Cuverville
M�dia
Br�ve mise en ligne le le 28 /09 /2009
L’UMP ou le lecteur ? Var Matin a fait son choix

Un monument. Un collector. La Une du quotidien pr�f�r� des Varois de ce mardi 22 septembre a quelque chose de surr�aliste. Ce n’est pas le gros titre sur les inondations, coinc� entre un �ni�me suicid� � La Farl�de et une �ni�me interview de Mourad Boudjellal, qui interpelle. Non. C’est la photo de milieu de page, surmont�e du titre « Var Matin lance son Club de l’�co », qu’il s’agit d’appr�cier comme un mod�le de ce que la presse quotidienne r�gionale peut offrir de plus beau dans la collusion entre journalisme et milieu politico-�conomique.

"Le choc des photos", a-t-on coutume de dire. Sur celle-ci, rien qui ne semble pouvoir susciter l’attirance de lecteurs habituellement gav�s d’exploits rugbystiques ou d’accidents sanglants. Rien qu’une brochette de personnalit�s tout sourire dans un espace ind�termin� (on comprend � la lecture de la l�gende qu’il s’agit des locaux de l’Union patronale du Var). On y voit l’ex-ministre du Travail et homme fort du Sarkozysme des derniers mois, Xavier Bertrand, d�sormais Secr�taire g�n�ral de l’UMP, dont on apprend dans la l�gende de la photo qu’il est « le premier invit� du Club de l’�co Var Matin ».

Un Club de l’�co ? Qu�s aco ? Il s’agit d’un « espace de rencontres au service des entreprises », explique le quotidien. Tr�s bien. Mais pourquoi Xavier Bertrand ? On comprend mieux en regardant les autres visages pr�sents sur la photo. Les Varois f�rus de politique auront notamment reconnu le d�put� UMP Ginesta, l’UMP Philippe Vitel, le maire (UMP, faut-il le rappeler) fra�chement "d�sintronis�" repr�sentant de la droite aux R�gionales, l’adjointe UMP au susdit maire Genevi�ve L�vy.

Les autres ? Une pr�sidente d’une asso d’entrepreneurs au doux nom d’Ethic, le pr�sident de l’Union patronale, h�te de tout ce beau monde, le PDG du groupe Nice Matin [1] — au bras d’Hubert Falco — ainsi que le jeune directeur des r�dactions du m�me groupe, Olivier Biscaye.

Reprenons : mal en point, le journal ne doit son salut qu’aux annonceurs priv�s (les entreprises) et institutionnels (les collectivit�s, autrement dit les politiques). � la recherche d�sesp�r�e de partenariats �conomiques (comprenez : d’argent frais des annonceurs gr�ce � des op�rations de com’ type "gagnant-gagnant", comme le journal + caf� � un euro au McDo, ou encore le ticket de Millionnaire offert avec le journal...). L�, une t�te pensante a une id�e de g�nie : r�unir tout ce beau monde (journal, entreprises et institutionnels) dans un m�me lieu pour nouer des contacts, ou plut�t pour resserrer des liens d�j� existants.

Chacun est dans son r�le : les politiques cherchent � mettre au pas une presse d�j� pourtant peu encline � la critique ; les entreprises cherchent elles aussi des partenariats �conomiques (et qui mieux qu’un journal peut assurer la promotion d’une entreprise — au-del� des annonces payantes — en mettant en valeur ou plut�t en ne d�nigrant jamais un partenaire ?) ; les dirigeants du journal assurent � celui-ci des revenus r�guliers (tant qu’il reste en bons termes avec ces partenaires...), contrairement � ceux des ventes, bien trop incertains car d�pendants d’un lectorat de moins en moins fourni ; les r�dacteurs du journal esp�rent se faire bien voir de leur hi�rarchie, s’assurent des contacts dans le tissu �conomique comme dans le milieu politique local, sur l’air de "�a n’est pas si grave, le lecteur saura d�m�ler l’information de la promotion, et si je ne le fais pas, un autre le fera..."

Mais qui peut imaginer un seul instant qu’un tel sujet (l’ouverture d’un espace de rencontre entre acteurs �conomiques inaugur� par un ancien ministre) am�ne le lecteur, fut-il UMPiste, � acheter le journal ?

Le constat est clair. Var Matin, que beaucoup accusaient de rouler pour Falco, particuli�rement depuis la mise au placard de son directeur Patrice Maggio, a fait son choix : l’UMP avant le lecteur.

Isabel Gris




[1] Le groupe, propri�t� d’Hersant M�dia, est constitu� de Nice Matin, Corse Matin et Var Matin.