mouvement brownien ? Sauriez-vous mod�liser la trajectoire des �lus qui se t�lescopent dans les all�es du parc Crav�ro � la recherche d’une liste pour les prochaines �lections ? Non ? C’est pour vous aider � comprendre que les experts les plus en pointe dans le domaine de la physique des catastrophes — ceux de Cuverville — se sont empar�s du sujet. Restez concentr�s.

Certains appellent �a une fin de r�gne difficile. Roland Joffre, qui brigue un quatri�me mandat, n’aimerait y voir qu’une pouss�e de fi�vre. Les probl�mes se sont cristallis�s autour du Plan Local d’Urbanisme.

Sur le Pradet, poumon vert de l’agglom�ration toulonnaise, fleurissent des associations tr�s pugnaces qui ne supportent pas qu’on requalifie un secteur naturel ou agricole en zone un tant soit peu constructible. Elles suspectent Joffre de vouloir b�tonner la ville et doubler sa population. � tout le moins, de suivre beno�tement les orientations pr�conis�es par les t�nors de l’agglom�ration : d’apr�s les contestataires, Falco voudrait ainsi d�placer les pauvres du centre ville toulonnais vers de nouveaux logements sociaux b�tis au Pradet, d’o� un PLU favorable au d�veloppement urbain. Joffre crie au proc�s d’intention, mais les Verts et autres anciens amis reprennent l’accusation � leur compte au gr� de leurs convictions personnelles (et de leur opportunisme).

Homme de gauche aux id�es contrast�es, qui d�clare le Pradet "hors AGCS" tandis qu’il se r�jouit de l’inauguration d’un McDo sur sa commune, qui affirme son profond d�go�t pour la vulgarit� en politique mais s’enthousiasme (un temps) � l’id�e d’installer un casino � deux pas de l’H�tel de ville, on lui reproche aussi des m�thodes d�cisionnelles s’accommodant assez peu du d�bat. Le jeune retrait� dispose enfin de temps pour s’occuper de tout. Dernier exemple notable : quand de nombreux maires envisagent le retour aux r�gies municipales pour la gestion de l’eau, il fait voter au pas de charge et sans concertation apparente un nouveau contrat d’affermage avec la CEO qui engage la ville pour les 12 ann�es � venir (novembre 2007).

Vingt ans d’aventures �lectorales

Le socialiste Roland Joffre chasse Pierre Segony de l’H�tel de ville en 1989. Maire depuis dix ans, Segony ne s’en remettra jamais vraiment et tentera une nouvelle fois sa chance en 1995, puis 2001, puis 2008... Quand on aime on ne compte pas.

1993 : Joffre se pr�sente aux l�gislatives sur la troisi�me circonscription du Var qui r�unit le Pradet, la Garde, la Valette, la Crau et surtout Hy�res. On conna�t Hy�res pour ses palmiers... Ses plages... Ses mafieux, ses r�acs... Trois candidats franchiront le cap du second tour : un homme de droite old-school � poils et gourmette (Jo Sercia), un militant du Front national (Jean-Jacques G�rardin) et la sortante UDF (Yann Piat, ex-FN). Celle-ci conservera son mandat au terme d’une campagne plut�t rugueuse, avant d’�tre assassin�e quelques mois plus tard.

1995 : les Prad�tans renouvellent leur confiance � Joffre au grand dam de Segony. Le maire est toujours socialiste.

1997, ann�e de la rupture. La mort de Yann Piat a scell� le sort d’un UDF jadis omnipotent. La droite varoise peine � se recomposer, une fen�tre s’ouvre pour les progressistes. Fort de son implantation locale, Joffre pense avoir une chance historique d’acc�der au palais Bourbon. Malheureusement pour lui, le parti socialiste (qui s’emparera bient�t des deux circonscriptions toulonnaises en surfant sur la vague anti-UDF et anti-FN) ne l’entend pas de cette oreille et donne l’investiture au Parti Radical de Gauche dans le cadre des accords "pluriels". Le maire du Pradet tente quand m�me l’aventure en franc-tireur contre les candidats officiels... Une fois de plus, le FN et la droite classique s’affrontent seuls au second tour. Jean-Pierre Giran est �lu, il incarne un possible renouveau � gauche du Front. Joffre se fait virer du PS.

Les �lus socialistes du Pradet basculent dans l’opposition et n’auront plus qu’une ambition : faire tomber le ren�gat. Aux municipales de 2001, Joffre se retrouve face au socialiste Claude Gueit (et � l’inusable Segony). Il emporte la bataille d’un cheveu.

Puis il adh�re au PRG « pour exister politiquement », ce qui ne manque pas de sel quand on se souvient de 1997, et se pr�sente une troisi�me fois aux l�gislatives en 2002. Il n’atteindra pas un second tour r�duit au duel UMP / FN. Giran consolide sa position.

2008 - Vases tr�s communicants.

Dans la perspective des municipales de mars prochain, Joffre a essay� de se r�concilier avec ses anciens amis socialistes en leur offrant, voil� quelque temps, un poste de conseiller communautaire rest� vacant apr�s le d�c�s d’un adjoint. L’adversaire de 2001 Claude Gueit a accept� le poste (900 euros net par mois)... Mais pas la r�conciliation.

