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Le lac de Bonne Cougne menacé par un parcours de golf

mardi 13 janvier 2004
par Emanuel Haumant
Le département du Var compte déjà 13 parcours de golf. Des écrins de verdure dans lesquels de somptueuses réalisations immobilières vous sont parfois proposées, moyennant finance, parfaite osmose entre nature et confort. Un nouveau projet est en gestation sur le domaine de Rouvède, entre Flassans sur Issole et Gonfaron.

COMME l’annonce sur internet le golf de Saint-Endréol qui propose de devenir propriétaire d’une maison de ville ou d’une bastide : « vos futurs voisins ? Des européens du Nord ! Suédois, Anglais, Irlandais, Suisses, Belges et Danois... Le caractère marqué des Domaines attire une population qui se reconnaît. D’origine internationale, les membres retrouvent aux Domaines la sérénité perdue dans les villes. Savourez l’authenticité des moments vécus à son rythme et la compagnie d’un petit monde partageant les mêmes passions. Rejoignez un cercle de relations privilégiées... »
Le décor est planté, si les 35 heures ne sont pas une bonne idée pour les pauvres [1], il faut bien que les riches aient des loisirs.

Le projet du domaine de Rouvède

Un complexe golfique comprenant deux parcours (18 et 9 trous) serait implanté dans la commune de Flassans sur Issole sur une surface de 126 hectares. Le projet inclut la construction sur 38 hectares de 223 résidences de tourisme, 39 mas individuels et 65 appartements pour un accueil total de 1050 personnes. Il est prévu d’installer une station d’épuration sur le domaine, en amont des prélèvements d’eau de Gonfaron.
Pour l’arrosage, la construction de lacs de stockage sur 9 hectares permettra de recueillir 83% des eaux de ruissellement de la plaine de Rouvède sans compter les 4 forages réalisés sur le site.
Outre l’opportunité de la construction d’un autre golf sur la commune [2], il se pose de nombreuses questions écologiques que les promoteurs du projet éludent sans vergogne.

Les retombées écologiques

Ce projet spéculatif bute sur un problème de taille : le secteur géographique sur lequel est prévue l’implantation est très sensible. La dépression du Rouvède est une doline [3] au sein de calcaires et dolomies (trias inférieur [4]) très fissurés. Ce réseau karstique  [5] se laisse très facilement envahir par les eaux de surfaces qui participent à son fonctionnement et son équilibre.
Comme l’écrit monsieur Emblach, hydrologue, dans son étude de secteur datant de fin 2002, « Le projet de création du golf de la Rouvède est une grande menace pour le régime hydrogéologique et la qualité des eaux ».

La viabilité du captage de la source du Maraval qui fournit Gonfaron en eau potable est fortement compromise. Cette source est en effet alimentée par l’eau du réseau karstique supérieur, le prélèvement de plus de 80% des eaux de ruissellement et l’utilisation des 4 forages risquent de l’assécher. Les promoteurs annoncent une consommation de 170000 m³ [6] mais selon les experts de l’agence de l’eau il faut plutôt compter de 342000 à 1172000 m³ soit 2 à 7 fois plus. Pour couronner le tout, il ne faut pas oublier que l’engazonnement du site polluerait les eaux souterraines.

Situé en aval du projet golfique, le Lac temporaire de Bonne Cougne est une Zone Naturelle d’Intérêt Ecologique Floristique et Faunistique (ZNIEFF) et un site Natura 2000. C’est un écosystème exceptionnel, la mare de Bonne Cougne a un fonctionnement directement lié au ruissellement des eaux de Rouvède [7] et son fonctionnement serait totalement bouleversé. Ce sont 5 habitats d’intérêt communautaire, 10 espèces de Characées (groupe d’algues) considérées comme un joyau de la flore du secteur, 110 espèces d’invertébrés aquatiques, un lieu de reproduction des batraciens et un site privilégié pour de nombreux reptiles dont la tortue d’Hermann et la Cistude qui sont menacés. Mais qu’est-ce comparé au plaisir solitaire de taper dans une balle en caoutchouc ?

