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Jos� Bov� � Six-Fours

par L�on Gicquel le 9 /08 /2004

Sur le site du Brusc, entre une �cole et l’�le du Gaou, le maire de Six-Fours voudrait autoriser la construction d’un restaurant McDonald’s.
Le 3 ao�t dernier, un assortiment h�t�roclite d’opposants au projet (de l’UDF aux Verts, en passant par une association de riverains) accueillait le missionnaire Jos� Bov�, toujours prompt � filer un coup de main d�s qu’il s’agit de d�noncer la malbouffe. Les Olivades, en embuscade, en ont profit� pour choper la balle au bond.

Saint-Nazaire �tait jadis un petit village varois de p�cheurs. Puis devint une station baln�aire en adoptant le nom de Sanary-sur-mer.
Six-Fours, un ensemble de quartiers dont le Brusc, sa lagune et ses �les, �tait connu pour sa coll�giale, ses marais, sa fabrique de tuiles...
Bref, voil� une baie qui jouissait d’un environnement de r�ve, o� l’homme aurait pu vivre en bonne intelligence avec la nature. Les Grecs l’avaient compris en cr�ant un comptoir.
Quelques anciens se souviendront : que sont devenus les paysages idylliques d’une campagne exploit�e, respect�e ? Envol�s, les parfums qu’exhalent la rencontre de la mer et de la terre ! O� sont pass�es les cannes de Provence encadrant les cultures, ces petites criques o� la tranquillit� te permettait de taquiner la muse ?
B�ton, goudron, urbanisation !

Le pont sur la Reppe - 34.2 ko
Le pont sur la Reppe

C’est une rivi�re qui �tablit la limite g�ographique entre Sanary et Six-Fours. Pardon, un fleuve ! Certains parlent m�me d’un oc�an ! L’antagonisme entre les deux villages est ancien. Pourtant, tout est fait pour les rapprocher : l’attrait touristique, l’accueil de populations retrait�es, les �lus UMP anim�s par l’envie chronique et furieuse de construire tout et n’importe quoi.
Les deux maires actuels aiment se chatouiller. L’hiver dernier, Sanary avait suivi l’occupation de son �glise par les r�sidents du camping du Val d’Aran � qui la commune faisait des mis�res. Jean-Seb [1] �tait venu faire un petit coucou sympathique et solidaire aux occupants. Quelques mois plus tard, en juillet, c’est le Grand [2] qui prenait un arr�t� municipal d’interdiction pour les transports en commun de circuler sur l’avenue qui m�ne � Six-Fours, afin de persuader Jean-Seb de b�tir un autre pont sur la Reppe. Ce fut une pagaille monstre : la police municipale arr�tait et verbalisait les bus de ligne empruntant un passage oblig� ! Le pr�fet r�tablit finalement l’ordre en annulant l’arr�t�.
Une odeur pestilentielle accueille le touriste qui franchit le pont de la Reppe entre Sanary et Six-Fours. Serait-elle l’expression du climat politique local ?

Parmi ses nombreux projets, Jean-Seb veut am�nager les plages de Bonne-Gr�ce, agrandir le petit port, construire un casino et accueillir un Mac Do. Mais voil�, quelques contribuables ne comptent pas le laisser faire, parmi lesquels bien �videmment des animateurs de l’opposition associative ou politique. Et m�me au sein de sa propre majorit� que Vialatte r�ussissait � ma�triser jusque l�, le torchon semble br�ler.
Erik Tamburi, membre de l’UDF, est l’un des contestataires. Il a invit� Jos� Bov� pour une conf�rence de presse contre la construction du Mac Do.