Les socialistes organisent la candidature de leur poulain. Plouf plouf, cette fois-ci c’est le secr�taire de section Louis Zunino qui s’y colle, et Claude Gueit prend la t�te du comit� de soutien.

Les Verts, qui travaillaient encore avec Joffre l’�t� dernier, ont adoub� Zunino depuis que le maire a retir� sa d�l�gation � l’adjoint �colo Maurice Franceschi (en plein Conseil municipal !). Franceschi a rejoint la liste du candidat socialiste.

Autre cerveau en fuite : l’ex-premier adjoint Claude M�sangroas qui embarque avec lui deux anciens colistiers de Joffre. Apr�s 18 ans et 212 jours de fid�lit� au maire, M�sangroas s’est soudain rendu compte que �a n’allait plus du tout. « Nombre de d�cisions ont �t� prises sans aucune discussion avec les �lus. Je regrette vivement cette attitude anti-d�mocratique », explique-t-il sans rire en r�v�lant sa propre candidature [1].

Trois anciens amis, trois listes. Voil� pour la gauche ( ?) qui fait r�ver.

En face, Segony repart � la bataille. Il n’a plus le soutien d’aucun parti mais certains Prad�tans lui sont toujours attach�s. Pour justifier sa �ni�me tentative, celui qui fut �lu maire en 1979 explique qu’« il faut un renouvellement » [2]. Il affirme d’autre part que Joffre l’a sollicit� pour le rejoindre mais qu’il ne veut pas en entendre parler.

Le candidat de droite officiel sort du n�ant. Herv� "Bling bling" Stassinos �tait encore inconnu des Prad�tans voil� trois ans. Il occupe le terrain et fait le forcing sur la communication : c’est normal, c’est VRP, c’est UMP. Et comme c’est UMP, �a pratique — aussi — l’ouverture : une conseill�re municipale �lue derri�re Joffre en 2001 rejoint aujourd’hui Stassinos. « Je suis une militante de gauche mais je pense qu’il faut apporter du changement au Pradet » [3]. C’est s�r que pr�sent� sous cet angle, c’est plus joli que « Stassinos me reconnait � ma juste valeur. Il m’a promis un poste d’adjointe » (1000 euros net par mois). Stassinos est le poulain de Giran. Joffre, lui, s’entend tr�s bien avec Falco.

� ce joli tableau manquaient encore les centristes. Un �lu toulonnais inscrit au Modem, Philippe Unia, a d�cid� de se ranger derri�re le candidat UMP tandis que Jean-Louis Savarin, investi par le parti de Fran�ois Bayrou sur le Pradet, s’est rapproch� de Joffre.

Oui, parce qu’il ne faut pas croire que le flux des candidats militants ne suit qu’un seul cours. Joffre sait tr�s bien comment tout cela fonctionne. Il a su retenir une �lue socialiste, Nicole Tessier, qui pour cette raison se fera sans doute exclure du parti (� moins que ce ne soit d�j� fait). Il a su retenir son adjointe � la culture Fran�oise Maurel pourtant inscrite chez les Verts et s�duire deux militants UMP qui s’ennuyaient jusque-l� sur le banc d’en face, Fran�ois Boulard et G�rard M�neveaux.

On aura compris qu’� ce petit jeu, les grands perdants sont ceux qui conservent des convictions politiques et refusent la compromission. Le petit conseiller municipal de Joffre �lu il y a un ou deux mandats, qui ne fait pas de vagues et pense toujours � gauche (�a doit bien se trouver, quand m�me), a beaucoup moins de chance d’obtenir un poste d’adjoint que l’arriviste piqu� hier au camp adverse. Si Joffre conserve son mandat, on peut pronostiquer que Boulard (UMP) et Savarin (Modem) seront haut plac�s dans l’organigramme : c’est la condition sine qua non de leur pr�sence sur la liste.

L’in�narrable Segony l’affirme d’ailleurs sans tabou : « nous en avons marre des bagarres de partis. Le Pradet est un village qui n’est pas la chose d’un parti politique, nous accepterons tous les hommes volontaires m�me s’ils sont de gauche » [2]. Une culture de projets qui confirme la mort des clivages politiques, � la Guaino/Sarkozy ? Dans ce cas, les projets se r�sument � des slogans grossiers qui ne r�ussissent pas � cacher les rivalit�s, les probl�mes d’ego et de pouvoir, et parfois d’argent. Et pour revenir � Segony, il appara�t que sa motivation � trouver des volontaires de gauche est d’autant plus grande qu’il a du mal � boucler sa liste.

Maintenant, pour v�rifier que vous avez bien compris et tout retenu, nous vous proposons un petit jeu en 3 questions (le sch�ma explicatif ci-dessous est l� pour �pauler votre r�flexion) :

1- O� le maire du Pradet se positionne-t-il sur l’�chiquier politique ?
2- Le parti socialiste arrivera-t-il � faire chuter Joffre, c’est-�-dire � offrir � l’UMP la derni�re ville de l’agglom�ration qui manquait � son palmar�s ?
3- Vers qui se reporteront les voix traditionnellement d�di�es au FN, vu qu’il n’y a pas de candidat FN ?




[1] Var matin, 20 octobre 2007.

[2] Var matin, 8 octobre 2007.

[3] Var matin, 21 d�cembre 2007.