Le creusement des lacs entraînera un décaissement de 3 mètres de profondeur sur 9 hectares. Comment seront évacués les centaines de milliers de tonnes de terre et de gravats, alors que la départementale 39 située entre Flassans et Gonfaron est limitée à 10 tonnes ?

Comment est-ce possible ?

Sur une page web disponible il y a peu de temps, on recherchait encore un aménageur-promoteur pour réaliser ce projet de golf immobilier. Initiative d’un doux rêveur ou réelle spéculation immobilière ?
En tout cas, la Franco-Hollandaise de Construction est volontaire pour porter le projet, elle aurait des accords avec Pierre et Vacances pour l’exploitation du site. Les défenseurs du projet annoncent la création de 100 emplois. L’aménageur devrait s’acquitter d’une taxe de 5940000 euros à verser à la commune de Flassans sur Issole pour l’équipement en eau potable et les équipements communaux induits par la population du golf.

Vu le contexte, on se demande comment ce projet a pu atteindre un tel stade de développement. Il n’est pas conforme à l’esprit de la loi relative à la Solidarité et au Renouvellement Urbain (SRU) qui permet d’éviter le mitage des zones non construites. Contrairement à un avis rendu à la Mairie de Gonfaron par M. Gravost [8] qui confirme que le projet de complexe golfique se situe dans le périmètre protégé du captage et de la source du Maraval, le dossier de présentation du complexe affirme que « les caractéristiques géologiques et hydrogéologiques plaident en faveur de l’absence de relation directe entre l’aquifère du massif de Flassans sur Issole et celui dans lequel est implanté le forage de Maraval ».

Une enquête publique vient d’avoir lieu dans le cadre de la loi sur l’eau : c’est le Préfet qui donne l’autorisation d’aménagement (conformité avec la loi sur l’eau), puis le maire de Flassans sur Issole qui accorde les permis de construire. Comme souvent dans ces cas là, l’enjeu est énorme. La mairie réaliserait la viabilisation de l’ensemble immobilier à plus de 3 km du centre du village. Cela engendrerait immanquablement des spéculations foncières sur les terrains jouxtant les canalisations créées, leur viabilisation devenant possible, le Plan Local d’Urbanisme (PLU) [9] n’étant pas encore établi.
Quand on connaît la pression foncière qui existe dans le département, on se dit que malheureusement tout est possible.

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Dossier réalisé avec la participation de l’association de défense du lac de Bonne Cougne et de protection de l’environnement de Gonfaron et de ses environs, Rue de la gare, 83590 Gonfaron.

[1] Comme le dit si bien Nicolas Baverez, autant la réduction du temps de travail « est appréciable pour aller dans le Luberon, autant, pour les couches les plus modestes, le temps libre, c’est l’alcoolisme, le développement de la violence, la délinquance ».
N’oublions pas non plus qu’un club de golf bien manié par un pauvre devient vite une arme, surtout si le pauvre est mauvais joueur.

[2] Un golf existe déjà, Le golf de Barbaroux, implanté sur les communes de Flassans sur Issole et de Gonfaron.

[3] Dans un relief karstique, dépression fermée de forme circulaire.

[4] Période géologique la plus reculée de l’ère secondaire.

[5] Un karst est constitué par un ensemble de formes souterraines et de surface et de conditions d’écoulements souterrains, qui interagissent les unes sur les autres.

[6] Consommation d’une ville de 4500 habitants.

[7] Lors de fortes pluies on assiste à la mise en charge simultanée du réseau de Bonne Cougne et du cours d’eau du Maraval en un laps de temps de 48 heures :
· 1ère phase de mise en eau du lac de Bonne Cougne par les eaux de ruissellements de Rouvède ;
· 2ème phase de mise en eau du lac avec la résurgence de Bonne Cougne ;
· inondation de la plaine de Rouvède ;
· mise en charge des sources du Maraval ;
· débordement de la mare ;
· écoulements importants de tout le réseau dans le ru du Maraval ;
· vidange de la plaine de Rouvède.

[8] Hydrogéologue agréé en matière d’hygiène publique pour le département du Var.

[9] Le Plan d’Occupation des Sols (POS) laissera prochainement sa place au nouveau Plan Local d’Urbanisme (PLU).

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