José Bové, Erik Tamburi - 17 ko
Jos� Bov�, Erik Tamburi

3 ao�t 2004, bar du Miami. Outre Tamburi et Bov�, sont pr�sents la pr�sidente des parents d’�l�ves de la PEEP [3] et Philippe Guinet, �lu municipal des verts. L’affaire tombait � pic pour les d�fenseurs des Olivades, aussi Daniel Vuillon est-il venu �voquer l’�p�e de Damocl�s qui p�se au-dessus de son exploitation.
Dans le public : des repr�sentants de la presse, de la t�l� et des grandes oreilles locales, mais aussi quelques militants de diff�rentes associations. Jean-Louis Annibal, tonitruant pr�sident de l’Association de d�fense du Brusc et de la presqu’�le du Cap-Sici�, se devait d’�tre pr�sent. Il a intent� et gagn� plusieurs recours contre certains projets de la commune de Six-Fours... Une �pine dans le pied de Jean-Seb ! Le maire saura-t-il briser l’ardeur de ce militant convaincu (en utilisant peut-�tre ses bras, car si Vialatte n’est pas avare en permis de construire, il aime aussi distribuer les calottes) ?
Annibal est plus motiv� que jamais pour d�fendre la cause de son environnement, on l’a interrog� avant l’arriv�e du h�raut de la Conf�d�ration paysanne. L’association qu’il pr�side est sur tous les fronts, qu’ils soient terrestre ou marin : « investigations, r�clamations, mais aussi lutte contre tous les projets qui vont � l’encontre de la protection de l’environnement... Telles les d�charges sauvages sur des sites prot�g�s, les ensembles immobiliers souvent ill�gaux comme � la Coudouli�re, les constructions sur des terrains agricoles d�class�s, les prises de position arbitraires concernant l’ancien POS, maintenant PLU [4], les propri�t�s remarquables menac�es, les chemins pittoresques qu’on veut agrandir et d�naturer, enfin toute atteinte � l’environnement, � la nature et plus particuli�rement au cadre de vie des citoyens. Si nous controns toutes les d�gradations, tous les projets pr�vus, nous en avons par contre dans nos tiroirs qui se tiennent et commencent � porter leurs fruits. » Exemple de projet : rendre gratuit l’acc�s � l’autoroute Toulon-Bandol, pour �viter la circulation de transit sur les communes de la Seyne, de Six-Fours, Ollioules et Sanary.
Quand on �voque le festival des Voix du Gaou, on touche � un point sensible et le militant repart � l’attaque : « Le festival des Voix du Gaou est quelque chose d’int�ressant, s’il avait lieu dans un autre site [5] ! Le reste de l’ann�e on interdit pratiquement l’acc�s � cette �le. Elle doit �tre rev�g�talis�e, remise en nature, restaur�e, ce quelle �tait � l’�tat naturel. Maintenant pendant 3 semaines ou un mois de festival... Ce ne sont que des pi�tinements, un massacre de la nature... Il y a aussi des nuisances sonores pour les riverains qui se plaignent sans se plaindre... Il est difficile de faire des p�titions parce que les gens ont peur - entre guillemets -. »
Comme dans ces contr�es siciliennes o� la pieuvre dirige d’une main de fer la grande masse silencieuse et recluse, ici, sur cette partie de la c�te proven�ale, est-ce la main invisible d’un capitalisme roi qui tente de faire taire les mal-pensants, ceux-l� m�me qui osent affirmer leurs citoyennet� ? Il faut croire que face au projet actuel d’�difier un Mac Do, seul Jos� Bov�, trublion national, �tait capable de venir d�fendre la cause des militants. Sa compagne et lui sont donc d�barqu�s du Larzac dans leur 405. Daniel Vuillon les a accueillis avec un panier de ses derni�res productions. L’odeur du basilic embaume la pi�ce.

Daniel Vuillon, José Bové - 20.2 ko


Quelqu’un lance, en pointant les l�gumes : « alors � la place de �a, ils veulent b�tonner ?
Jos� Bov� : C’est la situation la plus absurde. D’un c�t� le permis de construire pour un Mac do, et de l’autre une enqu�te d’utilit� publique pour chasser un paysan.

[La pr�sidente de la PEEP :] Pour nous, parents d’�l�ves, c’est la sant� de nos enfants... Implanter un fast-food � c�t� d’un �tablissement scolaire, c’est aller � l’encontre de la lutte contre l’ob�sit�.
On le voit malheureusement dans beaucoup d’endroits o� ce genre de jonction se fait [NDLR : �cole et fast-food]. Souvent les �lus pr�f�rent faire �a plut�t que d’investir dans des cantines scolaires et dans une gestion municipale des cantines qui seraient aliment�es par de l’agriculture locale. Pourtant, c’est possible !

On conna�t votre engagement contre Mc Donald’s, contre la malbouffe. Quel est votre sentiment sur ce projet ?
Je trouve que c’est compl�tement scandaleux. Il y a d�j� quatre ans, j’�tais venu � quelques m�tres d’ici pour dire que ce projet �tait aberrant... Qu’il y avait une agriculture, des produits, une restauration de qualit� possibles. Le maire avait renonc� et recul� devant la mobilisation des citoyens. Je trouve incroyable que quatre ans plus tard on se retrouve dans la m�me situation avec la volont� d’imposer ce Mac Do tout pr�s d’une �cole. Quelque chose d’invraisemblable, et qui va contre ce que les d�put�s ont vot� � l’Assembl�e nationale pour lutter contre l’ob�sit�. D’ailleurs, m�me aujourd’hui chez Mac Do, on reconna�t qu’y aller une fois par semaine c’est d�j� trop ! On risque de mal s’en porter. Je voudrais qu’on mette en parall�le ce qui se passe � Six-Fours et ce qui se passe � quelques kilom�tres d’ici, � la ferme des Olivades, o� des paysans sont expropri�s pour agrandir des zones industrielles, alors qu’ils ont cr�� des r�seaux consommateur-producteur qui permettent � chacun d’avoir des produits de qualit� tout au long de l’ann�e... On est dans un syst�me absurde.

[Presse :] L’argument des �lus se veut �conomique. On va cr�er des emplois, notamment � Mc Donald’s.
Le poids �conomique, aujourd’hui ? C’est de l’emploi au rabais, ce sont des salari�s qui sont jet�s, qui sont l� de passage. La dur�e moyenne de l’emploi chez mac Donald est de six mois, et apr�s on change de boulot. Des emplois pr�caires dans des conditions tr�s difficiles, o� un salari� qui veut revendiquer ses droits ne peut pas le faire parce que les syndicats sont interdits... Ce type d’emploi ne permet pas � une population de vivre sur place, de fonder une famille alors que si l’on cr�e de l’emploi paysan, de l’emploi artisan, de l’emploi de restauration, et bien on est en capacit� de faire vivre des familles et de les installer � l’ann�e.

Pour le second sujet sur la ferme des Olivades, c’est un combat symbolique ?
C’est un combat compl�tement symbolique pour l’avenir de l’agriculture p�riurbaine. Les �lus aujourd’hui sont en train de sacrifier des exploitations agricoles au nom d’une logique d’extension des zones industrielles, au nom du b�tonnage. Cette exploitation est plus particuli�rement symbolique dans la mesure o� elle a �t� le point de d�part des AMAP, donc des r�seaux consommateur-producteur... Je crois que c’est l’avenir, on le voit dans les Bouches du Rh�ne, on le voit dans le Var... Ces AMAP se sont d�velopp�es et permettent de faire vivre plusieurs dizaines d’exploitations agricoles de petite taille. C’est aujourd’hui un v�ritable enjeu car on est ici dans une situation de ch�mage important et que l’agriculture familiale, l’agriculture de proximit�, l’agriculture biologique peuvent permettre des cr�ations d’emplois et le maintien de l’environnement.

On a entendu les d�clarations d’�lus de TPM disant que l’on ne touchera pas � la ferme, et parall�lement on voit une enqu�te publique d’urbanisation qui mutile le site. Comment jugez-vous ces d�clarations ?
Il faudra bien que les �lus assument leurs responsabilit�s parce qu’ils ne pourront pas d’un c�t� tenir un discours et de l’autre faire en sorte que cette ferme disparaisse. � partir du moment o� ils s’engagent, ils seront oblig�s d’aller jusqu’au bout. Aujourd’hui, on est dans un processus d’expropriation possible : une enqu�te d’utilit� publique. On sait comment �a fonctionne. Moi, j’en ai v�cu une pendant des ann�es et � la fin on a gagn�, au bout de 10 ans. C’�tait contre un camp militaire... Je pense qu’on devrait arriver � gagner contre une zone industrielle. S’il le faut, il y aura une mobilisation nationale pour faire de cette exploitation un symbole. Elle a montr� qu’il y a une alternative pour l’agriculture dans les zones p�riurbaines, � un moment o� nous devons dire stop � l’urbanisme... On ne va pas cr�er une ville �tendue de Nice jusqu’� Barcelone ! Ca n’a pas de sens ! On ne va pas b�tonner toute la c�te ! Elle est d�j� largement d�truite... Il y a la n�cessit� d’un �quilibre. La meilleure fa�on pour maintenir cet �quilibre est de d�clarer d’utilit� publique les exploitations agricoles et l’installation agricole. Face � la volont� de mettre en place une utilit� publique pour chasser un paysan, nous disons que c’est l’installation des paysans qui doit �tre d�clar�e d’utilit� publique...

Le week-end dernier, vous �tiez avec Mam�re des Verts, aujourd’hui vous �tes aux c�t�s d’un �lu plus proche de l’UDF, on a du mal � vous situer...
Ecoutez, moi je me situe avec les gens. Pour moi, la question n’est pas politique. S’il y avait eu d’autres �lus qui �taient venus avec nous pour faucher des OGM, je l’aurais fait... Ce n’est pas une question d’�tiquette. Je pense qu’il y a des combats dans lesquels on peut se retrouver : des organisations paysannes, des associations de consommateurs, des �lus politiques qui portent le combat des citoyens... Je ne fais pas d’exclusive par rapport � des citoyens qui m�nent ce combat. Il est �vident qu’il y a malgr� tout un parti � c�t� duquel je refuserais de me mettre parce que pour moi il sent mauvais...

Si le projet Mac Do va jusqu’au bout, comment orienterez-vous votre action ?
Si le maire veut s’ent�ter, je pense que les manifestants vont essayer de r�unir un maximum d’habitants. Je crois qu’il faut exiger sur cette affaire un v�ritable r�f�rendum municipal. C’est possible, il faut que la mairie l’organise. Si la mairie refuse de l’organiser, les associations devront s’en charger elles-m�mes. �a, c’est � mon avis le point de d�part. Ensuite, il faudra voir sur le terrain. Si le maire refuse de tenir compte de la majorit� de sa population, il faudra faire des recours. Et si les recours juridiques ne suffisent pas, et bien peut-�tre qu’il faudra occuper en final le chantier pour l’emp�cher d’aboutir. Mais on n’en est pas encore l�. Aujourd’hui, on est dans la mobilisation, la prise de conscience. »




[1] Jean-S�bastien Vialatte, maire de Six-Fours.

[2] Ferdinand Bernhard, maire de Sanary.

[3] F�d�ration des Parents d’Eleves de l’Enseignement Public, plut�t � droite.

[4] POS : Plan d’Occupation des Sols. PLU : Plan Local d’Urbanisme.

[5] La lagune du Brusc est class�e Natura 2000.